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2002 : L’e-commerce automobile peut enfin démarrer

Bruxelles s’apprête à remodeler la distribution de véhicules neufs. De simple source d’informations, la future réglementation de l’Union pourrait faire d’internet un canal de vente à part entière.

“Il n’y a pas de business autour de la vente de voitures neuves en ligne”, admet d’emblée Cédric Bannel, le PDG de Caradisiac, le leader français des sites d’intermédiaires pour la vente automobile. De la part de cet acteur, concentré sur le créneau de l’occasion, la formule pourrait passer pour une simple justification de son positionnement. En fait, elle tient surtout du constat.

Pas de salut hors concession

La vente en ligne de véhicules neufs (VN) n’existe pas encore véritablement dans l’Union européenne, où la distribution automobile s’appuie sur un “règlement d’exemption”. En clair, les concessionnaires y sont des interlocuteurs incontournables : l’internaute conclut l’affaire dans la concession, même si le véhicule a été repéré et configuré en ligne. Mais, à partir du premier octobre 2002, les règles du jeu pourraient changer.La Commission européenne édicte une nouvelle réglementation qui agite le petit monde de l’automobile depuis deux ans déjà. Selon le scénario qui sera, in fine, adopté, notamment sur la base d’un rapport commandé à Andersen , internet pourrait devenir un véritable canal de distribution.Jusque-là, la vente en ligne de véhicules neufs a surtout fait figure de fausse bonne idée. Les 14 millions de VN vendus en Europe de l’Ouest chaque année ont appâté bien des “entreprenautes”, qui se contentent de jouer le rôle d’apporteurs d’affaires aux concessionnaires. Idem pour l’occasion, où internet sert de moteur de recherche dans les bases de données des concessions et dans les annonces de particuliers. “Il faut se positionner maintenant pour pouvoir profiter de l’ouverture du système en octobre 2002”, pronostiquaient ces pure players, il y a encore quelques mois. Mais en attendant, le créneau s’est révélé peu rémunérateur, et la concentration des acteurs n’en finit pas. La future réglementation européenne va-t-elle apporter le bol d’air indispensable aux acteurs internet ? S’ils entendent vivre d’une activité de distributeur stricto sensu, en réalisant leur marge sur la vente de VN, leur avenir paraît bouché.En effet, le concessionnaire européen type réalise en moyenne 58 % de son chiffre d’affaires sur le VN, mais celui-ci ne représente que 32 % de ses profits. La vente constitue en fait la part de l’activité la moins rentable, loin derrière l’après-vente (réparation et pièces détachées). Et la rentabilité globale moyenne d’une concession est seulement de 1,05 %. “Une bonne année, un concessionnaire peut arriver à réaliser 1,5 % de marge sur l’ensemble de son activité, prévient Olivier Guigou, responsable de la stratégie distribution de Peugeot. Mais sur la distribution automobile proprement dite, il n’y a que peu de grain à moudre.”

Force d’après-vente

Internet pourrait bien sûr faire voler cette structure de coûts en éclats : plus besoin de stocks, si n’importe quel distributeur indépendant peut se fournir auprès du constructeur, ni de vastes halls d’exposition, ni de force de vente. Mais la réglementation européenne empêche ce cas de figure : le vendeur d’une voiture neuve doit en assurer le service après-vente.“La défense du lien entre la vente et l’après-vente est l’un des points les plus importants du débat en cours”, insiste Olivier Guigou. Et aussi celui sur lequel les constructeurs s’arc-boutent. Pour des exigences de qualité et de sécurité, certes, mais aussi parce que le maintien de ce lien constitue une protection efficace contre de nouveaux entrants potentiels, qu’ils relèvent d’internet, de la grande distribution, de la banque ou de l’assurance. “Les voitures sont devenues de véritables ordinateurs roulants, justifie Olivier Guigou. Dans la Peugeot 607, il y a la même puissance embarquée que dans le premier Airbus. Pour en assurer la réparation, il faut un personnel qualifié, sans cesse formé à l’évolution technologique.”Si le lien entre vente et après-vente est maintenu, le canal de distribution internet devra s’en remettre à l’initiative des constructeurs. Or, “nous ne vendons pas de voitures en ligne et nous n’en vendrons jamais”, déclarait Paul Sevin, le directeur commercial France de Peugeot, lors du lancement, le 11 décembre, du nouveau site Peugeot.fr. Six mois plus tôt, Renault avait lancé un site “non-marchand” similaire, permettant à l’internaute de préparer son passage en concession. “Pour que Renault.fr devienne un véritable site marchand, il faudrait que cela corresponde à une véritable attente du consommateur, ce qui n’est pas le cas”, justifie Jacques Verdonck, le directeur de la stratégie et du plan de la marque au losange.

Intermédiaire électronique

Les constructeurs n’envisagent en fait qu’une seule avancée vers une dématérialisation de la distribution automobile. “Pour tenir compte des évolutions technologiques, dont internet, la future réglementation européenne pourrait autoriser les ventes actives hors territoire”, concède Jacques Verdonck. Le concessionnaire pourrait démarcher ?” éventuellement par courrier électronique ?” des clients au-delà de la zone géographique exclusive qui lui a été assignée par le constructeur. Libre à chacun des concessionnaires de s’engager sur cette voie. Pour l’heure, les plus déterminés d’entre eux s’en remettent aux sites intermédiaires qui leur amènent des clients internautes sur un plateau d’argent.

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Maxime Rabiller