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L’infogérance séduit les entreprises

L’externalisation de l’exploitation d’un réseau d’entreprise recouvre une vaste palette de services, qui va de la téléadministration à la délégation de personnels sur site. Les entreprises peuvent ainsi déléguer des tâches non stratégiques tout en en gardant le contrôle.

On pourrait croire que derrière les offres d’externalisation de l’exploitation d’un réseau d’entreprise se cache une véritable auberge espagnole. Les services proposés vont de la simple téléadministration effectuée par le prestataire à l’envoi de personnels sur place. De même sont concernés tantôt la quasi-totalité des systèmes et des réseaux, tantôt seulement une partie. Sans oublier les clients qui, eux, affichent des motivations disparates.Saint-Gobain s’est limité à l’externalisation de la supervision d’une partie de son réseau étendu mondial. Arche Communications s’est ainsi vu confier la surveillance de quatre cents n?”uds, essentiellement des routeurs et quelques commutateurs et serveurs. “Il s’agit d’un service complémentaire, que nous aurions pu prendre en charge nous-mêmes”, explique Bernard Goudet, responsable des opérations télécoms de Saint-Gobain. Il ajoute : “Cette supervision aurait été complexe à réaliser en interne, car notre réseau est très hétérogène.” En effet, si l’épine dorsale télécoms est fournie par Global One, chaque pays a choisi un opérateur différent : AT&T, aux États-Unis ; Cable & Wireless, outre-Manche ; China Telecom, en Chine ; et Ambratel, au Brésil. L’externalisation de la supervision centralisée s’imposait d’autant plus qu’aucun de ces opérateurs ne pouvait l’assumer seul.De son côté, le groupe Salins a opté, en 1997, pour une externalisation de l’exploitation et de l’assistance technique aux utilisateurs, couvrant presque toutes les composantes du système d’information (réseaux, systèmes, serveurs et postes de travail). La démarche a été motivée par la constitution du groupe européen, à la suite d’une série de rachats. En toile de fond, le souci était d’étendre la plage de disponibilité des applications, qui devait passer de neuf heures à dix-sept heures par jour, et de cinq à six jours par semaine, voire sept. En corollaire, les créneaux horaires réservés aux opérations de traitements par lots et de sauvegardes se trouveraient réduits ; le tout agrémenté par une migration en cours vers le modèle client-serveur et Unix. “Si nous n’avions pas sous-traité l’exploitation, nous aurions dû renforcer nos équipes techniques de sept à quinze personnes”, se souvient Pascal Dribault, directeur des systèmes d’information du groupe Salins. En 1997, HP a été choisi pour prendre en charge l’exploitation du système d’information. Puis, en août 2000, celle-ci a entièrement été basculée chez Euriware. Cette décision en a précédé une autre, lourde de conséquences, puisque le groupe Salins va passer dans les semaines qui viennent à une infogérance complète.

Une téléadministration des équipements réseaux

Saint-Gobain et le groupe Salins ont en commun une externalisation physique de l’exploitation. Cela implique une administration à distance de leurs équipements réseaux, via des moyens télécoms, depuis le site du prestataire. Ainsi, Arche Communications s’est raccordé, via une liaison louée, au siège de Saint-Gobain, lui-même relié à l’infrastructure Frame Relay de Global One. “Fonctionnellement, notre prestataire est relié comme n’importe quel site du groupe”, précise Bernard Goudet. La console OpenView d’Arche peut ainsi scruter les bases d’information SNMP des équipements supervisés. En cas de défaillance, ou simplement lorsqu’un seuil est dépassé, le prestataire ouvre un ticket d’incident. Arche peut alors travailler en synergie avec son client, en accédant aux sondes que celui-ci a déployées en interne.On retrouve une interconnexion du même type entre le groupe Salins et Euriware. Deux liaisons louées raccordent ainsi directement le centre de production du prestataire au siège montpelliérain de l’entreprise. L’une est dédiée au centre d’appels de l’assistance aux utilisateurs ; l’autre, au trafic lié à l’administration des systèmes. Le siège est, en outre, relié à d’autres sites français, italien ou espagnol, via des lignes louées, par le biais des épines dorsales Frame Relay de France Télécom, Cegetel, Telecom Italia et Telefónica. La transition prochaine vers une infogérance complète remettra en question ce schéma. En effet, tous les serveurs aujourd’hui situés à Montpellier seront transférés à Chambéry, chez Euriware. Tandis que le réseau multiopérateur migrera vers l’infrastructure VPN-IP de WorldCom. Ce passage de la téléadministration à l’administration ne changera rien à l’infrastructure logicielle du prestataire, bâtie autour des plates-formes OpenView, de HP, et TNG, de Computer Associates.

Une externalisation parfois synonyme de régie

Le Conseil de l’Europe, lui, a choisi d’accueillir dans ses murs, à Strasbourg, des personnels de plusieurs prestataires, placés en régie. “Nous avons écarté la formule de la téléadministration pour des raisons de sécurité”, précise Jean-Charles Cante, responsable réseau et multimédia. Constructeurs et sociétés de services ont ainsi délégué une quinzaine de personnes, ce qui représente un quart du service informatique. “Parfaitement intégrés à nos équipes, ce sont essentiellement des techniciens d’exploitation, dont certains ont subi un véritable entretien d’embauche et dont les plus motivés se voient parfois confier des tâches relevant de la veille technologique”, explique Jean-Charles Cante. La gestion du parc de deux mille PC est ainsi prise en charge par NCR, qui délègue quatre personnes sur le site. L’administration de l’infrastructure téléphonique et des liens télécoms associés est confiée à deux employés de Matra Nortel Communication. Un technicien de Spie Trindel installe et déménage les quatre mille téléphones. Compaq a dépêché cinq exploitants, qui gèrent les serveurs sous Windows NT (site Web, serveur de messagerie Exchange, et base d’inventaire), les réseaux de stockage SAN, les sauvegardes et les restaurations, ainsi que les demandes des utilisateurs.Enfin, deux techniciens d’Elona supervisent les soixante-dix équipements réseaux actifs ?” essentiellement des commutateurs Ethernet et ATM. Et l’opérateur WorldCom s’occupe des équipements d’extrémité de la douzaine de sites français et européen, reliés par Frame Relay. En revanche, le service informatique conserve l’administration des serveurs Linux et Solaris, ainsi que celle des routeurs.Se décharger d’une activité qui ne relève pas du métier de l’entreprise, tel est l’argument qui revient systématiquement pour justifier l’externalisation. Ce raisonnement est souvent à mettre en parallèle avec un calcul économique ou une amélioration de la souplesse. Par exemple, chez Saint-Gobain, le budget alloué à Arche Communications, 137 204 ? (900 000 F) par an, aurait seulement permis l’embauche de deux personnes, ce qui se serait révélé insuffisant pour assurer une supervision 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.Au Conseil de l’Europe, la problématique est tout autre. “En tant qu’organisation internationale, nous manquons de souplesse pour accroître le personnel en fonction de la charge de travail. Le recours à l’externalisation nous apporte, donc, à la fois flexibilité et réactivité. Dès lors, les personnes du Conseil se concentrent plutôt sur des tâches d’encadrement, d’architecture et de gestion de projet”, explique Jean-Charles Cante.Au groupe Salins, l’externalisation a surtout permis de stabiliser les coûts. “Nous aurons traversé trois étapes : d’abord, la téléadministration ; puis, l’assistance ; et, bientôt, l’infogérance complète. À chacune d’entre elles, les coûts sont restés sensiblement équivalents, mais nous avons moins de personnel et avons gagné en souplesse, tout en améliorant la qualité de service et la plage horaire de disponibilité”, explique Pascal Dribault. Le contrat tel qu’il existait jusqu’en octobre 2001, c’est-à-dire limité à l’exploitation à distance et à l’assistance, représentait 10 % d’un budget informatique, qui atteint 4,12 millions d’euros (27 millions de francs), auxquels s’ajoutent environ 8 % consacrés à l’assistance aux utilisateurs, dont celui de SAP est toutefois réalisé en interne. Le passage à une infogérance complète ne va pas bouleverser cet équilibre. En effet, “nos serveurs ayant déjà été achetés, nous allons simplement les faire passer en location évolutive et les déménager chez Euriware. Cela fera l’objet d’un contrat séparé qui représentera environ 5 % de notre budget”, ajoute Pascal Dribault.

Une volonté de conserver la maîtrise

L’externalisation de l’exploitation ne signifie jamais désengagement. On constate, en effet, que la plupart des entreprises ont le souci permanent de conserver une maîtrise d’ouvrage très forte. C’est évident chez Saint-Gobain, qui limite le périmètre de la téléadministration à la seule supervision du réseau étendu. Cela l’est également au Conseil de l’Europe. “Notre personnel se doit de développer ses capacités d’encadrement et de gestion de projets ainsi que sa compréhension du schéma directeur des technologies de l’information”, explique Jean-Charles Cante. Et d’ajouter : “Le travail est alors délégué par chacun aux techniciens en régie, en accord avec la vision globale des objectifs. Les personnes du Conseil ont toutes une très bonne compréhension technique car elles ont, par le passé, assuré des fonctions équivalentes à celles qui sont externalisées.”Ce souci de conserver la maîtrise apparaît même au groupe Salins, qui pourtant sous-traite l’administration à distance de la quasi-totalité des ressources du système d’information. Ainsi, le progiciel de gestion intégrée SAP, parce qu’il est très lié au métier de l’entreprise, a entièrement échappé au processus d’externalisation. De plus, “dans chaque domaine, nous avons gardé une personne capable d’assurer l’interface avec Euriware et la veille technologique”, ajoute Pascal Dribault. Ces personnes accèdent à des tableaux de bord qu’Euriware met à jour quotidiennement et, bientôt, en temps réel.

Une qualité de service également exigée

Cette volonté de maîtrise va de pair avec une exigence de qualité de service. Ainsi, le groupe Salins a obtenu, de la part d’Euriware, une prise d’appel en moins de trente secondes et un taux de disponibilité ?” systèmes et réseau compris ?” de 99,6 %. Et cela, même si Euriware doit lui-même faire intervenir d’autres fournisseurs, dont il connaît en détail la totalité des contrats.Au Conseil de l’Europe, en plus de l’intégration des personnels en régie, la relation avec les différents prestataires inclut des contrats de maintenance, qui prévoient des temps de recherche de solution en cas de pannes. Par exemple, pour le réseau, Elona garantit que le délai de reprise, éventuellement en mode dégradé, est inférieur à une heure pour une panne bloquante et à quatre heures pour les autres incidents. “Même si l’on fait abstraction de ces engagements chiffrés, les services fournis par Elona, Compaq ou Matra vont au-delà d’une simple régie, car leurs techniciens peuvent s’appuyer sur les compétences de leur entreprise”, précise Jean-Charles Cante.Lorsque le rôle du prestataire est limité, son implication l’est également, et cela se retrouve dans le contrat de service. Ainsi, Arche Communications, qui s’en tient à la supervision du réseau étendu de Saint-Gobain, ne s’engage que sur l’ouverture du ticket d’incident et sur le délai d’alerte de l’opérateur concerné, lui seul ayant les moyens de résoudre le problème. Toutefois, Arche intervient en fin de processus en assurant la fermeture du ticket.Ces démarches d’externalisation évoluent de façon très différentes. Dans le cas du groupe Salins, ce fut une transition par paliers vers une infogérance complète. Chez d’autres, il s’agit seulement d’étendre le périmètre géographique ou fonctionnel, en restant strictement dans le cadre de l’exploitation ou de la supervision. Chez Saint-Gobain, le spectre de la supervision confié à Arche fut d’abord limité à la France et aux ressources supportant une application SAP. Il a ensuite été géographiquement étendu. Aujourd’hui, ce prestataire surveille également le fonctionnement de plusieurs serveurs de messagerie, de coupe-feu et d’équipements de réseaux privés virtuels. On est vraiment très loin de l’auberge espagnole.

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Thierry Lévy-Abégnoli