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Computex 2018 : un exercice militaire d’invasion par la Chine paralyse Taipei

Juste avant l’ouverture du Computex, Taïwan organise un exercice militaire qui a complètement paralysé Taipei pendant 30 minutes. Une manière de répondre aux menaces de Pékin… et d’alerter la presse et ses partenaires économiques.

Trente minutes : c’est la durée durant laquelle le cœur de Taiwan, champion asiatique des nouvelles technologies a (presque) cessé de battre ce lundi 4 juin. Le temps d’un exercice militaire – le Han Kuang – où voitures et piétons ont quitté les rues et trottoirs pour rester cantonnés aux maisons, bureaux et autres stations de métro. Trente minutes ce n’est rien… et c’est énorme : imaginez un instant New York, Paris ou Londres complètement à l’arrêt ? 

Invités par le Taitra, l’organisme de développement du commerce extérieur de Taïwan, nous avions été bien mis en garde : par e-mail dans un premier temps, dans une note laissée à l’hôtel par la suite, par le biais de petites affichettes finalement. De 13h30 à 14h00 le lundi 4 juin, la circulation était strictement interdite. Et quand on dit strictement, c’est du sérieux : les amendes en cas de non-respect vont jusqu’à 5000 US $ !

Adrian BRANCO – Autour de la station de métro Taipei City Hall en temps normal…
A.B. / 01net.com – … et de 13h30 à 14h00, plus un seul véhicule ni aucun humain ne circule dans les rues.

Si l’idée d’une série d’exercices militaires grandeur nature d’une semaine avec comme point d’orgue la paralysie d’une capitale nous paraît extraordinaire à nous autres européens, pour les habitants de Taïwan, c’est un aspect de leur normalité : de nombreuses actions sont menées sur le territoire et dans les eaux territoriales tout au long de l’année. Cette fois, l’exercice simule une attaque aérienne et la réponse des troupes taïwanaises. Une attaque qui viendrait d’où ? Du grand frère juste en face : de la République Populaire de Chine.

Pékin met la pression, Taïwan joue la communication

Le Han Kuang se tient souvent entre avril et mai et quand il s’est tenu en juin par le passé, ce fut toujours hors des événements internationaux. Et certainement pas pendant le Computex, le plus gros salon de l’année à Taïwan et l’événement tech le plus important en Asie. Un Computex 2018 qui s’ouvre donc sur fond de tensions internationales, des tensions qui ont transparu lors de la conférence de presse, où les questions à ce sujet ont fusé. Un contraste avec l’année précédente, où les interrogations des journalistes ne concernaient – logiquement – que la tech ou l’économie.

Pourquoi Taïwan organiste-t-il un tel exercice à ce moment-là ? Peut-être pour marquer les esprits des nombreux journalistes, investisseurs et grosses entreprises qui sont dans le pays en ce moment. Depuis l’élection de la présidente Tsai Ing-wen en 2016, plus hostile à Pékin que son prédécesseur, les relations entre la République Populaire de Chine (ou Chine continentale) et la République de Chine (Taïwan) sont plus que tendues. Pékin joue clairement les gros bras en multipliant mises en garde et exercices militaires jusque dans les eaux territoriales (non reconnues pas l’ONU, ndr) de Taïwan.Et fort de son économie et de ses 1,4 milliard d’habitants, Pékin joue clairement les gros bras en multipliant mises en garde et exercices militaires jusque dans les eaux territoriales (non reconnues pas l’ONU, ndr) de Taïwan.

Un nuage plane au-dessus du paradis de la tech

Si l’exercice d’affutage de canons est une manière de montrer à Pékin que le gouvernement Taïwanais se tient prêt, la date de lancement des opérations est surtout un coup de communication. Une démarche dont se seraient peut-être passés les acteurs économiques comme le Taitra, qui organise le Computex.    

« Le gouvernement ne nous a prévenu qu’à la dernière minute », nous explique Walter M. S. Yeh, président du Taitra, quand nous l’interrogeons au sujet de l’exercice militaire. « Il n’y a cependant rien d’exceptionnel puisque de nombreux événements (de ce genre, ndr) sont organisés tout au long de l’année à Taïwan » tempère-t-il avant d’ajouter qu’il « n’y a pas lieu d’être inquiet » quand nous posons la question de la manière dont cela va être perçu par les étrangers. Mr Yeh comme la plupart des officiels de Taïwan – et toute personne évoluant dans les milieux économiques – est prudent dans le choix des mots quant aux relations avec la Chine. Et il a raison : « Oui, les événements récents ont un peu fait baisser les investissements étrangers à Taïwan. Mais le nombre de pays exposants (au Computex, ndr) est encore en hausse avec une grosse présence Française. Et de grandes entreprises comme Google ou IBM ont continué d’investir en ouvrant récemment des centres de recherche », ajoute-t-il, confiant.

Géant des nouvelles technologies notamment par le biais de son savoir-faire dans les semi-conducteurs, Taïwan est une terre d’exception pour les entreprises du monde entier, bien plus respectueuse des droits des investisseurs que la Chine et bien moins opaque que le Japon. Une maîtrise technique qui est peut-être un des atouts majeurs de l’île face à son voisin.

Les géants US de la tech, l’assurance vie de Taïwan ?

En quoi les relations entre Taïwan et la Chine concernent-elles notre sujet ? Vous connaissez Asus, Acer, HTC, Zotac, etc. ? Le géant Foxconn qui fabrique les appareils Apple ou encore TSMC qui crée les processeurs pour Nvidia et consorts ? Vous l’avez deviné, le point commun est que toutes ces entreprises, souvent aussi établies en Chine, sont taïwanaises. Et l’impact que pourrait avoir une éventuelle invasion de la Taïwan par la Chine, qui considère l’île comme faisant partie intégrante de son territoire, pourrait être énorme non seulement pour les habitants mais aussi pour le monde des nouvelles technologies.

Car outre ses acteurs maison, Taïwan héberge aussi de nombreuses entreprises, notamment américaines : de Google à Intel en passant par IBM ou Facebook, toutes les grands noms ont un pied à Taïwan. Un pied, voir plus : les américains Nvidia et AMD dépendent par exemple de TSMC pour la production de leurs puces les plus haut de gamme, le géant taïwanais étant un maître de la gravure de microprocesseurs.

Dans un contexte économique de guerre économique déclarée entre le gouvernement Trump et la Chine, la forte présence de capitaux et d’intérêts américains pourraient, bien plus que son armée, jouer en faveur de Taïwan et la protéger d’une intervention militaire de son voisin.

Le processeur plus fort que l’épée ?

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