Passer au contenu

André Lévy-Lang, ancien président du Directoire de Paribas :”La correction sur les marchés boursiers n’est pas terminée “

André Lévy-Lang s’est aujourd’hui reconverti dans la nouvelle économie. Selon lui, internet profitera à 90 % aux entreprises classiques.

Les marchés ne cessent de sanctionner les entreprises de la net économie. N’est-on pas passé d’un excès à l’autre ? Les marchés boursiers sont passés d’une valorisation par les comparables à une valorisation par les cash flow. Les hypothèses faites dans les calculs ont un effet très amplifié sur les valeurs : la probabilité de succès, le passage à la rentabilité et, son taux de croissance et sa durée. Or, si l’on repousse de deux à quatre ans le passage à la rentabilité, et si l’on réduit de 40 à 20 % le taux de croissance des profits après ces quatre ans, la valeur de la société sera fortement divisée. Les hypothèses implicites dans les valorisations, jusqu’en mars 2000, étaient beaucoup trop optimistes. Même si l’on part sur une croissance durable de 10 ou 15 %, rien ne justifie des PER(*) de 50 ou de 100. Aujourd’hui, certaines entreprises bénéficiaires ont encore des PER trop importants. La correction n’est pas terminée. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas des hauts et des bas, comme toujours, et cela ne signifie pas non plus qu’il n’y ait pas d’opportunités ponctuelles d’investissement. Ce dont je suis sûr, c’est que l’on ne reverra pas les valorisations fantastiques que l’on a connues. Une action qui a été divisée par 20 ne sera pas multipliée par 20 de sitôt. Un certain nombre de start-up se plaignent de ne pas trouver d’argent. Partagez-vous ce sentiment ? Je pense qu’il se lève encore de l’argent au niveau des fonds de capital-risque. Mais les investisseurs primaires ?” c’est-à-dire les institutionnels ?” qui mettent de l’argent dans ces fonds, n’investissent qu’une certaine proportion du total de leurs actifs. Or, comme ces actifs ont baissé en Bourse, ces acteurs sont obligés de freiner leurs investissements. S’ils investissent 5 % de leur actif boursier en valeurs non cotées, et que cet actif baisse de 15 %, ils sont obligés de diminuer leurs investissements. Pour cette raison, un ralentissement du flux de capital-risque dans le courant de l’année est probable. De plus, depuis le second semestre 2000, les capital-risqueurs donnent logiquement la priorité aux entreprises dans lesquelles ils ont déjà investi, et qui n’ont pas pu s’introduire en Bourse. Croyez-vous à internet comme canal de distribution ? Pour les biens de grande consommation, internet jouera un rôle croissant. La progression sera lente, car la logistique de livraison est lourde et coûteuse. Mais on peut penser que la distribution par internet représentera, d’ici à quatre ans, entre 2 et 4 % d’environ 150 milliards d’euros [983 milliards de francs, soit le chiffre d’affaires de l’ensemble du secteur de la distribution, ndlr] par an, en France.Quels secteurs ont, selon vous, leur place sur le réseau des réseaux ? Nous sommes en train de vivre une révolution industrielle qui touchera tous les secteurs, à des degrés divers. Les plus affectés sont les services immatériels (les voyages), ou les produits bien spécifiés (les livres ou les logiciels). Dans cinq ou dix ans, cela ira bien au-delà. Au bout du compte, cette révolution bénéficiera à 90 % à l’économie classique. Les entreprises purement internet joueront un rôle mais, leur poids dans l’économie pourrait n’être que de 10 %.Quel bilan tirez-vous de votre nouvelle vie après dix-huit mois ? Très positif : j’ai souhaité vivre cette révolution de l’internet à la base, avec les entreprises naissantes. Je ne souhaitais pas créer un fonds pour ne pas perdre mon indépendance. Je me suis, de ce fait, limité à des investissements relativement faibles, en choisissant un petit nombre de très jeunes pousses, sur des critères précis qui sont, à mes yeux, les conditions de succès : qualité de l’équipe et potentiel du marché. Et ça fonctionne.Dans quelles entreprises, et pour quels montants ? Par exemple, dans Global News Media, à hauteur de 150 000 euros en deux tours. C’est une entreprise de contenus santé B to B, créée par deux jeunes gens qui ont une bonne expérience du monde de la santé et de la pharmacie. Autre exemple, Professo, société qui fournit des infrastructures logicielles aux fournisseurs de services internet, créée par trois Français à New York. Le concept et le produit sont bons, l’équipe de qualité, et le marché des outils durablement porteur. J’y ai investi 200 000 dollars (226 830 euros) en tout au premier semestre 2000. J’ai aussi investi dans l’incubateur Republic Alley, à hauteur de 180 000 euros, sur la base de l’équipe et du concept. En ce moment, je participe au tour de table d’amorçage de deux autres start-up. L’une se lance dans l’accès internet par la télévision et l’autre dans la promotion des ventes en commerce électronique.Toutes ces sociétés sont plutôt orientées B to B… Vous avez eu du flair ! Ou de la chance. Mais il ne fallait pas être un grand prophète pour se rendre compte, dès 1999, que l’euphorie n’allait pas durer. Dès le début, j’ai voulu éviter les affaires dont le développement dépendait d’importantes mises de fonds et celles reposant sur les recettes de publicité, ou la vente de fichiers d’internautes.(*) Price earning ratio : capitalisation boursière de la société divisée par son résultat net consolidé, ou le cours d’une action rapporté à son résultat.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Nathalie Brafman