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Au chevet des accros du jeu vidéo

Un colloque organisé à Paris a permis de se pencher sur le cas des joueurs pathologiques. Et de s’intéresser au contenu et à la place des jeux vidéo dans notre société.

Que les parents qui s’inquiètent de voir leurs enfants passer des heures devant un écran, manette à la main, se rassurent : l’étude des phénomènes d’addiction aux jeux vidéo a enfin commencé. Lors d’un
colloque organisé à Paris par le Club européen de la santé, plusieurs médecins sont venus témoigner de leur expérience au contact de ces joueurs invétérés.Précisons immédiatement ce que l’on entend par ‘ addiction ‘. On ne parle pas ici d’habitude envahissante, ni même de passion dévorante, mais véritablement de maladie. De même qu’on
n’est pas alcoolique en arrosant de temps en temps un peu trop une soirée, on n’est pas accro au jeu vidéo en passant une nuit blanche sur le nouveau jeu que l’on vient d’acheter.Il n’y a pas de seuil quantitatif, par exemple un nombre d’heures par semaine, pour parler d’addiction. Mais plutôt des éléments qualitatifs dont les principaux sont de savoir si le joueur a essayé d’arrêter
et n’y arrive pas, et s’il en souffre. Les effets induits, comme la perte de repères temporels, les désordres alimentaires, la désocialisation, l’agressivité, sont autant de signaux d’alerte pour le joueur et son
entourage.

Un profil bien identifié du ‘ hardcore gamer ‘

Le Centre de soin et d’accompagnement des pratiques addictives de l’hôpital Marmottan à Paris a ouvert ses services aux accros du jeu vidéo depuis 2002 et
traite actuellement une trentaine de cas par an. A défaut de chiffres (aucune étude approfondie n’a été réalisée à ce jour), les responsables du centre ont ainsi pu établir un
profil classique du hardcore gamer pathologique : exclusivement masculin, introverti et intelligent, il a souvent entre 18 et 21 ans, est originaire d’un milieu social relativement aisé et connaît des relations
difficiles ?” voire aucune ?” avec son père. Un événement personnel a souvent déclenché son usage du jeu vidéo de façon addictive (déception amoureuse, échec scolaire ou professionnel…). Il joue essentiellement à des jeux
en ligne (real-time strategy, first person shooter ou massive multiplayer online role playing game) qui sont à la fois des refuges permettant d’éviter la confrontation avec le
réel et des mondes aux règles claires, intangibles et maîtrisables.Est-ce à dire que le contenu des jeux vidéo serait responsable des cas d’addiction ? Marc Valleur, chef de service à l’hôpital Marmottan, met en garde contre ce raccourci : ‘ Toutes les
formes d’addiction, et celle aux jeux vidéo ne fait pas exception, proviennent de la rencontre entre un individu, un produit et un contexte socio-culturel. ‘
Les responsabilités sont donc partagées et la diabolisation
des jeux (en pointant du doigt leur supposé lien avec des comportements violents) ne constitue certainement pas une réponse à ce phénomène émergent. Les 500 000 joueurs français de World of Warcraft ne sous pas tous
des drogués de la souris et encore moins des serial killers en puissance.

Les éditeurs attentifs

Cependant, les éditeurs de jeux vidéo, représentés à l’occasion du colloque par Jean-Claude Larue, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), ne s’exonèrent pas non plus de toute
responsabilité en se défaussant, par exemple, sur les familles. Il n’est ainsi pas exclu que si de futures études en montrent l’intérêt, des garde-fous comme il en existe par exemple dans Metal Gear Solid 2
(horloge interne limitant la durée des sessions, restauration de la jauge de vie à l’extinction de la console…) soient implémentés dans les jeux. Une autre idée qui a été avancée est de ne pas systématiquement lier la progression dans
les jeux au temps passé effectif.Enfin, il est apparu clairement au fil de cette rencontre que les phénomènes addictifs dépendaient beaucoup du regard qui était posé sur le produit incriminé. Un parent s’inquiète-t-il autant lorsque son enfant passe des heures à
lire, à faire du sport ou de la musique ? Or plus de la moitié des parents qui contactent l’nôpital Marmottan n’ont par exemple pas idée de ce à quoi jouent leurs enfants. Méconnu et mal perçu par les
‘ adultes ‘ (l’âge moyen du joueur en France est pourtant de 28 ans), le jeu vidéo doit donc avant tout trouver sa place et sa respectabilité dans la société, sans d’ailleurs que cela passe nécessairement
par des contenus édulcorés. ‘ Il ne faut pas oublier le rôle cathartique du jeu. La violence y est sans doute aussi normale que la présence de cadavres dans un roman policier ‘, souligne Marc Valleur.

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Jean-Baptiste Dupin