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PABX pour PME, entre CTI, mobilité et voix sur IP

L’offre de petits autocommutateurs reste dominée par des PABX traditionnels. Les évolutions portent plus sur les applications de CTI ou sur la mobilité. La téléphonie privée sur IP devrait bouleverser la donne.

Sur le marché du PABX, le sur-mesure ne fait plus recette. ” Actuellement, 80 % des ventes de l’activité téléphonie d’entreprise se situent sur des configurations de moins de cinquante postes “, explique Francis Hodbert, directeur marketing produits et solutions volumes chez Matra Nortel Communications. Dans ce contexte, les fabricants ont dû s’adapter et adopter des approches commerciales et technologiques nouvelles. Chez Alcatel, cette démarche, basée sur des configurations de PABX prédéfinies très en amont, s’est concrétisée par la commercialisation de sa gamme Office au milieu de l’année 1998. ” Désormais, nos PABX de petite configuration peuvent être préconfigurés en usine. Ils sont ensuite livrés aux installateurs avec un minimum de paramètres et d’options de services à fixer. Auparavant, il leur fallait commander la configuration en pièces détachées et en effectuer l’assemblage “, souligne Francis Hodbert, expliquant ainsi l’offre Easypack, de Matra Nortel Communications, lancée en novembre 1999. Si cette approche rationalise, en la simplifiant, l’installation des PABX dans les PME, elle ne dispense pas les constructeurs de concevoir des produits adaptés à ce marché. Le plus basique dans cette catégorie est l’intercommutateur, doté de une ou deux lignes réseaux analogiques et de deux à six postes analogiques. Ce PABX gère la réception et le transfert d’appels mais pas le SDA ni l’identification de l’appelant. Ses interfaces de raccordement analogique le privent de ces fonctions propres aux réseaux numériques. Certains intercommutateurs n’ont pas de boîtier central comme les PABX classiques. C’est le cas du système 5101, d’Alcatel, où un bus central composé d’un câble quatre paires accueille la connexion des lignes de postes et des lignes réseaux. Les microcommutateurs, eux, sont souvent constitués d’un boîtier fermé (sans possibilité d’extension interne par adjonction de cartes) à fixer généralement au mur. Ils fournissent une à deux lignes analogiques au réseau et quelques prises ou joncteurs (de 2 à 8) permettant le raccordement de postes analogiques simples. On peut aussi y connecter des fax ou des PC équipés de modems, voire de postes à numérotation décimale et/ou à fréquences vocales. Ils offrent des fonctions téléphoniques minimales (tels le transfert de communication et la mise en attente d’un correspondant), et non des fonctions évoluées disponibles sur les PABX numériques (SDA, messagerie vocale, journal des appels…).

Des fonctions vocales avancées pour les PABX numériques

Ne disposant, comme les intercommutateurs, que d’un raccordement analogique, ces petits systèmes ne peuvent tirer parti des fonctions propres aux réseaux numériques (affichage du numéro de l’appelant et sélection directe à l’arrivée). Ils sont donc inadaptés aux applications de CTI. Les PABX numériques, en revanche, bénéficient de fonctions vocales bien plus évoluées (standard automatique, messagerie vocale personnelle, détection de fax…). Ils se raccordent sur le réseau public numérique RNIS, souvent en accès de base avec interface S0. Le raccordement en accès primaire RNIS, équivalent à une liaison louée MIC à 2 Mbit/s, est réservé aux matériels de configuration plus élevée. Leur c?”ur se présente soit comme un parallélépipède à fixation murale, soit comme un châssis à monter dans un rack 19 pouces. Dans les deux cas, ils contiennent la matrice de commutation de circuits et les cartes lignes. Celles-ci desservent soit des postes analogiques, soit des postes propriétaires numériques fournis exclusivement par les fabricants de PABX. Dotés d’écrans à cristaux liquides pour les plus récents, ces postes savent tirer parti des (trop ?) nombreuses fonctions téléphoniques, contrairement aux postes analogiques. La mise à disposition par certains constructeurs d’interfaces normalisées RNIS S0 a permis d’ouvrir le marché des terminaux connectés derrière le PABX. Cette ouverture reste timide pour des raisons de stratégies commerciales, tant les fabricants de PABX engrangent d’importantes marges avec leurs postes numériques propriétaires.

Une norme pour les PABX hétérogènes en réseau

La signalisation entre le c?”ur de commutation et les postes numériques reste propriétaire, tout comme celle utilisée pour la mise en réseau des PABX. Tous les constructeurs ont développé leur propre protocole de signalisation, totalement propriétaire (ABC, chez Alcatel ; CorNet, chez Siemens ; ou Movacs, chez Matra Nortel Communications). Ils sont la base des réseaux privés de PABX multisites. Pour interconnecter en réseau des PABX hétérogènes, un protocole de signalisation a été normalisé sous le nom de Q.sig, développé à l’origine pour interconnecter des PABX via le RNIS. Il offre les fonctions téléphoniques de base, mais ne peut rivaliser avec la richesse des fonctions liées à la signalisation propriétaire. En l’absence d’une forte pression des utilisateurs en faveur de cette norme, le succès de Q.sig dépend du soutien que veulent bien lui accorder les fabricants. C’est le cas des principaux acteurs du marché : Alcatel, Lucent Technologies et Matra Nortel Communications. Ericsson a annoncé que sa gamme de PABX MD Evolution, pour petites structures (de 4 à 200 postes), supportait le protocole Q.sig depuis la fin de 1999. Les PABX numériques, parfaitement optimisés pour la commutation de la voix, ont toutefois dû s’adapter à d’autres évolutions technologiques ou environnementales. La déréglementation de la téléphonie fixe a été à l’origine de l’avènement de fonctions de routage au moindre coût (LCR, Least cost routing) des appels sortants, y compris sur les petits systèmes. Chaque fois qu’un utilisateur compose un numéro, son appel est aiguillé par le PABX vers le réseau de l’opérateur le plus économique en fonction de tables de routage préétablies. Les paramètres clés du routage sont le nombre d’opérateurs alternatifs ou le nombre de plages horaires journalières gérées. Des fonctions d’accueil et de gestion des flots d’appels entrants de type ACD sont aussi disponibles sur des PABX de taille moyenne. Ces systèmes sont capables de répartir le trafic téléphonique entrant selon des priorités prédéfinies ou observées en temps réel. En distribuant ensuite ces appels vers un ou plusieurs opérateurs, le temps d’attente et le nombre d’appels perdus sont réduits. Selon un scénario élaboré préalablement, l’ACD gère les files d’attente en diffusant des annonces personnalisées ou prend en charge le débordement des appels.

Les PME-PMI et le couplage téléphonie-informatique

Plus récemment, profitant de la norme radio Dect (Digital european cordless telecommunications), des industriels, dont Alcatel et Siemens, ont commercialisé des microcommutateurs sans fil. Tous ont également introduit des adjonctions matérielles (cartes-contrôleurs et bornes) servant d’extension radio à leurs PABX numériques. Les PME et PMI ne sont pas exclues du vaste mouvement de convergence engagé entre téléphonie et informatique ni de ses applications : messagerie unifiée, centre d’appels, applications particulières reposant sur un lien CTI entre un serveur ou un PC et le PABX. Tous les fabricants proposent un CTI de base. Il est réalisé au niveau de la station de travail informatique avec le poste numérique propriétaire. Sur le plan matériel, un câble série relie le PC au poste téléphonique, un boîtier intermédiaire jouant les passerelles CTI. Sur le plan logiciel, les interactions des deux mondes s’appuient sur les commandes Tapi, devenues standards de fait pour les applications CTI de productivité bureautique individuelle. Tapi est incluse dans Windows 9.x et NT, et se trouve donc dans les applications développées sur cette base. L’intégration à des interfaces de messagerie tel Outlook, qui contient sa propre application de contact, offre aux PME la possibilité d’améliorer leur service clientèle.La messagerie unifiée se démocratiseL’application de remontée de dossiers ou de fiches consiste à faire ouvrir une fiche de contact client Outlook automatiquement lors de la réception ou de l’émission d’un appel grâce à la fonction d’identification de l’appelant. Des applications d’intégration telles que la messagerie unifiée sont peu à peu mises en place dans les petites et moyennes structures. Elles supposent l’interconnexion du PABX et du réseau local Ethernet TCP-IP de l’entreprise où se trouvent le serveur de messagerie unifiée et le serveur de messagerie électronique dédié (tels Exchange ou Notes). Les interactions du PABX et du serveur informatique peuvent s’effectuer selon la norme CSTA. Des interfaces de programmation spécifiques comme Tapi 2.0, CT-Connect (lié à la carte Dialogic d’Intel) ou CallPath (d’origine IBM) sont également répandues. Le fabricant suisse Ascom propose, avec sa gamme Ascotel de petits PABX numériques (de 50 à 190 postes), un serveur à base PC sous NT Server doté d’une carte vocale. Un boîtier externe assure l’interconnexion physique de ce serveur avec le PABX via son interface série. Les interactions téléphonie-informatique se font via l’interface Tapi 2. Ce serveur informatique est lui-même connecté en Ethernet au serveur de messagerie électronique. Le poste client de messagerie électronique peut être Outlook/Exchange. Avec ce système, fax et e-mails sont envoyés sur un télécopieur distant. La lecture par synthèse vocale des messages écrits est aussi possible. Certains PABX sont proposés avec des configurations incluant des routeurs externes séparés permettant les accès IP. Lucent a intégré cette fonction au sein de petits systèmes sans pour autant remettre en question l’architecture interne des PABX. Le constructeur a lancé sur le marché français, cet automne, Argent Office, un PABX pour PME et PMI (jusqu’à 96 postes) doté d’un routeur et d’un pare-feu IP intégré ; et CyberGear, un microcommutateur de trois à six postes comprenant également, dans sa version Gold, un routeur interne. Ces équipements se connectent à un accès de base RNIS. Les fonctions téléphoniques d’Argent Office sont celles d’un PABX numérique de bon aloi, tirant parti de la signalisation du RNIS (SDA, identification de l’appelant, interception et transfert d’appels, groupement de lignes, et mise en attente). On peut profiter pleinement de ces fonctions avec les postes propriétaires Lucent Technologies. Argent Office se distingue par ses fonctions d’intégration à la messagerie électronique Outlook/Exchange, de Microsoft. Dès qu’un message vocal arrive, il est notifié sous la forme de fichiers numériques (extension .wav) qu’il est possible de déchiffrer et d’écouter sur un PC multimédia. Cette fonction est également disponible sur le modèle Gold du CyberGear. L’évolution ultime des architectures PABX se profile avec le remplacement prochain de la commutation de circuits voix par la commutation IP réalisée sur des équipements actifs Ethernet (concentrateurs et commutateurs). Le marché visé est notamment celui des petites installations téléphoniques, les grandes (plus de 200 postes) restant la chasse gardée des PABX conventionnels. La citadelle du PABX traditionnel est cependant assiégée. Pour les petites structures, Praxon propose un châssis propriétaire un peu particulier, qui accueille des concentrateurs Ethernet et des modules raccordant des postes téléphoniques, mais la voix reste traitée en commutation de circuits. Ce châssis intègre un module de routage IP et un serveur de messagerie électronique SMTP, et se prête bien aux petites structures (moins de 30 personnes).

Des PABX numériques vers les PABX IP

D’autres nouveaux entrants (Phonetic, Ring ou Well’X) préfèrent miser sur des architectures de type PC. Les fonctions de traitement des appels vocaux sont concentrées dans un logiciel hébergé sur un serveur Windows NT. L’autre composant fondamental consiste en des cartes de communication analogiques et numériques de source extérieure (Dialogic et Natural Microsystems) qui s’insèrent dans les bus des PC. Ces cartes permettent le transport de la voix en paquets IP. Dans ce cas, la voix n’est plus commutée de manière classique, mais acheminée en fonction de son adresse IP. Sur le plan des terminaux, ces serveurs PC peuvent accueillir des postes téléphoniques analogiques ou des postes téléphoniques IP-Ethernet, voire des PC utilisant un logiciel de téléconférence comme NetMeeting, raccordés en Ethernet. Tous les produits n’offrent pas les mêmes fonctions téléphoniques, et les plus évoluées (conférence et interception d’appels) ne sont pas toujours proposées. Les interrogations sur ces architectures se concentrent sur la fiabilité de ces plates-formes NT, réputées instables, alors que la téléphonie exige une qualité de service irréprochable. Devant la menace constituée par ces solutions alternatives, les fabricants de PABX numériques se sont presque tous lancés sur le marché des PABX IP, en 1999. Chez Siemens avec le Hinet RC 3000, et chez Matra Nortel Communications avec l’Inca M 7500, l’architecture des autocommutateurs de nouvelle génération consiste en un assemblage de plusieurs composantes matérielles et logicielles. Au c?”ur de leur système trônent un commutateur Ethernet 10-100 Mbit/s reliant PC multimédia, serveur NT, voire téléphone IP ; un serveur hébergeant les services vocaux de base ; et un boîtier servant de passerelle entre réseau téléphonique traditionnel et monde IP. L’offre est complétée par des téléphones IP se raccordant directement en Ethernet ou par des applications de téléphonie personnelle développées sous Windows. Chez Ericsson, le PABX-IP, issu du rachat de la société américaine TouchWave en avril 1999, se présente sous la forme de boîtiers empilables pouvant raccorder, selon les cas, des téléphones analogiques ou IP. Lucent a, pour sa part, privilégié une approche où un serveur NT concentre cinq applications : le logiciel gérant les fonctions téléphoniques de base hérité du Definity, son offre de PABX traditionnelle, un système de messagerie vocale et de télécopie, et deux applications additionnelles. Baptisé Definity One, il se raccorde sur des réseaux étendus de type IP, numérique à commutation de circuits ou ATM. La commutation de la voix en IP sur Ethernet annonce la mort prochaine des architectures traditionnelles sur lesquelles ont prospéré les PABX numériques. Mais elle n’entraîne pourtant pas la fin immédiate des offres propriétaires. Les postes téléphoniques IP restent encore trop souvent liés à un constructeur même s’ils se raccordent à un port Ethernet commuté sans adjonction de cartes lignes ni intervention d’un installateur. La standardisation créera les premières fêlures dans un bastion particulièrement rétif à toute interopérabilité.

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Frédéric Bergé