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Conjoncture en semiconducteurs : petite faiblesse

Le spectre des surstocks et d’un retournement de conjoncture revient. Un retournement de style 2001 est pourtant quasi impossible.

Le signal d’alarme, déclenché à plusieurs reprises depuis deux semaines, à la fois au travers de prévisions de résultats trimestriels ou d’études de marché, a pour origine l’existence de ‘ surstocks ‘ qui
seraient devenus significatifs depuis juin dernier. Mais avant de s’affoler, il convient d’abord de découvrir d’où viennent ces surstocks, comment ils se sont constitués, puis d’estimer s’il s’agit d’un problème structurel ou seulement
conjoncturel.Les surstocks de composants peuvent exister (en s’ajoutant) à la fois chez les fabricants de semiconducteurs, les distributeurs, les sous-traitants, les utilisateurs et les spéculateurs… mais aussi sous forme de composants montés
sur des cartes dans des produits finis qui attendent sur des étagères.Dans le milieu lié aux composants, chez les quatre premiers acteurs cités donc, et si l’on en croit les sociétés d’études spécialisées telles iSuppli, les surstocks éventuels se comptent en jours (sauf chez Intel pour des raisons en
grande partie propres à la société) et n’ont donc absolument rien d’affolant.La surprise, cette fois-ci, vient des stocks de produits finis et uniquement de là. Cela se découvre à la lecture de certains rapports financiers trimestriels de sociétés, qui nous révèlent non pas, sauf exceptions, que leurs ventes
décroissent (c’est la grande différence avec 2001), mais qu’elles sont moins fortes que prévu ­ sous-entendu pour la filière électronique ‘ Nous avons lancé la fabrication de trop de produits… qui se retrouvent
donc en stock, ce qui nous conduit à réduire le niveau des commandes de composants pour le trimestre en cours. ‘
Nous apprenons ainsi que la croissance annuelle du marché des écrans plats pour téléviseurs est en train de passer en dessous de la barre des 100 % (on a vu pire…), les autres marchés à croissance
‘ décevante ‘, essentiellement d’origine asiatique, étant les consoles de jeux, les appareils photo numériques bas de gamme (on comprend pourquoi vu l’explosion des ventes de photophones), les lecteurs de DVD, les
caméscopes (on attend les appareils haute définition) et les PC grand public.La déception par rapport aux prévisions vient donc essentiellement du secteur grand public et, à notre avis, nous restons sur une pente de croissance de marché structurelle globale du semiconducteur en nombre de pièces (hors phénomènes
de stock) supérieure à 18 %, et cela depuis au moins octobre dernier.

Trois ‘ mauvais ‘ mois à venir

Or, sur le terrain des ventes mensuelles de semiconducteurs, que constate-t-on ? Entre août et novembre 2003, tout d’abord, sur les 4 mois de production précédant Noël, la croissance des ventes en nombre de pièces par rapport
à la période correspondante de 2002 n’a été que de 8,1 %. Incontestablement trop faible.Nous avons ensuite assisté à une explosion des livraisons en décembre 2003 pour digérer les sous-commandes, +34,6 %, suivie d’un retour à une quasi-normale en janvier, +21,8 %. Mais là, l’optimisme (ou la crainte d’un manque
de pièces) s’est installé(e) et les livraisons de semiconducteurs ont été trop fortes : +25,5 % en février, +17 % en mars, +29,4 % en avril, +29,7 % en mai et +24,2 % en juin (source : Future Horizons).Sur 5 mois, la croissance moyenne des livraisons a été de 25,2 % alors qu’elle aurait dû être de 18 % (ce dernier chiffre n’est qu’une estimation qui résulte du raisonnement précité). Environ 7 points de croissance en
trop pendant 5 mois.Quel scénario pour s’en sortir ? Vu l’état d’esprit du marché, il est raisonnable d’imaginer une réaction assez sévère, mais qui sera fatalement courte : notre croissance de 18 % serait ainsi amputée de 10 % du fait
de déstockages en août (reste 8 % de croissance en nombre de pièces), de 15 % en septembre (reste 3 % à la croissance) puis de 8 % en octobre (reste + 10 %) et enfin 2 % en novembre (reste +16 %).Difficile, dans une période perturbée, d’évaluer l’évolution des prix des semi-conducteurs, d’autant plus que l’essentiel de ces derniers est négocié à l’avance. Mais il ne peut pas y avoir écroulement : l’utilisation des capacités
de production restera élevée durant cette période.Rappelons en outre que, même si l’industrie du semiconducteur investissait 50 Md$ cette année, ce serait moins que 25 % du chiffre d’affaires de la profession et donc insuffisant pour préparer l’avenir ; d’autant que les
investissements 2002-2003 ont eux aussi été nettement insuffisants. Les capacités de production sont donc condamnées à rester tendues pendant de nombreux mois encore ; les acheteurs doivent toujours craindre une pénurie.* Directeur de la rédaction d’Electronique International HebdoProchaine chronique mardi 21 septembre

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Jean-Pierre Della Mussia*