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Comment un processeur Intel Atom s’est retrouvé sur Mars

A plus de 200 millions de kilomètres de la terre, les 23 caméras du rover américain Perseverance s’appuient sur un petit processeur Intel Atom de génération « Bay Trail » pour récolter et compresser les images qui sont envoyées sur Terre.

Après le drone qui vole grâce à Qualcomm, on apprend que le rover Perseverance s’appuie sur une autre puce grand public pour effectuer sa mission.
Signée Intel cette fois, la puce est un processeur Atom de génération « Bay Trail ». Mais alors que la mission « drone » était un bonus, celle de la puce d’Intel est bien plus critique car elle est aux commandes du flux des images des 23 caméras qui équipent le rover.

Perseverance est équipé de deux unités de stockage pour les images appelées « data storage units » ou DSU. Chaque DSU consiste en une partie stockage pur contrôlée par une carte mère conçue par Compulab, une COMEX-IE38.
Coûtant seulement 150 dollars l’unité, ces cartes intègrent chacune 8 Go de RAM et un Atom E3845, un CPU x86 64 bit à quatre cœurs cadencés à 1,91 GHz, affichant un TDP de 10 W (12 W pour l’enveloppe totale).
C’est ce CPU, qui reçoit les images brutes (RAW) envoyées par les caméras, qui les compresse, les assemble parfois (panoramas), les envoie au contrôleur de SSD intégré sur la carte (un Phison  PSS4A111-8G),  et les stocke sur un SSD à mémoire flash de 480 Go.

C’est sur ces deux unités représentant un total de 960 Go que sont stockées les images qui sont ensuite envoyées à la Terre. Le génie logiciel des ingénieurs de la Nasa se manifeste dans la gestion de la corruption des données liées à la faible protection électromagnétique de la très fine atmosphère martienne. Mais alors que l’absence de blindage électromagnétique était peu importante pour Ingenuity, dont la durée de la mission ne peut pas excéder quelques semaines, il en va autrement pour le petit Atom d’Intel, qui doit gérer les images de Perseverance pendant des années.

Un processeur éprouvé

Tout comme le processeur d’Ingenuity, un Snapdragon 801, lancé en 2014, l’Atom E3845 d’Intel est une « vieille » puce puisqu’elle a été lancée fin 2013. Gravée en 22 nm, ce processeur est pourtant toujours au catalogue d’Intel. A l’heure des gravures en 5 nm (10 nm chez Intel), pourquoi conserver une telle puce ? Parce qu’elle est éprouvée. Plus que la puissance pure, les ingénieurs de la Nasa cherchent des composants fiables.

Et loin de cibler (à l’époque) les Netbooks et autres PC portables à pas cher (les Atom n’ont jamais été des foudres de guerre), ce E3845 a été qualifié par les ingénieurs d’Intel pour être utilisé dans les milieux « Automobile », « Embarqué » et « Industriel ».
Des mentions qui indiquent que la puce est faite pour encaisser de grandes variations de température et de condensation. Intel ne plaisante pas avec ce genre de spécifications puisque dans le cadre des tests de robustesse électromagnétique de son prototype de carte graphique DG1, dont les évolutions doivent être intégrées dans les supercalculateurs, Intel a même procédé à des tests d’irradiation dans l’accélérateur de particule de Los Alamos, au Nouveau Mexique (USA).
Il ne s’agit pas d’un cas isolé : les SSD d’entreprise d’Intel, comme le D7-P5510, passent tous par l’accélérateur de particule pour éprouver les systèmes matériels et logiciels internes de correction de données !

Les protocoles stricts qui encadrent les puces « professionnelles » d’Intel font que ses Atom sont aussi étudiés de près par la communauté spatiale dans les CubeSat, ces satellites miniatures à bas coût. Des expériences en laboratoire de la Nasa ont montré que même exposé à des taux de 5 MeV-cm²/mg, plusieurs puces, dont celle d’Intel, « continuent de fonctionner correctement » même après de vilain traitements. Pas encore de quoi remplacer les processeurs blindés pour les parties critiques (systèmes de navigation, etc.) mais largement de quoi piloter des missions simples.

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Car en plus du hardware, ce genre de puce éprouvée – bientôt huit ans de services ! – dispose aussi d’un long historique logiciel. Là encore, plus que la puissance ou la complexité, c’est la robustesse de la solution qui prime. Quand on est à plusieurs centaines de millions de kilomètres de la Terre, il ne faut pas être le plus rapide, il faut savoir « être et durer ».

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