Passer au contenu

Ada, un drôle de cerveau artificiel

Avec six oreilles, neuf yeux et vingt et un doigts, Ada est une créature artificielle pilotée par ordinateur, capable de simuler les principales fonctions du cerveau humain. Rencontre.

Ada n’est pas un robot, ni un simple logiciel. Cette étrange créature se présente sous la forme d’une grande salle octogonale truffée de capteurs, de caméras et de micros dans laquelle le visiteur évolue en toute liberté. Ada dispose de différents organes qui la dotent de sens quasi humains : neuf caméras lui donnent la vue, six micros constituent l’audition, et 360 plaques lumineuses au sol forment une peau et lui permettent de suivre les déplacements des visiteurs. Et 21 projecteurs font office de doigts.

Guidés par des dalles

Si Ada peut ainsi voir, sentir et écouter, elle peut aussi répondre par des sons, de la lumière et des projections sur les murs. Par petits groupes, les visiteurs pénètrent dans la pièce. Ada dort, et il faut commencer par la réveiller. Le groupe frappe dans ses mains et crie à tout rompre. Bientôt, le vacarme est assourdissant.Ada émerge lentement et salue ses visiteurs par une petite séquence musicale. Voilà qu’elle “s’amuse” maintenant à allumer des dalles blanches, autant d’invitations pour les visiteurs. S’ils marchent sur celle qui est éclairée, aussitôt une autre apparaît et ainsi de suite. Après un petit parcours improvisé, Ada allume toutes les dalles situées autour du visiteur pour dessiner une fleur en couleur. “Ada ne fonctionne pas selon un schéma préétabli, mais en fonction de la situation”, souligne Paul Verschure, chef du projet mené depuis quatre ans par l’université et l’école polytechnique fédérale de Zurich.“Ada vit et interagit avec les visiteurs : elle est frustrée si les gens ne participent pas, et contente s’ils participent.” Le jeu continue, et chacun tente d’attirer l’attention d’Ada. Les plus habiles vont même jusqu’à faire des cabrioles sur les dalles. Ada apprécie. Elle braque l’un de ses doigts-projecteurs et pointe ses caméras sur ses visiteurs préférés. C’est au tour de la machine de se laisser guider : à chaque pas sur une nouvelle dalle, le projecteur avance automatiquement pour suivre le mouvement et accompagne le visiteur.Ada lance ensuite un jeu aux règles inédites : pour marquer, il faut simplement marcher sur une dalle blanche qui parcourt la pièce à toute vitesse. Le groupe s’en donne à c?”ur joie, et le rythme s’emballe. Les chercheurs se souviennent encore d’un visiteur, particulièrement excité, qui n’a pas hésité à se jeter à plat ventre sur le “ballon” pour l’attraper avant d’effectuer un tour d’honneur en signe de victoire…Encore quelques minutes endiablées, et Ada remercie ses visiteurs en leur désignant la sortie. Ils paraissent conquis. “C’est très amusant, on a envie de rester plus longtemps pour continuer à communiquer avec elle”, commente Christelle, 29 ans, bibliothécaire à Genève.Dans les coulisses de cette intelligence artificielle, dans une pièce exiguë, une petite équipe de chercheurs en biologie, en physique, en mathématiques et en informatique, qui se relaient auprès d’Ada. Ils veillent sur le bon fonctionnement des 24 ordinateurs et du réseau qui animent son cerveau.

Interaction entre cerveaux

Chaque PC est chargé d’une tâche précise : l’un gère et analyse les caméras, un autre les projecteurs ou les plaques sensibles du sol, la “peau” d’Ada, etc. Tous sont reliés à un PC central équipé d’un simulateur neuronal qui réagit aux sollicitations, prend des décisions et donne des ordres à chacun des ordinateurs, comme le ferait un cerveau humain commandant les bras ou les yeux.Et comme l’être humain, Ada apprend en fonction de son expérience. Elle peut mémoriser un événement et réutiliser plus tard son souvenir pour reconnaître un visiteur déjà venu s’amuser avec elle. “D’un côté, nous avons utilisé nos connaissances sur le cerveau humain pour réaliser cette simulation, et, de l’autre, nous utilisons Ada pour faire avancer nos recherches sur le cerveau en réalisant des expériences sur un système artificiel et en comparant les résultats avec les données de la nature”, explique Paul Verschure.D’ici une trentaine d’années, ces connaissances pourraient aussi être utilisées dans le développement de technologies destinées à améliorer les échanges entre humain et machine. Le chef du projet Ada se montre très enthousiaste : “Ces nouvelles technologies seront comparables à la révolution industrielle !”

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Didier Forray