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Barry Diller provoque l’empire Amazon

Le PDG d’USA Interactive se donne cinq ans pour contrôler 20 % de ce qu’il appelle le ” commerce interactif “. Avec un trésor de guerre de 3,5 milliards de dollars, il peut lorgner Amazon.com ou eBay.

Retenez bien ce nom : USA Interactive. C’est celui d’un groupe méconnu en Europe, mais qui a réalisé près de un milliard de dollars de chiffre d’affaires au premier trimestre de cette année, soit 10 % de plus qu’Amazon.com. Et dont la rentabilité ?” plus de 15 % en excédent brut d’exploitation (EBITDA) ?” n’a rien à envier à celle d’eBay.Ses fleurons s’appellent Home Shopping Network, Ticketmaster, Expedia ou encore Match.com, un service de rencontres sur Internet. Ils sont tous en croissance et tous bénéficiaires. Avec une capitalisation boursière supérieure à 10 milliards de dollars et un trésor de guerre de 3,5 milliards, son propriétaire a les moyens de s’offrir aussi bien la firme de Jeff Bezos (Amazon) que celle de Meg Whitman (eBay).Bienvenue dans le monde du ” commerce interactif ” de Barry Diller. Un monde dans lequel ce ” self made man “, dont la réputation est légendaire à Hollywood, entend bientôt régner en maître. USA Interactive naîtra officiellement dans quelques jours, une fois entériné l’accord conclu en décembre dernier par Barry Diller et son groupe actuel, USA Networks Inc, avec Vivendi Universal. Pour 10,3 milliards de dollars, Jean-Marie Messier s’est en effet offert fin 2001 l’ensemble des actifs d’USA Networks dans la télévision et le cinéma, qu’il va regrouper au sein d’une nouvelle entité audiovisuelle américaine baptisée Vivendi Universal Entertainment (VUE).A la tête de VUE… Barry Diller, qui reste par ailleurs seul maître à bord d’USA Interactive, entièrement recentrée sur le commerce électronique. Un secteur auquel il a décidé de se consacrer à 100 %, contrairement à J2M qui ne veut plus entendre parler d’Internet. La fortune personnelle de Barry Diller, évaluée à un milliard de dollars, est d’ailleurs essentiellement placée en actions USA Interactive. “Au bout du compte, c’est là qu’ira toute son énergie”, confiait récemment un proche, le PDG de Liberty Media, John Malone, au Los Angeles Times. Et bien qu’il soit lui même l’un des principaux actionnaires de Vivendi Universal, John Malone ajoutait qu’USA Interactive constitue selon lui… un meilleur investissement à long terme.Barry Diller ne cache plus ses ambitions. Il dit détenir aujourd’hui 7,2 % du marché américain du ” commerce interactif “?” un concept qui additionne les transactions en ligne et les achats par téléphone de produits présentés sur des chaînes de télévision spécialisées, comme le Home Shopping Network. Son objectif est de porter cette part de marché à 20 % en cinq ans.Pour en arriver là, USA Interactive devra mener une politique d’acquisition forcenée. Il en a les moyens. L’accord avec Vivendi Universal le laisse libre de toute dette et fort d’une trésorerie de 3,4 milliards de dollars. Barry Diller affirme vouloir procéder à au moins quatre acquisitions dans les six mois à venir, pour un total de deux à quatre milliards de dollars.

Pas plus de 1,5 milliard de dollars par acquisition

” Pas de commentaire “, répond-il logiquement, quand on lui demande de dresser la liste potentielle de ses cibles. Mais, dans son édition du 22 avril, le New York Times ne s’est pas privé de le faire pour lui : Priceline.com, Cendant ou Sabre Holdings viendraient utilement étendre sa présence dans le monde du tourisme sur Internet, où USA Interactive contrôle déjà Expedia (ex-filiale de Microsoft), Hotel Reservations Network et, depuis quelques semaines, le groupe de télévision britannique TV Travel Group.Un site de vente de cadeaux ou de fleurs, comme 1-800-flowers.com, offrirait un complément idéal au Home Shopping Network, tandis que Ticketmaster est clairement en quête d’une alliance dans le domaine de la billetterie. USA Interactive serait également désireux de mettre un pied dans les marchés de l’immobilier et des offres d’emplois en ligne. Et le succès spectaculaire de Match.com le conduit inévitablement à rechercher de nouvelles opportunités sur le marché des rencontres sur Internet.Barry Diller affirme à qui veut l’entendre que son projet d’acquisition type ne dépasse pas 1,5 milliard de dollars. Rien à voir avec les 100 milliards engloutis par J2M pour construire Vivendi Universal. “Si vous regardez la façon dont nous nous sommes développés, vous constaterez que nous avons racheté des entreprises pour beaucoup moins que ce qu’elles valaient”, déclarait-il au New York Times. Avec une capitalisation en Bourse de 6 milliards de dollars ” seulement “, Amazon.com est largement dans ses moyens. Le projet d’une OPA d’USA Interactive sur l’actuel numéro un américain de l’e-commerce a d’ailleurs été sérieusement étudié, croit savoir le quotidien américain.Mais comme Jeff Bezos est aussi dur en affaire que Barry Diller, le projet a été abandonné après quelques discussions préliminaires. Avant de mieux renaître demain ? A près de 15 milliards de dollars, eBay est un morceau beaucoup plus gros à avaler pour USA. Mais certains analystes de Wall Street avancent que le numéro un mondial des enchères en ligne ne pourra maintenir indéfiniment son rythme actuel de croissance et que ses actions, dans cette perspective, sont aujourd’hui surévaluées. En décrochant, elles pourraient bien réveiller l’appétit de Barry Diller.Bref, rien ne paraît inaccessible aujourd’hui au patron d’USA Interactive. D’autant que Wall Street, où il inspire des sentiments proches de l’idolâtrie, ” achète ” sa stratégie avec enthousiasme. Alors que les grands groupes audiovisuels sont en pleine déconfiture boursière, l’action USA Interactive flirte avec ses plus hauts taux historiques.Il faut dire que Barry Diller sait choisir les mots qu’il faut : ” Depuis le premier jour, mes activités sur Internet sont rentables “, martèle-t-il. Mais il aurait pu en être tout autrement si son offre de rachat de portail Lycos pour 22 milliards de dollars en 1999 ne s’était pas heurtée au veto de ses actionnaires. Lycos a finalement fusionné avec l’espagnol Terra, en octobre 2000, pour former un nouvel ensemble qui ne vaut plus que quatre milliards de dollars. Barry a retenu la leçon.

La bonne affaire de Barry

En donnant à Barry Diller les moyens de se bâtir un nouvel empire, Jean-Marie Messier a-t-il fait une bonne affaire ? Les cyniques invitent à s’en tenir aux résultats d’USA Networks pour le premier trimestre. Le groupe dans son ensemble enregistre une perte nette de près de 290 millions de dollars, ou 73 cents par action. Débarrassé des actifs vendus à Vivendi Universal et de certains coûts associés, ce déficit se transforme en… un bénéfice de 5 cents par action, plus du double du chiffre attendu par les analystes de Wall Street.En rythme annuel, le chiffre d’affaires des unités opérationnelles du futur USA Interactive a augmenté de 23 %, quand celui des actifs cédés à Vivendi Universal a régressé de près de 18 %. Ce à quoi il convient d’ajouter que Barry Diller a reçu à l’occasion de cette transaction un ” bonus ” de 275 millions de dollars et 1,5 % du capital de Vivendi Universal Entertainement…Au siège des studios Universal, à Hollywood, on souligne combien Barry Diller, connu pour son tempérament sans concessions, multiplie égards et courtoisie à l’intention du PDG de Vivendi Universal. A la lecture de ces chiffres, on comprend mieux pourquoi… Comme on dit ici, “Tu perds de l’argent, j’en gagne…C’est le business Jean-Marie.”

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Thomas Maurice, à New York, avec J-C.F