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Charlot retrouve la grande forme

Abîmées les pellicules des trois premiers longs-métrages de Chaplin ? Qu’à cela ne tienne. Après un minutieux toilettage numérique, elles ont retrouvé leur première jeunesse.

La Ruée vers l’or, Le Cirque, Le Kid : ces films muets ont été tournés dans les années vingt. Leur humour n’a pas pris une ride, mais leur pellicule accuse cruellement ses 80 ans d’âge. En 2007, lorsque MK2 décide de ressortir ces films de Chaplin en salle, un profond lifting numérique s’impose. Aux archives de Bologne (Italie), les meilleurs fragments du négatif sont rassemblés pour reconstituer trois copies aussi peu abîmées que possible. MK2 envoie ensuite ces bobines à Quinta Industries, spécialiste français de la restauration.Le long processus de restauration débute par la numérisation des bobines en Full HD. Les vidéos sont ensuite étalonnées ; luminosité et contraste sont embellis. Les taches, les poussières et les rayures sont éliminées, des corrections simples sont réalisées avec le logiciel spécialisé Correct de MTI. Les retouches plus délicates sont menées avec le logiciel Illusion, dont les outils ressemblent à ceux du logiciel de retouche Photoshop. Au menu : stabilisation des images sautillantes, élimination des traces de scotch et des bavures, éradication des scintillements lumineux.

Le travail est avant tout manuel

Le travail du restaurateur numérique Julien Bachelier est essentiellement manuel : “ Sans aide humaine, le logiciel ne peut pas détecter les défauts du négatif. ” La plupart des retouches reposent sur la méthode du copier-coller et de ses dérivés clonage et déformation. Heureusement pour Julien Bachelier, des fonctions automatiques accélèrent certaines tâches : “ Pour corriger une rayure peu profonde, je fais une sélection tout autour. Le logiciel la localise, corrige son contraste et sa luminosité : la rayure disparaît. ” Un autre outil permet de stabiliser une image qui sautille :“ J’indique au logiciel un point fixe, une chaise par exemple, sur plusieurs images. Le logiciel identifie les images mal centrées, et les replace. ” Plus spectaculaire : “ Lorsqu’un chapeau est mangé sur plusieurs images, je peux demander au logiciel de remplir les images manquantes. On appelle cela faire de l’interpolation. J’indique au logiciel où se trouve le chapeau avant, puis après sa disparition. Le logiciel recrée les images intermédiaires. Si le chapeau a diminué de taille, s’il a changé de forme, le logiciel transforme ses dimensions et son apparence. Le résultat est rarement parfait : je dois souvent peaufiner le travail à la palette. ”La retouche la plus délicate ? Sur le négatif du Cirque, un bord est mangé sur quatre images successives (voir les images ci-dessus). Le décor et les personnages ont disparu, il faut les recréer. “ J’y ai passé trois jours, soupire Julien Bachelier. J’ai commencé par revenir quelques images en arrière, à un endroit où le négatif n’était pas abîmé. J’y ai copié chaque élément du décor manquant, puis je les ai collés dans les images détériorées. ” Plus difficile de reconstituer Chaplin, dont le corps est mobile : “ J’ai copié ses membres dans les images précédentes, puis je les ai déformés image par image, à l’aide de l’outil transformation. J’ai peaufiné ces incrustations pixel par pixel, avec la tablette graphique. ” Et le calvaire n’est pas fini : “ J’ai dû reconstituer les miroirs, avec les reflets de chaque personnage. Un travail de fourmi. ” Trois jours de restauration sur un total de vingt jours consacrés au négatif de ce film.

Bientôt en Blu-ray et en HD-DVD

La seule limite imposée au restaurateur est de ne pas nettoyer les pellicules à l’excès. “ Le film ne doit pas être plus propre qu’à l’époque où il est sorti en salle ”, précise Gregory Sapojnikoff, directeur d’exploitation chez Scanlab, filiale de Quinta. Après restauration, les trois longs-métrages de Chaplin sont stockés avec une très faible compression sur une cassette HD-Cam SR. Sortis en salles et en DVD en novembre 2007, ces films pourraient être commercialisés en Blu-ray et en HD-DVD à plus ou moins longue échéance. Reste à espérer que ces fichiers numériques, témoins d’une œuvre cinématographique historique, seront toujours en bon état dans 80 ans, l’âge des pellicules restaurées

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Nicolas Six