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Erreurs de prévisions : des conséquences en chaîne perturbatrices

Contrairement à une idée répandue, les erreurs de prévisions sont souvent très importantes. Ces prévisions sont pourtant nécessaires pour préparer l’avenir. Comment démêler l’affaire ?

Début 2004, le consensus des prévisionnistes concernant la croissance du marché des radiotéléphones était de moins de 10 % pour 2004. Elle aura finalement atteint 30 %. Pour les PC, le consensus était à 8 % ; la
croissance aura été de 13 %. L’électronique mondiale devait pour beaucoup croître de 6 % ; elle aura progressé de 11 % !Ces erreurs sont énormes. Et pourtant le marché du semiconducteur, lui, n’aura pas crû de 30 %, comme prévu, mais de 28 %. Pour un non-spécialiste, il y a du “non-sérieux” dans
l’air. Et pour ceux qui essayent de dégager des tendances pour 2005, cela oblige à tenir compte tout autant de convictions et d’indices de terrain relevant parfois du hasard de conversations que de données fournies par les prévisionnistes.Résultat : à leur tour, les nouvelles prévisions ne sont pas fiables. En début de cette année, les prévisionnistes étaient très pessimistes concernant la croissance 2005 pour les PC : on évoquait moins de 6 %. Or Intel
annonce depuis un mois une progression de ses ventes à deux chiffres pour cette année et Acer voit ses ventes de portables en augmentation de 25 %.Finalement, nous sommes sûrement partis pour une croissance comparable à celle de l’an passé. En début d’année, faute de visibilité sur le marché des radiotéléphones, la croissance de marché évoquée était de moins de 10 %, donc
inférieure à la “normale”, sans plus.

2005 sera finalement une bonne année

Mais depuis que l’on sait qu’elle a finalement atteint 30 % l’an passé, la prévision de Samsung, 6 % de progression cette année, devient plus crédible : les arbres ne montent pas jusqu’au ciel ; rien d’étonnant à ce
qu’il y ait encore quelques stocks à écouler dans ce domaine et que la croissance actuelle des semiconducteurs correspondants soit jugée un peu molle.Or, patatras, finalement la croissance aurait dépassé 10 % au 1er trimestre ! Tout cela n’est pas sans conséquences pour l’évolution de l’électronique mondiale, qui ne croîtra peut-être que de 8 % à 9 % cette année
au lieu des 11 % de l’an passé. Soit, pour les semiconducteurs, une croissance hors phénomènes de stocks et hors variations de prix de l’ordre de 12 % cette année.Mais justement, comment se comporteront ces stocks et ces prix ? Nos lecteurs réguliers savent qu’ils ne dépendent que de l’offre : dès que les capacités de production sont saturées à 90 % environ, les prix remontent et
les stocks se reconstituent. Ce qui devrait arriver durant les quatre derniers mois de cette année ; nous l’avons déjà évoqué dans ces colonnes. Mais le redressement n’aura pas l’intensité que nous laissions sous-entendre ces derniers mois
(sans la chiffrer).Certes, nos indicateurs avancés restent bons pour les fournisseurs : au premier trimestre, par exemple, les “temps de réponse à une commande” des fondeurs taïwanais étaient de 6 à 7
semaines ; ils sont maintenant de 8 à 9 semaines. Au premier trimestre, le taux d’occupation des usines de TSMC était de 80 % ; il va passer d’ici 2 à 3 mois à 90 % : rien que ça va conduire à un coup d’arrêt à
d’éventuelles chutes de prix, et nous n’avons pas à modifier notre titre du 7 avril : ‘ Acheteurs, plus que 5 mois de sommeil ‘ (sous-entendu jusqu’en septembre).Mais nous nous sommes “fait avoir” concernant les montants des investissements prévus pour cette année, donc sur l’arrivée d’une éventuelle pénurie que nous estimions jusqu’ici comme
possible pour la fin de l’année : cette inquiétude était basée sur le fait que les investissements annoncés par les fabricants de semiconducteurs pour 2005 étaient insuffisants pour pouvoir répondre à la demande.Or tous les majors de la profession ont dépensé bien plus que prévu lors du 1er trimestre : TSMC a alors englouti 47 % de son budget annuel, ST 38 %, AMD 35 %, SMIC 34 %, Infineon 34 %,
Intel 30 % et Samsung 30 % ! Pour l’instant, il n’y a pas de triche vis-à-vis de ce qui a été annoncé aux actionnaires pour l’année entière. Ces derniers accepteront de toute façon des dépassements de budget ultérieurs si la situation
s’emballe. Mais il y a un grand écart entre le pessimisme affiché par tous les fabricants de semiconducteurs et ce qu’ils font !Du coup, ces “surinvestissements” par rapport aux prévisions se traduiront au dernier trimestre par des capacités de production supplémentaires qui repousseront d’autant le spectre d’une
pénurie. Chers acheteurs, vous dormirez peut-être mal au dernier trimestre, mais vous dormirez tout de même !* Directeur de la rédaction d’ Electronique International HebdoProchaine chronique jeudi 30 juin

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Jean-Pierre Della Mussia*