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Comment le gouvernement veut étendre la lutte contre le piratage

Le projet de loi qui fusionnera la Hadopi et le CSA crée de nouveaux outils de censure administrative. Ils permettront de bloquer plus facilement les sites pirates, les sites miroirs et les flux de retransmission d’évènements sportifs.

Haro sur les pirates ! Le gouvernement a présenté hier, en Conseil des ministres, le projet de loi « relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique », également appelé « projet de loi Arcom ».
C’est en effet le nom de l’autorité indépendante qui résultera de la fusion de la Hadopi et du CSA et qui disposera de tout un nouvel arsenal légal pour lutter contre les nouvelles formes du piratage, à savoir le streaming et le téléchargement direct. Celles-ci échappent totalement à la Hadopi qui ne peut qu’agir sur les réseaux peer-to-peer.

Le texte du projet de loi n’a pas encore été publié, mais les grandes lignes sont connues. Une version préliminaire a été récupérée par le site Contexte. Et, tout récemment, NextInpact a réussi à mettre la main sur l’avis du Conseil d’État sur ce texte. Il en ressort que l’Arcom disposera de trois nouveaux leviers d’action : des listes noires de sites pirates, le blocage des sites miroirs, et la lutte contre la retransmission d’évènements sportifs.

Un blocage de plus en plus dynamique…

En effet, l’Arcom aura la capacité d’établir une liste de sites qui portent atteinte « de manière grave et répétée aux droits d’auteur ou aux droits voisins » et que les FAI et les moteurs de recherche seront invités à bannir de leurs systèmes.
Cette liste sera rendue publique. Les responsables des sites épinglés seront toutefois alertés et convoqués avant la mise à l’index. En revanche, les noms des annonceurs, des mandataires et de « toute autre personne en relation commerciale avec les sites contrevenants » seront également rendus publics par le biais d’un rapport annuel.

Ce qui sera moins transparent est le blocage des sites miroirs. Actuellement, quand un site est bloqué, son contenu a vite fait de réapparaître sous un autre nom de domaine, échappant ainsi à la décision de justice.
Pour éviter cela, le projet de loi Arcom permettra de bloquer l’accès à tout site reprenant en « totalité ou de manière substantielle le contenu » illicite. Ce blocage est dynamique et évoluera donc en fonction de la situation, sur la base d’accords passés avec les ayants droit.

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Enfin, pour lutter contre la retransmission d’évènements sportifs, le gouvernement a imaginé un mécanisme de frappe préventive, permettant de bloquer les flux des streaming avant qu’ils n’existent.
Saisi par une chaîne ou un club, le tribunal judiciaire pourra ordonner des mesures de blocage pour des journées de manifestation « dans la limite de la durée de la saison sportive ». Il suffira alors que les agents de l’Arcom identifient un flux pirate pour provoquer son blocage immédiat.

Évidemment, ces nouveaux outils de censure administrative ne fonctionneront que si les FAI et les moteurs de recherche sont volontaires dans cette action de lutte. Dans le cas contraire, il faudra passer par la case justice et obtenir la décision d’un juge. Ce qui est plus lent.

Mais il reste quand même un problème, et non des moindres, c’est le contournement de la censure. Celle-ci est généralement obtenue par un blocage DNS qui, on le sait, est très facile à déjouer. C’est pourquoi le projet de loi permet à l’Arcom non seulement d’agir sur les FAI et les moteurs de recherche, mais aussi sur les « fournisseurs de noms de domaine », selon NextInpact. Le blocage pourrait ainsi se faire à la source.

… mais il reste des trous dans la raquette

Mais il n’est pas certain que cela soit suffisant. Il sera difficile de contraindre les prestataires situés hors de France avec cette nouvelle loi. Si l’internaute utilise un VPN ou un service DNS étranger et que le contrefacteur enregistre son nom de domaine dans un pays peu regardant, on voit mal comment le blocage pourra être efficace. C’est pourquoi certains contributeurs au texte voulaient d’ailleurs étendre le rayon d’action de l’Arcom à « toute personne susceptible d’y contribuer », et pas seulement les FAI et les moteurs de recherche. Mais cette formulation a visiblement été écartée.

Enfin, pas tout à fait, car ces termes se retrouvent maintenant dans un amendement de la loi LCEN, dans le cadre du projet de loi sur le respect des principes de la République. D’après cet ajout, l’autorité judiciaire pourra, pour faire respecter un blocage ou un retrait de contenu, se tourner vers « toute personne susceptible d’y contribuer ».
Reste à savoir si cela permettra de vraiment faire plier les fournisseurs de services DNS comme Google, Cloudflare, NordVPN et consorts.

Sources: Gouvernement.fr, NextInpact, Contexte

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Gilbert KALLENBORN