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Jean-Louis Constanza (Tele2) : ‘ Nous ne commercialisons plus l’ADSL sur tout le territoire ‘

La filiale française de l’opérateur télécoms suédois compte dorénavant réserver ses offres ADSL aux zones dégroupées. Tele2 entend ainsi protester contre les tarifs pratiqués par France Télécom sur l’offre de revente IP/ADSL.

Tele2 a choisi de restreindre la vente de l’ADSL aux zones de dégroupage* et d’exclure la grande majorité du territoire où France Télécom est le fournisseur ADSL des FAI. Cette décision radicale intervient dans un contexte réglementaire
assez sulfureux.Les opérateurs alternatifs ne comprennent pas la prise de position de l’ART, qui ne souhaite pas, dans le cadre des nouvelles directives télécoms, réguler les tarifs de détail du haut-débit**. Le nouveau président de Tiscali France,
Diego Massidda, a écrit la semaine dernière au Président de la République
pour s’en inquiéter. Jean-Louis Constanza, directeur général France, dévoile aujourd’hui les mêmes inquiétudes.01net. : Vous arrêtez la commercialisation de vos offres ADSL en dehors des zones dégroupées. Quelles sont vos raisons ?Jean-Louis Constanza : Je précise que cela ne touche pas les anciens clients, que nous continuons à servir, mais uniquement les nouveaux clients. Pourquoi cette décision ? Dans les zones dégroupées, déjà, la
rentabilité des opérateurs s’avère extrêmement délicate. En dehors, c’est la catastrophe. L’offre IP/ADSL de gros est plus chère que l’offre de détail. Point final.En dehors du dégroupage, tout le monde, sauf France Télécom, vend à perte. Dans un contexte réglementaire qui n’est pas clair ?” l’ART dit qu’elle ne contrôlera pas les tarifs de détail de Wanadoo ?” nous disons que
nous ne pouvons plus continuer.Vous aviez annoncé cet été des tarifs différenciés entre zones dégroupées et non dégroupées, ce qui montre que vous avez malgré tout voulu être présents sur les deux tableaux. Exact. Mais nous n’avons pas voulu continuer à nous moquer des gens, en leur vendant 30 à 35 euros, ce que d’autres achètent 15 euros. Néanmoins, on ne s’interdit pas de revenir.Ne craignez-vous pas que cette décision passe mal auprès du grand public ? Tele2 a toujours voulu apparaître comme un acteur national…La priorité des priorités, c’est de servir les clients qui nous font confiance. Ceux-là, nous ne les lâcherons jamais. Mais on ne peut pas continuer à assurer un service où l’on perd beaucoup d’argent, alors que l’on vient d’abandonner
l’espoir que cela s’arrête.En effet, l’ART dit que tout va bien sur le haut-débit et qu’elle ne souhaite plus contrôler les tarifs de détail. Nous n’avons plus aucun espoir de servir ces régions correctement, jusqu’au jour où nous les dégrouperont nous-mêmes,
d’ici deux ans.Vous allez donc dégrouper par vous-mêmes, et ne plus simplement acheter à des opérateurs comme neuf telecom ?
Le discours de Tele2 sur la question du dégroupage a donc changé. Nous sommes dans une phase active de réflexion. Nous voulons compléter rapidement la signature d’une convention de dégroupage avec France Télécom. Tout cela est en effet nouveau pour nous. Si la décision est confirmée ?” je
laisse à mon actionnaire le soin de le faire ?” dans trois mois, nous aurons nos premiers clients dégroupés.Quel intérêt de dégrouper par vous-mêmes, plutôt que d’acheter ? De meilleurs coûts, une indépendance stratégique, et enfin des produits. Si on veut faire, par exemple, une offre de télé intelligente, de la convergence entre le mobile et l’ADSL, il faut dégrouper. Si on continue à acheter à un
prestataire, il est difficile de faire original.Mais le problème sera justement la progression du dégroupage, plutôt concentré pour le moment sur les zones urbaines.En dehors des zones immédiatement dégroupables, il y aura mutualisation entre les opérateurs nouveaux entrants au fur et à mesure. On finira par couvrir au moins 80 % de la population. Mais c’est un v?”u pour le moment, pas un
fait.L’ART explique sa décision de ne pas contrôler les tarifs de détail du haut-débit par le fait que le marché du haut-débit est assez concurrentiel en France…
Il y a un risque de se reposer sur les lauriers du dégroupage, avec une impulsion initiale qui a porté ses fruits. Dire qu’il y a assez de concurrence dans le haut-débit est totalement illusoire. 20 % des lignes ADSL sont certes
dégroupées, c’est merveilleux, mais ça veut dire que 80 % sont de la revente de France Télécom. Si ça n’est pas une position dominante sur le marché de gros, je ne sais pas ce que c’est.France Télécom gagne de l’argent sur tout ce business, aucun concurrent ne gagne de l’argent dans le dégroupage, ni n’en gagnera sur la revente de France Télécom. Le point de vue de l’ART m’échappe complètement. On a du mal à imaginer
que France Télécom ne soit pas considéré comme opérateur puissant alors qu’il a 50 % de parts de marché et qu’il a tous les avantages concurrentiels, qu’il asseoit sa position dominante sur les marchés de gros, qu’il possède des agences, une
image d’opérateur historique, une antériorité considérable, etc. Sans compter la réintégration de Wanadoo au sein de sa maison mère.Qu’espérez-vous encore par rapport à l’analyse des marchés que réalise actuellement l’ART ? Il est impossible que nos remarques ne soient pas prises en considération. Je ne comprendrais plus ce qui se passe dans cette industrie. De toute façon, rien n’est écrit pour l’éternité. Aujourd’hui, c’est un cadre qui est fixé. Les
décisions ne sont pas gravées dans le marbre.* Dans les zones non dégroupées, France Télécom est le seul à revendre de l’ADSL, à Wanadoo mais aussi aux opérateurs alternatifs. Dans les zones dégroupées, France Télécom est en concurrence avec d’autres fournisseurs, comme
neuf telecom, qui dégroupe pour son propre compte, ou revend des accès à d’autres opérateurs, comme Tele2.
** L’ART procède à l’analyse des marchés pertinents, dans le cadre de la mise en place des directives télécoms (‘ le paquet télécoms ‘). Elle transmet ses conclusions au Conseil de la concurrence.
Après que celui-ci aura transmis son avis sur chacun des marchés analysés, l’Autorité saisira la Commission européenne, qui dispose d’un droit de veto. L’ART prendra début 2005 les décisions fixant le périmètre des marchés régulés, l’opérateur
puissant sur ces marchés et les obligations qui lui incombent.

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Propos recueillis par Guillaume Deleurence