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Albert Benhamou (Aruba Networks) : ‘ Le métier d’informaticien évolue dans le cadre socio-économique du pays ‘

S’adapter à tout prix, c’est une ardente obligation pour l’informaticien français. Albert Benhamou, dirigeant d’entreprise et spécialiste de la sécurisation du Wi-Fi, défend cette thèse.

01 Informatique : Comment voyez-vous évoluer le métier d’informaticien ?Albert Benhamou : Il faut d’abord tenir compte de l’évolution technologique. Ainsi, dans les années 70, il y avait tout à faire : la grosse informatique était concentrée dans les mains de quelques
constructeurs. Il a fallu mettre en ?”uvre, petit à petit, un processus de ‘ customisation ‘ des produits, c’est-à-dire en fait du ‘ travail à façon ‘,
pour que le client puisse s’y retrouver. D’où le développement des grandes SSII, des brokers, des leasers, etc. Le résultat est connu : à l’époque, il y avait du travail pour tout le monde. Maintenant, c’est terminé.D’où l’importance de la formation. Celle-ci vous paraît-elle bien adaptée en France ?Pas vraiment. L’informatique devrait être considérée au même titre que l’apprentissage de la lecture et du dessin, car elle entre dans la vie de tous les jours. De plus en plus de services sont proposés par le Web. Si le grand
public est inapte à utiliser ces outils dans les vingt ans à venir, il sera autant en danger de vie sociale ?” et d’emploi ?” qu’un analphabète dans les années 50.L’utilisation des outils informatiques à l’école est donc urgente…Oui. Il faut donner des cours spécifiques pour familiariser les élèves à l’utilisation de Word, d’Excel et de Powerpoint, pour ne citer que ces logiciels. Cet enseignement devrait commencer dès la sixième. Voire plus tôt : il y
a, en effet, un véritable problème, car certains foyers sont équipés d’ordinateur à la maison, d’autres pas. Pour les parents comme pour les enfants, en fonction des milieux sociaux et des exigences des professeurs, ces différences de situations
peuvent engendrer des tensions, des pressions difficiles à gérer. Il y a donc un chantier sur lequel il faut agir. Globalement, la France est très en retard dans ce domaine. Quant à l’enseignement supérieur, naturellement, il doit, lui aussi,
inclure l’étude d’outils avancés.Justement, que pensez-vous de la controverse autour des crédits alloués à la recherche ?La baisse ou la hausse des crédits de recherche n’a rien à voir avec l’innovation. Ce qu’il faut, c’est faire le ménage dans les différents types de recherche que la France paie. Et éliminer ce qui ne sert pas à grand-chose.
Regardez le niveau de dépenses consenti pour la recherche, par rapport aux résultats obtenus en termes d’innovations ou même de prix Nobel. Il y a une nette disproportion par rapport aux résultats et avancées obtenues. Il faut
‘ qualifier ‘ les secteurs sur lesquels la France peut se donner des moyens de gagner.Faut-il relancer pour ce faire la politique industrielle ?Encore une fois, c’est tout le système d’éducation qui est à revoir pour le long terme. Il ne s’agit pas d’imaginer un plan de ‘ pompier ‘ pour ‘ voler au
secours ‘
. Dans les années 1960-1970, la France avait une forte réussite en informatique, au point d’être considérée comme le premier pays européen pour ce qui était des compétences. Mais depuis vingt ans, elle est en train
de perdre la bataille.Certains feront remarquer que tout se décide à Bruxelles…Bruxelles n’a pas grand-chose à voir avec ce que la France doit faire pour elle-même.Passons aux phénomènes géographiques. Observe-t-on des mouvements notables parmi la population des informaticiens ?Oui, il y a un net déplacement vers la province. C’est vrai en Grande-Bretagne où, dans les trois dernières années, beaucoup d’informaticiens ont quitté Londres. D’une part, parce qu’ils ne pouvaient plus se loger, et d’autre part,
parce que les emplois y étaient devenus moins nombreux. Dans les télécoms, par exemple, c’est très net, même si c’est directement un effet de la crise. Cette aspiration à une meilleure qualité de vie se retrouve, aujourd’hui, en France, où beaucoup
de gens ?” et pas seulement des informaticiens ?” ont tendance à quitter la région parisienne pour partir en province.Allons plus loin, à l’étranger. On parle d’offshore, mais aussi d’entreprises qui ont commencé à ‘ rapatrier ‘ des informaticiens. Qu’en pensez-vous ?Pour le moment, les deux coexistent. Rien n’est complètement défini. Les mouvements vont dans tous les sens, cela dépend des entreprises, des circonstances, des situations. Dans certains cas, cela a du sens de faire de
l’offshore. Dans d’autres, pas. Mais l’idée générale est là : de toute façon, on ira vers plus de flexibilité, de ‘ versatilité ‘ dans l’informatique et dans les métiers
d’informaticiens.Alors, quel avenir pour l’informaticien français ?Développer toutes sortes de services à valeur ajoutée. Mais je dois dire que je suis un peu pessimiste. Car, pour moi, il est impossible de détacher le métier d’informaticien de l’évolution politique, économique et sociale dans son
ensemble. Et en France, il faudrait une mini-révolution de palais pour que les choses bougent.

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Pierre-Antoine Merlin