Passer au contenu

Le logiciel libre: un modèle économique qui fait diversion

Concurrent sérieux des logiciels commerciaux, l’open source est désormais soutenu par les grands acteurs de l’informatique.

Logiciel dont le code source est mis dans le domaine public, distribuable sans restriction, modifiable en général par tous, à condition que les évolutions soient rendues publiques. Né dans le milieu universitaire à la fin des années soixante-dix, le logiciel libre (open source en anglais) intègre désormais le monde de l’entreprise. Ainsi, selon une étude d’IDC publiée en juin dernier, Linux, avec 27 % de part de marché, était le deuxième système d’exploitation pour les serveurs ?” derrière Windows (41 %), mais devant Novell (17 %) et les autres Unix (13 %, dont certains, comme Free BSD, font partie du monde open source). Apache, quant à lui, domine le secteur des serveurs web avec près de 60 % de part de marché, selon le cabinet E-Soft, loin devant IIS de Microsoft (28,5 %).

Un rapport qualité/prix imbattable

ais les particularités de développement du monde libre remettent en cause l’économie traditionnelle du logiciel.“Nous sommes à l’équivalent informatique de la Révolution française, n’hésite pas à affirmer Bob Young, président de Red Hat. Le système actuel en informatique est féodal. Les vendeurs ont un contrôle très fort sur leurs clients et sur l’usage qu’ils font de leurs logiciels. Les logiciels libres rendent à l’utilisateur le contrôle de ses outils de travail.” En effet, les logiciels libres ont des avantages non négligeables pour les utilisateurs : faible coût d’achat, pérennité du produit, bonne modularité suivant les besoins de l’entreprise, stabilité et qualité. “Les développeurs bénéficient d’une grande liberté sous Linux, plaide Jacques Guignot, enseignant à l’Isiag (Institut supérieur d’informatique appliquée à la gestion) de l’université Paris-XII et membre actif de l’Aful (Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres). Les équipes sont petites, et il n’y a pas d’arrière-pensée financière. Linux est un Unix. Avec ses forces et ses faiblesses. Sun est certainement plus actif en ce qui concerne la R&D, et il dispose d’un excellent support. Mais il est cher.”

Les acteurs traditionnels poussent à l’open source

inux marque donc des points dans tous les domaines. Et, au final, c’est bien son rapport qualité/prix qui fait définitivement la différence avec ses aînés, et aujourd’hui concurrents. L’économie du libre entre en phase d’industrialisation. Comme dans l’arène des logiciels ” commerciaux “, les rachats et les alliances se succèdent. Ainsi certains fournisseurs, n’ayant pas su s’adapter aux nouvelles règles du jeu, disparaissent-ils, également malmenés par la crise de la nouvelle économie. Mais, surtout, de grands acteurs traditionnels, comme IBM, SAP ou Intel, n’hésitent plus, désormais, à alimenter la communauté open source avec leurs propres développements. Ils ont compris que ce nouveau modèle économique peut devenir une nouvelle source de profits.Ainsi IBM, le plus fervent d’entre eux, a-t-il investi un milliard de dollars dans le développement commercial de Linux. Le constructeur a parallèlement adapté toute son offre matérielle et une grande partie de ses logiciels à ce système d’exploitation. D’autres, tel Netscape, ont vu dans ce modèle une chance de survie. Lorsqu’en 1998 son navigateur a vu sa part de marché fondre au profit d’Internet Explorer, l’éditeur a décidé d’en confier le développement à la communauté open source. Et il a intégré le fruit de leurs efforts dans la version 6.0 de son logiciel. Cheminement inverse, la même année, pour SAP, qui était à la recherche d’une base de données autre que celle d’Oracle pour son PGI (progiciel de gestion intégré). L’éditeur a passé un accord avec Software AG pour revendre sa propre version du SGBD (système de gestion de base de données) Adabas. Renommé SAPdb, le produit ne rencontre pas un franc succès. Finalement, en 2000, pour asseoir sa popularité et sa crédibilité, SAP décide de le mettre à la disposition du monde open source.A la différence des éditeurs traditionnels, qui dégagent une part non négligeable de leurs bénéfices sur les licences vendues, les acteurs du monde open source ont le choix entre deux stratégies : soit la recherche de profit autour des logiciels libres, soit une diminution des coûts de développement. Les éditeurs ou les SSII vont tirer leurs gains du support technique et des services personnalisés qu’ils proposent à leurs clients (consulting, développement logiciel, agence web, etc.).En revanche, la stratégie qui consiste à vendre du matériel associé à Linux n’est, pour l’instant, valable que si le constructeur peut proposer d’autres systèmes d’exploitation à ses clients. VA Linux a dû abandonner ses ventes de matériel, tandis qu’IBM propose maintenant d’installer Linux sur l’ensemble de sa gamme, aux côtés de Windows, d’AIX et de z/OS. D’autres sociétés, qu’elles soient dans l’informatique ou non, voient surtout dans cette communauté de développeurs un moyen d’économiser sur leur budget de R&D En procédant ainsi, elles s’assurent une maintenance à moindre coût et assoient la pérennité de leurs produits. Ou elles suscitent un regain d’intérêt pour un logiciel en perte de vitesse.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Stéphanie Chaptal et Jean-Marie Portal