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5G : l’Europe engage les opérateurs à limiter le recours à Huawei

Sans bannir le géant chinois, la boîte à outil du commissaire Thierry Breton recommande de diversifier les équipementiers et d’écarter les fournisseurs « à risque ».

Le commissaire européen Thierry Breton a beau rappeler à tout bout de champ qu’aucune entreprise ne sera bannie du marché de la 5G, Huawei est bien dans son viseur.
Officiellement, le géant chinois sera libre de commercialiser ses équipements dans les pays membres. Mais la boîte à outil présentée aujourd’hui sur la sécurité des réseaux 5G devrait limiter fortement son expansion.

Multiplier les équipementiers

Deux règles le concernent particulièrement. La première veut que les opérateurs ne se reposent pas sur un seul équipementier et qu’ils limitent leur dépendance à l’égard d’un acteur en particulier.
En France, Bouygues Telecom et SFR sont les deux clients de Huawei pour la 5G. Bouygues Telecom fait aussi appel à Ericsson, et SFR, à Nokia. Ils pourraient être amenés à réduire la voilure de leurs commandes chez Huawei, et même à faire appel chacun à un troisième acteur.

Mais les conséquences iront bien au-delà du cas de Huawei. Free avait prévu de commander tous ses équipements 5G uniquement à Nokia. Il devrait donc, en théorie, être obligé de revoir sa copie.

D’une manière générale, les parts de marché des équipementiers pourraient s’équilibrer davantage entre Huawei, Ericsson et Nokia. Voilà qui crée aussi une opportunité pour faire entrer et émerger d’autres entreprises comme Samsung. Mais attention, Thierry Breton espère que cela profitera surtout aux intérêts européens.

Exclure les fournisseurs « à risque »

La deuxième règle qui touche Huawei est celle qui stipule que les opérateurs ne devront pas choisir un « fournisseur à risque ». Le commissaire européen a explicité ce qu’il entendait par là dans une interview au journal Le Monde. Pour lui, il s’agit d’un fournisseur « qui dépend fortement d’un Etat, ou qu’un Etat peut obliger à divulguer les données de ses clients  ».

Huawei est visé à cause d’une loi chinoise permettant à l’Etat d’avoir accès aux données. Mais Thierry Breton évoque aussi le cas des Etats-Unis et du Cloud Act de 2018 qui autorise la justice américaine à récupérer les informations que détient une entreprise partout dans le monde quand elle a des activités américaines.
Voilà qui concerne donc aussi Nokia et Ericsson. On peut également s’interroger sur les conséquences pour Cisco, une société américaine qui ne fournit pas d’antennes mais qui équipe majoritairement les cœurs de réseaux des opérateurs en France.

Pour clarifier la situation, les autorités nationales vont réaliser des audits des opérateurs mais aussi évaluer le profil à risque des équipementiers et, le cas échéant, en exclure certains. L’exclusion pourrait être totale ou ne concerner que des sites sensibles.

Par ailleurs, la boîte à outils européenne prévoit de relever les niveaux de sécurité des réseaux mobiles et de réaliser régulièrement des contrôles. Tous les pays membres se sont engagés à mettre ces règles en pratique d’ici le 30 avril 2020. Ils devront rendre un rapport sur leur mise en oeuvre au plus tard le 30 juin.

Huawei a très vite dégainé un communiqué se félicitant de la décision européenne. Washington ne devrait, lui, pas tarder à la déplorer. Mais derrière les déclarations de façade, difficile de trouver un gagnant ou un perdant avec cette boîte à outil qui ne devrait profiter ni à la Chine ni aux Etats-Unis.

Sources : Commission européenne, Le Monde

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Amélie Charnay