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Le caleçon du juge

De start-up en holdings, journal de bord d’un cadre de la nouvelle économie. Il se confie sous pseudo pour parler?” et parfois crier ?” plus librement…

Hommes politiques et businessmen s’inspireraient-ils des professionnelles de la rue Saint-Denis ? Comme elles, ils arpentent le “terrain”, ne jurant plus que stratégie de proximité et relation-client, tout en s’exhibant dans les nouveaux habits de la “transparence”, et en ne rêvant qu’à une chose : se refaire une virginité ! Vaste programme, dans lequel s’est lancé Roland, notre PDG, engageant dans notre boîte une campagne de moralité avec le geste ample et généreux du lanceur de boomerang.Première étape de l’opération “Mains Propres”: Roland, imitant la direction du CCF et d’une soixantaine d’entreprises françaises, engage un “déontologue” chargé de faire le ménage au Karcher. Après quelques tâtonnements du côté du Cercle européen des déontologues, émanation de l’édifiant Cercle d’éthique des affaires, il se rabat sur un juge en disponibilité ?” le must en la matière. Seconde étape : il charge ce clone d’Halphen d’instituer une charte monacale au sein de la boîte. Mais, quoi qu’en disent les Anglo-Saxons ?” dont la seule règle est d’imposer les leurs aux autres ?” on ne peut pas se battre à coups de Bible, et la pratique éthique du business ne rime qu’avec s’en prendre plein les fesses. Ce juge reçoit pourtant carte blanche du boss pour vitrifier tous les cadres dont les méthodes ne correspondent pas à ces fichues normes de probité exigées maintenant par le marché. Charlotte, notre DG, fidèle à sa philosophie (Ceux qui me font des fleurs sont des hypocrites, alors j’accepte les cadeaux mais je n’en fais pas ! ), imagine donc de me mettre sur le dos l’essentiel de ses fautes. Quant à moi, respectant à la lettre mon principe de base (rendre les gifles avant de les recevoir), je m’arrange pour commencer à faire courir certaines rumeurs aussi infondées qu’efficaces sur son compte. Comment ? En faisant appel à ceux qui n’ont pas réussi à coucher avec elle pour répandre mon fiel, ce qui, bien sûr, m’oblige à chercher longtemps pour réunir le quota nécessaire… Constatant l’équilibre de la terreur, elle et moi rangeons provisoirement nos armes, puis décidons de les braquer sur ce fouille-m… de juge en lui enfonçant la tête dans les toilettes ?” dixit Charlotte, qui pratique le parler populo, précisant : “Moi, je m’appelle pas Sarkozy, je suis pas maire de Neuilly !” Nous allons donc tous deux voir Eric, le juge-déontologue dont le bureau trône à côté de celui du boss, en acceptant finalement de lui donner tous nos dossiers. Auxquels nous avons joint, mine de rien, les notes de service où Roland nous pousse à des pratiques peu éthiques dans notre système d’e-vente à distance (comme d’ailleurs 20 % des sites épinglés par le Centre de surveillance du commerce électronique). Puis je laisse Charlotte en tête-à-tête avec Saint-Just et annonce au boss que son déontologue veut le voir. Quand Roland, furieux d’être ainsi “convoqué”, le trouve en caleçon, chevauchant une Charlotte qui crie “Au viol !” en maîtrisant son fou rire, il tique sévèrement. Et quand je lui explique, en montrant les notes directoriales fraîchement annotées de rouge, qu’Eric veut réformer le patron autant que les cadres, le chapitre “Déontologie” est définitivement clos, et le juge prié de regagner son HLM parisien et daller se faire cuire chez Chevènement. Éthique, et toc !

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La rédaction