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Bernard Miyet (Sacem) : ‘ Nous ne voulons pas attenter à la vie privée, mais faire respecter le droit des auteurs ‘

Dans un marché du disque malmené par le succès des réseaux de peer to peer et des graveurs de CD, éditeurs et industriels de la musique cherchent des solutions juridiques et technologiques pour lutter contre la piraterie musicale.

La Sacem, qui assure la protection et la rémunération des créateurs, entend favoriser la liberté d’inventer de nouveaux modes d’accès à la musique, faire naître de nouvelles formes de création et préserver la diversité musicale. Quel
rôle joue la Sacem ? Faut-il maintenir la notion de copie privée ? Quels sont les outils technologiques qui permettront la protection des droits d’auteur ? La Sacem est-elle favorable à une baisse de la TVA sur les
disques ?Les réponses de Bernard Miyet*, président du directoire de la Sacem.Bonjour à toutes et à tous, dans le cadre de la cyberfête de la musique, nous avons le plaisir d’accueillir Bernard Miyet, président du directoire de la Sacem.Bonsoir à toutes et à tous. luchoelmagnifico : Quelles sont les musiques soumises à taxation par la Sacem ? Je ne comprends pas bien votre rôle, merci de m’éclairer.La Sacem a été créée par les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique pour gérer leurs droits et assurer leur rémunération. Pour les auteurs-compositeurs, c’est le seul revenu dont ils disposent. Ils n’ont ni cachet, ni contrat,
contrairement aux artistes-interprètes ou aux musiciens. La Sacem représente tous les genres musicaux, du classique au rap en passant par la musique électronique. En fait, tous les auteurs-compositeurs de musique en France sont membres de la Sacem,
puisqu’elle compte 100 000 sociétaires et gère des millions d’?”uvres musicales.Big Star : Quelles solutions proposez-vous pour lutter contre le piratage ? La meilleure solution serait d’avoir des systèmes de filtrage permettant de reconnaître et de laisser passer les ?”uvres légalement autorisées, sans attenter à la vie privée ou au secret de la correspondance. Cela impose que tous
les partenaires, notamment les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès, prennent leur part de responsabilité. Sans cela, aucun service de musique en ligne ne pourra être rentable, comme cela a été démontré au cours de toutes les années
passées.luchoelmagnifico : Le piratage, n’est-ce pas surtout un argument ????? des maisons de disques ?En tout cas, l’argument que les maisons de disques sont trop riches est en train de disparaître avec la chute de revenus dramatique qu’elles constatent actuellement, du fait de la baisse considérable des ventes de CD. Derrière les
maisons de disque, on a hélas trop l’habitude d’oublier que les auteurs-compositeurs sont les premières victimes ; et ce sont des individus qui n’ont souvent pas d’autres ressources. Nos sociétaires ne sont pas des multinationales, nombre
d’entre eux sont au niveau du Smic.guitwo : Ne pensez-vous pas tout simplement que baisser le prix de vente des CD audio peut permettre de limiter la copie ?Vive la baisse de la TVA !!! Burner Inc : A propos du peer to peer ???Fantastique, mais vole au vent. Gégé : Quel est le sentiment des auteurs-compositeurs sur le piratage ? Quel serait le vôtre si on venait piller votre maison ou votre compte en banque ?hansi : La TVA permet aussi au gouvernement de financer des projets culturels. Une baisse de la TVA sur le disque ne serait-elle pas fatale à la culture française ? C’est surtout les 25 % d’actions d’intérêt général financées par la redevance pour copie privée qui servent à soutenir la création culturelle. C’est ce qu’il faut préserver.Gabriel : Pensez-vous que des solutions du type iTunes sont possibles en France, en Europe ou ailleurs où la SACEM est présente ? Pour nous, ce serait bienvenu, car il s’agit de services légaux rémunérant légitimement les ayants droit.miyon : Le numérique est toujours associé au piratage : que représente-t-il pour vous ? Que comptez-vous développer sur le net ? Le numérique n’est pas simplement associé au piratage, c’est un formidable vecteur d’échange et de partage. C’est un outil technique extraordinaire qui est la voie de l’avenir. Nous souhaitons voir de plus en plus de services en ligne
musicaux viables et légaux se développer pour permettre au plus grand nombre d’accéder à toutes les formes de musique, dans des conditions équitables pour les créateurs qui ne vivent que de ça.romain : Préserver la redevance pour copie privée, cela est incompatible avec le développement de procédés anti-copie, non ? Il s’agit avant tout de trouver le juste équilibre entre des mécanismes techniques qui permettent de lutter contre la piraterie généralisée, tout en autorisant la copie privée dans le cercle familial. Le projet de loi en cours de
préparation au ministère de la Culture est basé sur ces principes.bendu68 : Les taxes qui sont prélevées sur les CD vierges et graveurs et qui vous sont remises servent-elles à quelque chose ? Demandez aux milliers d’auteurs, de compositeurs, d’éditeurs, d’artistes, et de producteurs, notamment indépendants, qui les perçoivent s’ils estiment qu’elle est inutile. Demandez aux centaines d’associations ou d’organisations qui
font des festivals, créent des oeuvres ou facilitent la formation d’artistes si les sommes qui en proviennent sont inopportunes ?elcrecido : En rendant les fournisseurs d’accès responsables de ce qui transite sur leur réseau, vous remettez en cause le principe end to end. C’est la porte ouverte à tous les abus, du point de vue des
utilisateurs. Le principe selon lequel le réseau est indifférent aux informations qu’il transmet dominait sur Internet jusqu’à présent. Ce que suggère Bernard Miyet remet en cause ce principe pour des fins licites (éviter le piratage) mais il rend
possible par là même un contrôle central des informations qui transitent sur le réseau. C’est très inquiétant du point de vue de l’utilisateur.
Ce que nous proposons ne touche en aucun cas à la sphère privée de tout utilisateur, et la Sacem a été la première à consulter la Cnil pour s’assurer que toute avancée technique serait pleinement respectueuse de la loi. Nous ne
cherchons en aucun cas à savoir ce que M.X ou Mme .Y consomme. Nous voudrions simplement savoir si les oeuvres qui circulent et dont nous détenons les droits le font dans des conditions régulières et légales.guy : Les artistes qui sont copiés sont riches, alors en quoi cela pose un problème ? La Sacem ne rémunère pas les artistes, contrairement à l’idée reçue, elle ne rémunère que les auteurs et compositeurs des ?”uvres chantées ou jouées par les artistes. Ces derniers touchent des cachets ou ont des contrats avec des
producteurs de disque, les auteurs-compositeurs ne vivent que des revenus générés par la Sacem.gabrieldib : Sur le prix payé en téléchargement, combien touchent la Sacem, les compositeurs, les distributeurs des chiffres SVP ? Le montant des droits d’auteur s’élève à 8 % actuellement du prix payé par le consommateur. Hélas, aucun service de musique en ligne n’a pu être viable jusqu’à présent, ce qui fait qu’aucun auteur-compositeur n’a pu toucher quoi
que ce soit.olivo : N’y a-t-il pas une certaine hypocrisie de la Sacem, des maisons de disque et autres à s’insurger contre le piratage ? Pensez-vous qu’il soit hypocrite de voir son revenu fondre comme neige au soleil ?Randy : Défendez-vous votre manque à gagner comme les majors ou le réel intérêt des artistes ? Dans ce cas pourquoi ne pas taxer les majors au réel tarif Sacem établi ? La Sacem n’est pas une institution qui perçoit pour elle-même, puisque 85 % de ses revenus sont reversés aux auteurs, compositeurs et éditeurs dont les ?”uvres ont été utilisées, ce qui veut dire que nous défendons les intérêts
de milliers d’individus et non pas les dividendes d’actionnaires de multinationales. Les majors paient naturellement des droits à la Sacem, dès lors qu’elles utilisent des ?”uvres de son répertoire. Et elles préfèreraient sans doute que ces droits
soient plus faibles !fabien : Existe-t-il des différences sur les droits d’auteurs ? Comment sont-ils calculés ? (Un jeune auteur qui commence à percer, mais je ne suis pas JJG 😉 Tous les auteurs et compositeurs sont traités de la même manière. Ils perçoivent exactement les mêmes droits, quelle que soit leur notoriété, lorsque leur ?”uvre est exploitée dans les mêmes conditions. La Sacem n’est pas une
mutuelle, elle rémunère chaque auteur ou compositeur en fonction de l’exploitation réelle de ses ?”uvres.Benoit Rigo : La Sacem engage-t-elle des poursuites judiciaires à l’encontre des “copieurs” ? Pour l’heure, nous engageons des poursuites judiciaires contre les sites commerciaux illégaux. Nous recherchons avec les pouvoirs publics le moyen de trouver une solution réaliste et raisonnable au problème de la piraterie.clock : Où va l’argent que touche la Sacem ? Le chiffre d’affaires de la Sacem a été de 672 millions d’euros en 2002, dont 85 % sont revenus aux sociétaires, le reste représentant les charges d’exploitation.elcrecido : Je comprends que l’objectif de la Sacem n’est pas de nous espionner. Mais les solutions techniques qu’elle appuie ne risquent-elle pas de restreindre la liberté et la flexibilité des réseaux numériques ? Alors que
l’essentiel du manque à gagner pour les maisons de disques est plutôt dû aux exploitations industrielles de copie de CD.
Nous ne souhaitons restreindre ni la liberté, ni la flexibilité des réseaux numériques, car plus il y aura d’échanges légaux de fichiers musicaux en ligne et plus nous nous en féliciterons. Il importe que chacun contribue à trouver un
équilibre favorable au consommateur, mais respectueux des droits du créateur. Aujourd’hui, les maisons de disque et aussi des milliers de créateurs souffrent non seulement du développement de la distribution de CD pirates, mais aussi des échanges
illégaux sur le net.zarety : Croyez-vous au développement Web des artistes ? Ce développement aura lieu lorsque leurs ?”uvres seront protégées. Beaucoup y ont cru il y a quelques années, mais ils ont battu en retraite devant le piratage de leurs ?”uvres.cmoi : Que pensez-vous de la directive du conseil de l’Europe qui nie la responsabilité des FAI dans le domaine du piratage ? La directive européenne sur le commerce électronique reconnaît une responsabilité encore minimale, mais existante pour les hébergeurs. Nous espérons que cela sera consacré dans le projet de loi français sur la confiance dans
l’économie numérique, en cours de discussion au parlement. Comme je l’ai indiqué, le problème n’est pas d’attenter à la vie privée, c’est de faire respecter le droit des auteurs.gabrieldib : A-t-on le droit de sauvegarder nos cassettes audio sur des CD à usage privé ? Oui.guiome. T : Comment vendre légalement de la musique sur Internet ? Il suffit d’obtenir l’autorisation de la Sacem et des autres ayants droit (artistes-interprètes et producteurs).rkonan : Les utilisateurs emploient les moyens de copie mis à leur disposition par les industries de production de graveurs et autres moyens de duplication ; pourquoi n’existe-t-il pas de taxes ou d’impôts spécifiques pour ces
fabricants ?
Parce que le choix a été fait d’asseoir la redevance pour copie privée sur les supports fixes et amovibles permettant d’enregistrer des ?”uvres (cassettes, CD, DVD vierges ou décodeurs/enregistreurs numériques).Randy : De nombreux adhérents à votre syndicat aimeraient avoir le droit de diffuser eux-mêmes un morceau complet de façon gratuite, dans un triple but : promotion, culture, et enraiement du piratage ! C’est une solution
viable qui a le mérite de répondre à toutes les attentes ! Que répondez vous à vos sociétaires ?
1?’/ La Sacem n’est pas un syndicat, c’est une société civile gérée par les sociétaires eux-mêmes.lilu : Si on pirate des titres sur un site Internet hollandais en France, de quelle législation dépend-t-on en cas de litige ? De la législation française, car c’est la loi du pays de destination, c’est-à-dire de consommation, qui prime.Elisa Start : Avez-vous des chiffres sur le piratage ? Quels artistes sont très copiés ? Merci. 5 milliards de fichiers échangés sur Kazaa en 2001, une paille !!! Tous les artistes sont copiés, et plus largement les titres les plus connus.pasqualelerequin : Les structures de la Sacem ne vous semblent-elles pas un peu compliquées ? A vous peut-être, à moi plus !!!Elisa Start : On ne parle que des désavantages du numérique, mais tout de même c’est une formidable fenêtre de promotion et de découverte, non ? J’approuve et je signe des deux mains. Encore faut-il que certains n’en fassent pas les frais, et notamment les créateurs.lungini : Vos ressources servent-elles à aider des groupes, comme les groupes Corses par exemple ? Pace Salute Nous avons une action culturelle qui sert à promouvoir beaucoup de festivals et les musiques régionales. Les groupes corses, qui sont très talentueux, le sont naturellement comme les autres.sodso : Que pensez-vous de ‘ l’exception culturelle ‘ française au niveau musical ? Je pense que les quotas de musique francophone sur les radios ont eu un effet très bénéfique sur la création française et notamment permis l’émergence d’une fantastique école de rap.bERNARD : Est-ce que vous avez un plan d’action pour les droits d’auteur en ligne ? Pour l’heure : trouver les moyens de les faire respecter, et ce n’est pas une mince affaire.zouzou : L’avenir de la musique est-il numérique ? Vaste question 😉 L’avenir de la musique est partout : analogique, numérique, à la maison, au concert, sur le net… Pour le bonheur de tous.Big Star : Que faites-vous samedi soir pour la fête de la musique ? Je vais danser !!!Benoit Rigo : Quels sont vos artistes préférés ? Une tonne, car je suis éclectique dans mes goûts.gabrieldib : Si le piratage était freiné, cela ferait combien d’argent en plus pour les artistes, les majors, etc ? Ne vaudrait-il pas mieux baisser les redevances pour éviter le piratage ? Il est difficile d’évaluer aujourd’hui ce que pourrait être le marché de la musique sur le net, car aucun service de musique en ligne n’a pu être rentabilisé. La seule chose que l’on sache, c’est que la vente de CD dégringole
partout : -33 % en Allemagne, ça fait mal.Randy : Avez-vous choisi un progiciel de gestion associé au projet Verdi, capable de déterminer le taux d’écoute et de téléchargement de chaque artiste sur le web ? Le projet de Verdi était un projet de portail permettant à toutes les sociétés d’ayants droit d’offrir des autorisations en commun. Actuellement, les plates-formes techniques (OD2, Microsoft etc.) développent des logiciels permettant
de reconnaître les oeuvres téléchargées.Bernard Minet : Les majors font des bénéfices énormes avec des artistes médiocres soutenus par une grosse promotion. Le piratage musical remet les pendules à l’heure, ne croyez-vous pas ? Les résultats annoncés d’Universal Music ce matin peuvent laisser penser que les temps sont difficiles, y compris pour les majors. Ils vous appartient naturellement de déterminer qui est médiocre ou pas, mais, sans doute, tous les
fans de ces artistes n’ont-ils pas la même réaction que vous. A chacun ses choix. Si le vol généralisé est considéré comme un moyen de remettre les pendules à l’heure, pensez-vous que cela puisse être applicable à toutes les activités économiques et
commerciales ?Merci beaucoup Bernard Miyet, le mot de la fin ? Vive la musique ! Vive les créateurs ! Aidez-les à vivre de leur art !!!

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La rédaction