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SpaceLiner, l’incroyable fusée européenne qui a (peut-être) inspiré Elon Musk

L’homme d’affaires a dévoilé récemment un projet de transport aérospatial pour assurer des liaisons entre grandes villes. Le Centre allemand pour l’aéronautique y travaille justement très sérieusement… depuis 2005.

La dernière folie d’Elon Musk, c’est de relier Paris à New-York en moins de 30 minutes à bord… d’une fusée. Un nouveau défi lancé à la science mais sur lequel on manque de détails. Il faut pour l’instant se contenter de cette vidéo aux accents hollywoodiens qui donnerait presque le frisson :

Deux projets avec de nombreuses similitudes

En résumé, il s’agit de parcourir de grandes distances entre métropoles en 30 minutes maximum, à bord du système spatial réutilisable BFR qui servira à Space X pour aller sur la Lune et sur Mars. Vitesse maximale annoncée : 25 000 km/h avec une centaine de passagers à son bord.

Un concept qui présente d’étranges similitudes avec celui du SpaceLiner initié en 2005 par le DLR (Deutsches Zentrum für Luft-und Raumfahrt), le centre allemand pour l’aéronautique et l’astronautique.

Il s’agit également d’un véhicule suborbital hypersonique pour relier de très longues distances comme l’Europe de l’Ouest à l’Australie en 90 minutes ou l’Europe et la Californie en 60 minutes. Et il se compose, lui aussi, de deux modules se séparant dans les airs : une navette pouvant accueillir jusqu’à 100 passagers et un booster réutilisable. Troublant.

Le SpaceLiner garde pour le moment une bonne longueur d’avance, du fait des recherches poussées réalisées par le DLR avec l’aide de ses partenaires comme l’ONERA en France, focalisé sur la protection thermique du véhicule et ses problèmes d’échauffement important à la rentrée atmosphérique. « Nous ne savons pas si Elon Musk a eu vent du Space Liner », commente sobrement Martin Sippel, le directeur du projet à la DLR. « Mais son entourage, c’est probable ». Difficile en effet de croire que l’équipe qui entoure l’homme d’affaires n’ait pas dressé l’état de l’art sur le sujet avant de se lancer. 

Le véhicule se scinde en deux dans les airs, la navette passagers poursuit sa trajectoire, tandis que le booster est récupéré au sol.
DLR – Le véhicule se scinde en deux dans les airs, la navette passagers poursuit sa trajectoire, tandis que le booster est récupéré au sol.

Le SpaceLiner, un avion supersonique

Le véhicule est un avion de forme effilée avec des ailes. S’il décolle à la verticale, il atterrit comme un avion. « La phase d’ascension propulsée dure environ huit minutes, jusqu’à 75 km d’altitude et avec un point d’entrée à Mach25, soit 7,2km/seconde pour la descente hypersonique planante », nous détaille Jean-Luc Vérant, chef d’unité de recherche à l’ONERA et expert en aérothermodynamique. « Une fois que l’on est sûr que l’avion est sur la bonne trajectoire, le booster est lâché et les moteurs coupés pour assurer la descente qui représente la majeure partie du voyage de 1h30 avec une décélération progressive et une arrivée en contact avec le sol à seulement 200km/h », ajoute-t-il.

Non seulement le transporteur du SpaceLiner va pouvoir accueillir les passagers debout à l’embarquement, mais ces derniers n’auront pas à suivre un entraînement digne d’un astronaute grâce à cet atterrissage tout en douceur. Le choc de la courte partie ascensionnelle, devrait lui, être absorbé par les sièges et le confort passager serait assuré avec 2,5g maximum. Et en cas de problème, la navette comprenant l’équipage et les 50 passagers peut s’éjecter du vaisseau mère à tout moment.

La navette passagers peut contenir de 50 à 100 personnes.
DLR – La navette passagers peut contenir de 50 à 100 personnes.

Rien de tout cela ne semble avoir encore été pensé dans le cas d’Elon Musk puisque sa fusée atterrira verticalement avec les moteurs allumés, ce qui pose à la fois des problèmes de confort et de sécurité pour les voyageurs.

Les spatioports ne pourront être installés au coeur des villes

Ce n’est pas le seul hic. La vidéo de l’homme d’affaires montre une plateforme de décollage sur l’eau en plein New-York et des liaisons entre grandes villes correspondant en gros aux actuelles lignes commerciales des longs courriers. Totalement irréaliste pour Martin Sippel. « Je pense qu’il faut plus voir cela comme un symbole pour faire comprendre que l’embarquement se fera loin des centres villes », nous confie-t-il. Impossible en effet d’installer des spatioports dans les cités. « En cas de problème à la montée, on ne peut pas prendre le risque que le booster et le transporteur hypersonique (ayant préalablement éjecté sa navette de secours) retombent sur une zone d’habitation », renchérit Jean-Luc Vérant. « Mais le problème se pose aussi durant toute la trajectoire. C’est la raison pour laquelle il est prévu que le SpaceLiner ne survole que l’Océan et les pôles ». Par ailleurs, ce vol hypersonique provoque évidemment un boom sonique, dont  la nuisance sonore reste difficilement acceptable par une population survolée.

Martin Sippel, le directeur du projet SpaceLiner à la DLR.
DLR – Martin Sippel, le directeur du projet SpaceLiner à la DLR.

« Nous souhaitons désormais entrer dans une phase industrielle avec pour objectif un prototype en 2030 et une commercialisation possible à l’horizon 2040 », nous annonce Martin Sippel. Malgré une coopération internationale et le soutien de l’Europe, la DLR manque de financement pour faire aboutir rapidement le SpaceLiner. Les Allemands pourraient donc bien être pris de vitesse par Elon Musk et ses moyens colossaux, d’autant plus que son vaisseau spatial BFR devrait être opérationnel d’ici 2022 dans l’optique d’un premier vol vers Mars sans humains à bord. A condition de relever les problèmes de sécurité et de trajectoire que pose le transport de passagers dans ces conditions…

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Amélie CHARNAY