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Coke en stock… option

Le nouveau sujet tabou après l’amour au bureau : la distribution des stock-options.

Étonnant comme le goût des choses simples se perd ! Prenez un cadre dans une entreprise, bon diplôme, parcours performant, objectifs remplis. Hier encore, il était ravi avec une petite augmentation au mérite, une Laguna de fonction, une prime exceptionnelle et quelques bouffes sympa passées en notes de frais. Même au niveau au-dessus, genre comité de direction, avec un Espace V6 et la cotisation au club de golf payée par la boîte, les gens se sentaient flattés.Aujourd’hui, hélas ! cela ne suffit plus. Les cadres vraiment performants réclament une nouvelle sorte de carotte, les stock-options. Au début, le truc a l’air sympa. L’entreprise ne paye rien, le bénéficiaire non plus, il attend que l’action monte, il l’achète, la revend et encaisse la plus-value. Techniquement, le système est complexe, mais le simple fait d’en faire partie vous classe immédiatement dans la catégorie des cadres ” sur qui on compte “, par opposition aux autres, ceux qui partent pour Venise à l’Ascension avec le comité d’entreprise.À l’usage, malheureusement, le régime des stock-options finit par provoquer de curieux troubles de comportement. Prenez par exemple Damien, à la direction générale. Depuis qu’il a des ” stocks “, il a mis Boursorama en fond d’écran sur son PC et, tous les matins, il regarde la courbe de ses actions. Résultat : cette année, son bronzage de Tignes n’a pas tenu deux jours.William aussi, chez Techsoft : il y a un an encore, il frimait en privé en disant qu’il avait de quoi s’arrêter de bosser à 30 ans et acheter des vignes dans le Médoc ; aujourd’hui, il est content de pouvoir se payer un deux pièces dans le XIe arrondissement de Paris. Je ne parle pas de la standardiste de Vivendi Universal qui a eu droit à 10 options. Vu le cours de l’action en ce moment, sa plus-value frise les 60 euros. Pour aller aux Antilles à Noël prochain, heureusement qu’il y a le treizième mois.Pauvres managers français ! Autrefois, à pareille époque, ils se seraient réjouis. Le chômage baisse, les ponts de mai sont en vue, et la cantine a supprimé les steaks hachés. Mais, avec ces fichues stock-options, le CAC qui craque et le Nasdaq patraque, les conversations le matin à la machine à café prennent un tour assez technique, parfois limite angoissé.

Bruno (directeur financier) :
“Tiens, tu sais qui j’ai vu hier soir dans l’ascenseur avec la petite stagiaire HEC ?”


Pierre-Antoine (directeur Europe du Sud) :
“Bon, allez arrête tes c… Il y a un truc important qui se passe dans la boîte. Il paraît qu’ils donnent des stocks. Je sais bien, ça ne se dit pas, mais t’en as eu combien, toi ?”


Bruno :
“1500, et toi ?”


Pierre-Antoine :
“Purée, je crois que c’est pas mal. Bertrand m’a dit que si t’es directeur général, ils t’en filent 15 000 d’un coup. Genre trois ans de salaire.”


Bruno :
“Et si tu te barres de la boîte, tu peux les garder ?”


Pierre-Antoine :
“En principe non, c’est fait pour fidéliser les hauts potentiels, les hot skills, comme ils disent à la corp. Mais je connais un gars, au siège, il est revenu six mois après et on lui a refilé son paquet.”


Bruno :
“C’est qui on ?”


Pierre-Antoine :
“Espinasse, le PDG ; c’est lui qui a l’enveloppe et qui choisit, avec le board ; d’ailleurs, il paraît que, lui, il en a pour 100 plaques.”


Adrien (stagiaire Essec, promo 2001) :
“100 plaques, tu veux parler de la plus-value d’acquisition ou de cession ? Faut pas confondre.”


Pierre-Antoine :
“Pas évident à piger ce truc. Tout ce que je sais, c’est qu’en France le fisc t’assassine à la sortie. Matthieu, à Londres, m’a dit que le mieux c’était de se faire refiler des stocks sur la filiale aux US. Là, t’es tranquille.”


Bruno :
“Bon allez, c’est l’heure, il y a réunion du CE. Faut qu’on leur parle des Ticket-Restaurant.”

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Éric Meyer