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Stefan Weitz, directeur de Bing : «nous voulons recréer le monde en 3D»

A l’occasion de la conférence LeWeb 13, nous avons rencontré Stefan Weitz, qui dirige Bing, le moteur de recherche de Microsoft. L’occasion de revenir sur l’annonce de Bing Maps 3D et d’aborder quelques sujets brûlants…

Je mets le bazar partout où je passe ». Blagueur, un tantinet sarcastique et volontiers théâtral, Stefan Weitz est à la tête de Bing, le moteur de recherche de Microsoft. Voilà déjà 18 ans, « un sacré bout de temps », que ce brillant iconoclaste aux faux airs de premier de la classe sévit du côté de Redmond. 

« J’ai eu le privilège d’y faire plein de boulots différents : écrire du code, tester, développer des spécifications pour nos produits… Et maintenant, j’essaie de savoir quoi faire en matière de recherche » nous explique-t-il en toute (fausse) modestie en guise d’introduction. A l’occasion de la conférence LeWeb, nous avons non seulement abordé avec lui les nouveautés de Bing, mais aussi évoqué le futur de la recherche selon Microsoft, l’ennemi Google, l’impact de la surveillance de la NSA… Pour découvrir le personnage, son Ted Talk (en anglais) mérite aussi le détour.

Vous venez de dévoiler une nouvelle version de Bing Maps intégrant des images 3D de 70 villes. Pouvez-vous nous en parler un peu ?

Nous sommes partis d’une idée plutôt… ambitieuse : on ne voulait pas créer un énième service de cartographie 3D. Nous souhaitons avec ce Bing Maps recréer l’intégralité du monde en 3D. Et nous avons déjà énormément travaillé pour ça, entre les avions que nous avons du faire tourner au dessus de vos têtes, les voitures qui ont circulé dans les villes couvertes… Nous avons ensuite embauché des gens de nos labos et de nos studios, notamment des concepteurs de jeux, pour travailler sur ce projet. Et le résultat est là : Bing Maps 3D ressemble à une version cool de Sim City. Qui permet de passer de la vue de Superman –en l’air- à celle de Clark Kent –dans la rue- en un seul mouvement fluide.

Nous passons de plus en plus de temps en ligne et nous souhaitons que le monde virtuel ressemble le plus possible au monde réel.  Mais notre idée n’est pas juste de montrer de belles images, notre ambition est de montrer ce qu’on peut faire à partir de ces données.

Mais justement, que comptez vous faire de ces représentations en 3D ?

Nous pourrions les utiliser dans les jeux vidéo… Mais ce que nous faisons aujourd’hui, c’est surtout de l’information géolocalisée et personnalisée. Sur ce « canevas » 3D, on peut vous conseiller des lieux à voir, des expos, des concerts… En fonction de ce que vous aimez, de ce que vos amis apprécient et de tonnes de variables en provenance du monde réel.

Ce qui est pratique sur mobile, mais pour l’instant, l’appli n’est disponible que sur Windows 8…

Nous y travaillons, il y a quelques problèmes de puissance de calcul à résoudre pour que ça fonctionne sans problème sur mobile. Mais le service fonctionne aussi sur Windows RT, donc il n’y aura pas de problème pour l’adapter ensuite aux appareils ARM (donc les smartphones ndlr).

Une démo de Bing Maps 3D :

Bing Maps Preview App from Bing on Vimeo.

Parlons un peu des parts de marché de Bing. Aux Etats-Unis, votre moteur de recherche se comporte honorablement face à Google (presque 20 % de part de marché ndlr) alors qu’en Europe, il peine à décoller. Comment l’expliquez-vous ?

Cela s’explique en grande partie par nos investissements en marketing, qui ont été bien plus importants aux Etats-Unis qu’en Europe. Et aussi parce que Google a créé un superbe produit et a fait un énorme boulot pour que les gens l’utilisent tout le temps. A tel point que les internautes ne se posent même plus la question du moteur qu’ils vont employer lorsqu’ils s’apprêtent à effectuer une recherche :  ils utilisent inconsciemment Google. Dans ce contexte, nous avons compris que créer un meilleur moteur ne suffirait pas à nous faire gagner des parts de marché. Du coup nous avons établi des partenariats, dépensé de l’argent dans des opérations de marketing, simplement pour que les gens disent « stop », fassent une pause, qu’ils prennent le temps de  réfléchir quelques secondes  avant de lancer une recherche. C’est comme par exemple avec la campagne Bing It On.

Mais nous n’avons pas encore fait ce genre d’investissements en Europe. Et très franchement, on a encore beaucoup de travail pour faire comprendre que Bing peut faire aussi bien, voire mieux que Google sur certaines choses. Faire changer le comportement d’un internaute est extrêmement difficile ! 

Le futur de Bing, c’est d’être intégré à tous les produits Microsoft ?

Bing.com est toujours là, mais ce n’est pas le plus important pour nous à l’avenir. Regardez les comportements des utilisateurs : ils effectuent désormais des recherches depuis leur mobile, leur console de jeux, leur montre… Ce que nous souhaitons faire, c’est utiliser les technologies qui composent Bing (sémantique, reconnaissance vocale, cartographie etc.) et les intégrer de façon adaptée à chaque produit : avec  Xbox One, vous pouvez parler à votre TV, grâce à Bing. Sur Office, la recherche d’images, c’est Bing. Sur Windows Phone, la fonction « Environs », c’est Bing. Et la recherche intelligente sur Windows 8.1, encore Bing. Nous estimons que nous pouvons faire un meilleur boulot en prenant en compte l’appareil et le contexte de chaque utilisateur.

Vous évoquez la reconnaissance vocale : un mot sur Cortana ? (un concurrent de Siri qui serait en développement à Redmond ndlr)

Oh… Je vais me prendre un coup de poing si je parle de Cortana ! Mais pour nous, c’est un autre exemple de la façon dont Bing peut faire sens dans un contexte particulier. Ce que je peux vous dire, c’est que nous travaillons à rendre la recherche plus naturelle, plus organique. Demain, vous n’aurez plus à vous arrêter, lancer votre navigateur et vous rendre sur un moteur de recherche. Celui-ci sera intégré à votre « expérience ». Que ce soit par le biais d’un concurrent de Siri ou d’autre chose ! (Rires)

Parlons un peu de Google. Microsoft a récemment lancé Scroogled, une campagne assez agressive contre votre concurrent qui n’a pas été forcément très bien acceptée sur le web. A titre personnel, qu’en pensez-vous ?

C’est amusant car j’ai largement contribué à la première campagne Scroogled. Il est vrai que, quand j’ai vu le résultat final, je me suis dit :  « wow, c’est assez dur ». Mais nous avons été volontairement agressifs car nous avons besoin, encore une fois, de marquer les esprits, de montrer aux internautes qu’il y a une alternative à Google. Et puis après tout, ce qu’on dit dans ces publicités est vrai : ce que fait Google n’est… pas bien ! (rires) D’autre part, il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui ont la possibilité de s’en prendre à eux, qui peuvent pointer du doigt ces problèmes, car la plupart d’entre elles ont peur de descendre dans leurs résultats de recherche… 

Les révélations d’Edward Snowden ont eu un retentissement majeur cette année. Avez-vous peur de l’impact que la surveillance globale de la NSA pourrait avoir sur Bing et les services en ligne de Microsoft ?

Nous avons annoncé il y a quelques jours que nous faisions évoluer nos technologies de cryptage pour lutter contre la surveillance. Dans le même temps, je pense que la NSA fait son travail : comme toutes les agences de renseignement de par le monde, elle fera de toute façon ce qu’elles juge bon pour son pays.

Cela ne pose-t-il pas un problème de respect de la vie privée ?

Regardez ce que font les gens sur les réseaux sociaux de nos jours : ils tweetent, postent des photos sur Instagram… Bref exposent un peu de leur vie privée car ils en tirent une certaine « valeur » en échange. C’est comme ça que nous abordons ce problème : est-ce que l’utilisateur reçoit un service à la hauteur des informations personnelles qu’il nous confie ? Si je cherche un taxi avec Bing, cela a une grande valeur pour moi que Bing apprenne ma position. En revanche, cela a-t-il un intérêt que Bing connaisse le nombre de mes enfants lorsque je cherche à acheter un sac à dos  sur le web ? Je ne pense pas.  La leçon qu’on peut tirer des fuites de Snowden, c’est de faire le meilleur service possible avec un minimum de données privées. 

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Par : Opera

Eric LB