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ADSL et ATM, union dans la boucle locale

Avec le déploiement de l’ADSL, c’est aussi… l’ATM qui investit la boucle locale. Ce couple semble ne pas avoir révélé tout son potentiel et avoir encore quelques années devant lui pour le faire.

L’ADSL a été développé pour améliorer les performances de la partie accès du réseau téléphonique. Comme pour les autres technologies xDSL (HDSL, SDSL, VDSL, etc.), il s’agissait d’apporter une réponse à la demande de services large bande accessibles à partir de la boucle locale. Le principe de base de l’ADSL consiste à utiliser, sur la ligne téléphonique standard, les fréquences non exploitées par la transmission de la voix, pour véhiculer, parallèlement et simultanément à celle-ci, tout type de donnée numérisée (texte, image, son ou vidéo) à travers deux canaux asymétriques : un canal bas et moyens débits autorisant le transport de données vers le c?”ur du réseau, et un canal hauts débits réservé aux données circulant vers l’abonné.

Des filtres de part et d’autre de la paire de cuivre torsadée

La technologie utilise des éléments existants de la boucle locale et des éléments nouveaux, spécifiques, qui, rassemblés, fournissent l’architecture de base de tout réseau d’accès ADSL. La ligne téléphonique traditionnelle est conservée mais, à chacune de ses extrémités, – chez l’abonné et dans le centre de répartition locale de l’opérateur – sont installés un modem et un filtre. Les filtres ont pour fonction de séparer, à chaque bout de la ligne, les signaux basses fréquences de la voix téléphonique et les signaux hautes fréquences des données. Les premiers sont envoyés vers le poste téléphonique de l’abonné ou vers le commutateur de circuits du RTC de l’opérateur. Les seconds sont dirigés vers le micro-ordinateur de l’abonné et vers des réseaux de l’opérateur transportant les données sous la forme de paquets ou de cellules. Les données sont acheminées vers ces réseaux via un DSLam qui a pour fonction de concentrer les flux des différentes lignes arrivant au centre de répartition locale, avant de les adresser à un commutateur ATM ou Frame Relay, ou à un routeur IP. Cet ensemble d’équipements autorise donc la transmission de données hauts débits, en parallèle avec les signaux ordinaires de la téléphonie, transformant la ligne téléphonique en une ligne ADSL.

L’ATM et l’ADSL se devaient de conclure un mariage de raison

Bien qu’il soit sans doute la plus élaborée des technologies xDSL ayant déjà fait l’objet d’une standardisation, l’ADSL ne fournit guère plus au réseau d’accès qu’une ‘ interface métallique ‘. C’est la raison pour laquelle, à la fin de l’année 1994, un forum de l’ADSL s’est créé afin de définir les architectures, les protocoles et les interfaces réseaux des systèmes ADSL. Ce forum, composé aujourd’hui de plus de trois cents membres (fournisseurs de services, opérateurs, constructeurs d’équipements et fabricants de semi-conducteurs), a sélectionné l’ATM comme la couche protocolaire de niveau 2 pour les systèmes ADSL.
Rien d’étonnant donc si on constate partout, y compris outre-Atlantique, qu’une grande majorité d’opérateurs – intervenants historiques ou nouveaux venus sur le marché – ont retenu ce mode de transfert pour leur réseau d’accès ADSL. Ce choix en faveur d’ATM s’explique de deux manières : d’une part, un besoin de prendre en compte l’existant et d’émuler l’environnement de fonctionnement et de gestion des réseaux actuels ; d’autre part, la nécessité de garantir la qualité des différents services accessibles par le biais de l’ADSL.

L’accès à des services large bande, grâce à l’ADSL Full Rate

Si les déploiements actuels de l’ADSL ont pour finalité première d’offrir des accès haute vitesse à Internet, aux nouvelles applications Web, et aux Intranet distants, la norme dite à plein débit (également dénommée ADSL Full Rate ou G.dmt), autorise, grâce aux 8 Mbit/s de son canal descendant, l’accès à des services large bande (nécessitant un débit supérieur aux 2 Mbit/s du format E1 ainsi qu’un temps de latence à la fois faible et stable), à l’instar de la distribution à la demande de flux multimédias au format MPeg-2. Les réseaux gérant de tels services doivent intégrer des mécanismes éprouvés pour transporter simultanément des informations (données, images et voix) très hétérogènes et, donc, disposer de toute une panoplie de classes de services et de types de trafics associés.
Pour l’heure, malgré les enrichissements récents de sa suite protocolaire, Internet supporte encore difficilement ces applications large bande, alors que l’ATM a été développé dans ce but, à la fin des années 80. Dès lors, et dans la mesure où, durant les années 90, les opérateurs ont fortement investi dans cette technologie pour construire leurs nouveaux backbones RNIS-large bande, beaucoup ont choisi d’associer l’ATM à l’ADSL sur leur boucle locale et de véhiculer les données IP dans les flux ATM lorsque cela est nécessaire. Ainsi peuvent-ils proposer des accès rapides aussi bien à Internet qu’à des applications large bande disponibles sur d’autres réseaux. C’est le cas de France Télécom. S’appuyant sur les lignes ADSL, l’opérateur historique national a conçu une architecture fonctionnelle à deux niveaux (voir schéma ci-dessus). Le premier niveau, celui du transport de données, au protocole ATM, est établi entre le modem ADSL situé chez l’abonné et un BAS, installé derrière le DSLam et la dorsale ATM de l’opérateur. Ce BAS recueille les flux ATM d’une dizaine de DSLam, puisque la zone géographique qu’il couvre – appelée plaque – est comparable à celle d’un département.
Le second niveau de l’architecture est celui du service IP. Les flux de données IP issus des ordinateurs connectés sont acheminés par les circuits virtuels ATM établis entre les modems ADSL des abonnés et le BAS. Ils sont ensuite livrés par ces derniers à des routeurs IP que France Télécom installe dans les locaux des opérateurs de transport IP (ou directement dans ceux des fournisseurs d’accès Internet). Ces routeurs IP de France Télécom dialoguent avec ceux des opérateurs de transport IP, ou avec ceux des ISP. Ces derniers fournissent ensuite la connexion Internet et les différents services associés tels que les e-mails et les forums de discussion.

De Netissimo à Turbo-IP, les trois services de France Télécom

En s’appuyant sur cette architecture, France Télécom propose, pour l’heure, trois services. Le premier comporte deux offres, Netissimo 1 (monoposte) et Netissimo 2 (multiposte), qui consistent à mettre à la disposition des abonnés une ligne ADSL donnant, via le BAS, accès à un ISP qui propose le haut débit. Le deuxième service, Turbo-IP, destiné aux fournisseurs d’accès Internet, leur permet d’être connectés au dispositif ADSL (donc aux BAS) de France Télécom et d’être ainsi accessibles aux abonnés à Netissimo. Enfin, Turbo-DSL, réservé aux entreprises et aux opérateurs tiers, est un service expérimental de liaisons ATM, entre un site central et des utilisateurs éloignés, desservis par des lignes ADSL. Ce troisième service dispose de ses propres BAS. Il faut cependant rappeler que les réseaux ATM publics ne disposent pas, pour l’instant, de la possibilité d’établir des connexions en mode SVC, qui leur apporteraient une souplesse de fonctionnement comparable à celle des réseaux téléphoniques traditionnels. Ils ne fonctionnent qu’en mode PVC.

Une nouvelle génération de BAS pour s’affranchir de la lourdeur du PVC

L’avantage du mode PVC est de garantir une connexion directe, permanente entre deux points – en l’occurrence le modem de l’abonné et le BAS – équivalente à une liaison spécialisée. Son inconvénient est de fournir une connexion statique et de nécessiter une programmation manuelle des différents commutateurs. Par conséquent, lorsqu’un utilisateur veut changer de fournisseur d’accès, il faut établir manuellement un nouveau PVC.
Dès lors, si le déploiement de l’ADSL connaissait le succès auprès des utilisateurs, on peut imaginer le cauchemar logistique pour les opérateurs et les fournisseurs de services réseaux, qui devront provisionner et gérer un nombre impressionnant de PVC, en fonction des désirs des utilisateurs. Cependant, il existe aujourd’hui des solutions qui permettent de contourner ce facteur de rigidité. Par exemple, de nombreux ISP utilisent actuellement le protocole L2TP pour véhiculer les données entre les BAS des opérateurs et leurs propres serveurs. Chaque tunnel L2TP transporte toutes les données (sessions PPP) destinées à un ISP particulier, sur un unique PVC. Ainsi, les PVC peuvent être assignés aux fournisseurs d’accès plutôt qu’aux utilisateurs. La charge que constitue l’allocation de circuits s’en trouve allégée. Par ailleurs vient d’apparaître une nouvelle génération de BAS (destinés aux opérateurs, aux ISP et aux fournisseurs d’accès à des services hauts débits) équipés de routeurs virtuels qui permettent une sélection dynamique de services, initialisée par l’utilisateur. Toutefois, pour redonner à ce dernier la faculté d’accéder facilement et rapidement aux services hauts débits de son choix, différents modèles de connexion du CPE (Customer premises equipment) aux services ADSL sont possibles. Le protocole PPP a maintenant largement fait ses preuves dans le domaine des accès à Internet en mode Dial-up, via le RTC.
Ce protocole, le plus utilisé dans le monde, permet d’authentifier les utilisateurs, d’assigner dynamiquement les adresses IP et de négocier les divers paramètres de connexion. Il est surtout à la base du schéma de facturation des fournisseurs d’accès. L’idée a donc été de réutiliser la méthode de connexion logique qu’offre PPP dans le domaine des services ADSL, même si la connexion est, dans ce cas, permanente. On assiste ainsi à une compétition entre les modèles de connexion et ceux de sélection de services, les plus utilisés étant PPP over ATM (PPPoA) et PPP over Ethernet (PPPoE), alors qu’apparaissent de nouvelles solutions dites de Half-bridging comme la RBE (Route Bridge Encapsulation), de Cisco Systems. Ajoutons que le modèle PPP sur PPTP (ou L2TP) sur Ethernet, prolongé par PPPoA, est maintenant considéré comme obsolète. France Télécom devrait d’ailleurs prochainement abandonner celui-ci au profit de PPPoE.

La voix sur DSL, une technologie qui n’a pas fini de faire parler d’elle

Au début, l’ADSL proposait de faire passer sur une ligne téléphonique des données numériques. Si l’on retourne les termes de cette proposition, on obtient à peu près cela : avec l’ADSL, on dispose d’une ligne numérique hauts débits sur laquelle on peut faire passer de la téléphonie, et même beaucoup de voies téléphoniques. Telle est l’origine du concept de la VoDSL (Voice over DSL). Le principe de la voix sur ADSL est simple. Il consiste à numériser et à comprimer la voix en utilisant des techniques déjà éprouvées telles que l’ADPCM (Adaptive delta pulse code modulation). Il est possible de disposer de plusieurs lignes téléphoniques et d’un accès vers les réseaux hauts débits sur une seule et unique ligne ADSL. Aujourd’hui, certains constructeurs d’équipements (Accelerated Networks, CopperCom, JetStream et TollBridge) déclarent faire passer trente-deux lignes téléphoniques, contre vingt-quatre auparavant, sur une seule paire de fils. La technologie arrive à point nommé… au moment où on s’apprête à régler le problème du dégroupage.
Dans ce contexte, elle peut se révéler économiquement intéressante, particulièrement pour les opérateurs alternatifs qui souhaitent pouvoir louer une partie de la boucle locale à des opérateurs historiques. Pour ces derniers, le VoDSL ne manque pas non plus d’intérêt puisqu’il leur permettrait de moins ‘ se dégarnir ‘ en lignes physiques, tout en satisfaisant aux demandes des nouveaux entrants. Enfin, il est idéal pour desservir les immeubles de bureaux ou les zones d’activité à forte concentration de petites ou moyennes structures.
Le point fort de la VoDSL est la qualité de service, comparable à celle de la téléphonie traditionnelle, que lui procure le transport ATM. Une solution VoDSL comprend trois éléments. D’abord, du côté de l’utilisateur, un IAD (Integrated access device) assure le multiplexage des trafics voix et données sur la ligne ADSL et fournit un service de téléphonie classique, via un certain nombre de ports RTC, et un service Internet-données, via un port Ethernet. Du côté de l’opérateur, la ligne ADSL est reliée à un DSLam intégrant un commutateur ATM (d’où le nom de DSLas, Digital subscriber line access switch, donné par certains constructeurs à cet équipement) qui émet ou reçoit, d’une part, le trafic voix (flux ATM en CBR ou VBR-rt) vers ou à partir d’une passerelle vocale elle-même reliée au commutateur de circuits de la téléphonie traditionnelle et, d’autre part, le trafic données (flux ATM en VBR ou UBR) vers ou à partir d’Internet ou des Intranet.

Quand les programmes de télévision arriveront par la ligne téléphonique

Enfin, l’ADSL s’est révélée capable de rivaliser avec le câble. C’est d’ailleurs à cet effet que cette technologie a été conçue, il y a dix ans. La démonstration en a été faite par Newbridge à l’occasion du salon Telecom 99, de Genève. La solution 3dSL du constructeur canadien associe IP Multicast, IP Unicast, ATM et ADSL pour permettre aux fournisseurs de services large bande et aux opérateurs de diffuser des programmes télévisuels standards ou de la vidéo à la demande sur des lignes téléphoniques classiques transformées en lignes ADSL.
Cette solution met en ?”uvre, d’une part, des sources vidéo diverses (TV hertzienne ou par satellite, serveurs de vidéo à la demande) codées en MPeg-2, et, d’autre part, une infrastructure composée de commutateurs ATM. L’un d’entre eux, baptisé n?”ud de distribution, intègre les fonctions d’un DSLam. La sélection dynamique de service s’effectue, chez l’utilisateur, grâce au protocole IP Multicast (requête IGMP, Internet Group Membership protocol). Après les opérations d’authentification, d’autorisation et de facturation réalisées par le n?”ud de distribution, les flux vidéo sont envoyés à partir des sources jusqu’au domicile de l’utilisateur, via le mode de connexion point à multipoint (unidirectionnel) d’ATM. Chez l’utilisateur se trouvent un terminal de type Set top box gérant les demandes de programmes, ainsi qu’un modem ADSL multiport reliant téléviseur, PC et téléphone à la ligne ADSL.

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Gérard Schmitt