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L’Irak s’attaque à l’analphabétisme technologique de ses fonctionnaires

Le gouvernement irakien veut rattraper son retard technologique en formant l’ensemble de ses fonctionnaires aux nouvelles technologies.

« C’est la première fois que je me sers d’un ordinateur », avoue Ouassane Saleh, employée du ministère irakien du Commerce. Elle fait partie d’une myriade de fonctionnaires que Bagdad initie à l’informatique, dans un pays où sévit un fort « analphabétisme technologique ».

« J’ai un ordinateur chez moi, mais je n’ai aucune idée de son fonctionnement », confie la jeune femme. « Maintenant, je vais pouvoir mettre en pratique ce que j’ai appris. Je veux faire profiter ma famille et mes voisins de mon expérience ».

Mme Saleh et ses collègues participent à des cours dispensés à l’Université de Technologie de Bagdad. Après vingt ans d’embargo et une dictature qui contrôlait de près l’internet, ils partent de très loin. A la différence de Mme Saleh, beaucoup n’ont pas d’ordinateur chez eux, et Internet n’est qu’une vague notion.

D’ailleurs, seule 1,1% de la population irakienne a accès au réseau mondial, selon l’Union internationale des télécommunications.

Alors, pendant les cours de l’Université de Technologie, pas de jargon, les professeurs se bornent à expliquer les rudiments du traitement de texte Microsoft Word ou du tableur Excel. Puis, petit à petit, internet fait son apparition dans les cours, et les élèves apprennent à se familiariser avec les réseaux sociaux Facebook et Twitter.

Trois heures de cours par jour financés par l’État

Harith Fouad Jaouad, chef du département informatique de l’Université, raconte avoir eu l’idée de ces cours, dispensés depuis décembre 2008, à la lecture d’un article de presse consacré à « l’analphabétisme technologique des Irakiens ».

Un professeur racontait comment, lors d’un cours d’informatique, il avait demandé à ses élèves de « faire glisser la souris vers le haut de l’écran. Soudain, l’un d’entre eux a empoigné la souris et l’a maintenue dans les airs… au-dessus de l’écran ».

Les cours de l’Université de Technologie s’étalent sur dix jours, à raison de trois heures par jour, et coûtent environ 42 dollars par élève, pris en charge par le gouvernement.

“L’Irak est à la traîne en matière informatique”

« On nous a appris à utiliser des programmes comme Word et Excel et on est allés sur internet. J’ai appris des choses dont je ne soupçonnais même pas l’existence, » explique Djalil Hanoun, fonctionnaire au ministère de la Justice.

Mais l’Irak n’a pas toujours été un cancre en matière informatique, assure Harith Fouad Jaouad. « Jusqu’en 1980, l’Irak était le pays le plus avancé du Moyen-Orient pour tout ce qui était des hautes technologies. Mais la guerre contre l’Iran a changé la donne », regrette-t-il.

A ce conflit, qui s’est achevé en 1988, ont succédé l’invasion du Koweït décidée par Saddam Hussein, l’embargo international, puis l’invasion de 2003. « Et aujourd’hui nous sommes vraiment à la traîne », souligne M. Jaouad.

Une bureaucratie farouchement attachée au papier.

Sous Saddam Hussein, Internet était étroitement contrôlé. Nombre de sites étaient interdits d’accès et chaque courriel était décortiqué. Depuis 2003, ces restrictions ont volé en éclats. Mais le gouvernement irakien, entre crise politique et tensions interconfessionnelles, avait jusqu’à maintenant fait peu pour promouvoir l’usage des nouvelles technologies au sein d’une bureaucratie qui reste encore farouchement attachée au papier.

A l’issue d’un cours, Najoua Abdulridha, 27 ans, annonce fièrement qu’elle sait désormais faire plus qu’envoyer des courriels sur internet. « Les ordinateurs ont réduit la planète à la taille d’un village. Et nous, les Irakiens, voulons aussi habiter dans ce village », déclare-t-elle fièrement.

Le succès des cours de l’Université Technologique est allé crescendo. La première année, en 2009, 446 fonctionnaires ont assisté à 48 cours. En 2010, ils étaient 983 à participer à 28 cours. Et dans les cinq premiers mois de 2012, ils étaient 547 à faire leurs premiers pas en informatique.

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Mohamad Ali Harissi (AFP)