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La pêche à la puce

Bourré d’informatique et d’électronique, l’Océan des tempêtes sillonne l’Atlantique à la poursuite des thons en été, des sardines et des maquereaux en hiver. Tour du propriétaire de ce petit bijou de technologie avec Nicolas Pénisson, son jeune capitaine.

Quand les grands-pères de Nicolas Pénisson partaient pêcher, ils emportaient une carte et une boussole. S’ils voyaient la passerelle de l’Océan des tempêtes, le bateau de leur petit-fils, ils en tomberaient à la renverse ! Nicolas fait face à une dizaine d’écrans, de nombreuses manettes de contrôle et un clavier d’ordinateur qui lui sert à piloter les logiciels. Ce senneur est une adaptation de bateaux qu’on ne trouvait jusque-là qu’en Méditerranée. ‘ La senne, c’est une technique qui s’apparente plus à une chasse pour trouver le poisson, contrairement à la pêche au chalut où on ramasse tout ‘ , explique Nicolas. A 25 ans, il est l’un des plus jeunes capitaines de pêche français, et il a décidé de mettre tous les outils de la technologie de son côté.

Repérer le poisson

Pièces maîtresses de cet arsenal, le sonar et le sondeur récupèrent des données stratégiques transmises sur deux des écrans que surveille en permanence le capitaine. ‘ Avec sa sonde qui plonge à 1,40 m sous le bateau, le sonar repère un banc de thons de 20 tonnes à 5 kilomètres. Au son émis, on sait de quel type de poisson il s’agit et si le banc s’éloigne ou s’approche ‘ , explique Nicolas. Quant au sondeur, il indique la profondeur de l’eau, la nature du fond et l’historique de la température sous la mer. Autant de renseignements utiles à celui qui sait les interpréter : les soles, par exemple, privilégient les fonds sableux et tous les poissons aiment les zones où se mêlent eaux chaudes et froides.Sur un autre écran s’affichent les données du radar à oiseaux. Il détecte les attroupements d’oiseaux indiquant qu’il y a du poisson, mais aussi les bois flottants qu’affectionnent les poissons car ils y trouvent à manger. Un matelot surveille régulièrement l’horizon avec ses jumelles pour compléter ces informations.Autre écran au tableau de bord, le courantomètre qui donne la vitesse du courant à la surface et à différentes profondeurs. Grâce à cet indicateur, il est désormais possible de savoir si jeter le filet vaut bien la peine. ‘ En analysant la vitesse du bateau et la vitesse du courant à la profondeur où se trouve le poisson, je sais si je risque de casser mon filet ‘ , raconte Nicolas.

La pêche assistée par ordinateur

Après avoir repéré le poisson, vient effectivement la décision de jeter le filet. Là encore, un logiciel épaule le pêcheur moderne. ‘ On trace un plan de pêche dans le logiciel qui garde en mémoire les routes déjà empruntées, les endroits où on a mis le filet, les endroits où la pêche a été bonne ‘ , s’enthousiasme le jeune capitaine. Dans ce logiciel, véritable mémoire vivante de son travail, il peut noter les écueils, les endroits prometteurs à explorer lors d’une prochaine sortie ou les zones à éviter. Grâce à la visualisation en 2D/3D des fonds marins, il devient possible de jeter le filet dans un espace très réduit alors qu’on n’en aurait pas pris le risque sans ces informations.La pêche assistée par ordinateur présente donc deux intérêts principaux : on se dirige droit vers les zones propices et on limite la casse du filet et du bateau. Quand il a équipé son senneur, Nicolas Pénisson a opté pour le logiciel de pêche professionnelle MaxSea de la société Informatique & Mer. Entre logiciels et matériels, il estime que l’informatique et l’électronique représentent 20 % du coût de son bateau. ‘ Je compte rentabiliser mon équipement en un an environ. Pour pêcher 70 tonnes de poisson, la capacité maximale du bateau, il nous faut une semaine de moins grâce à tous ces outils. J’ai pu aussi économiser 25 % sur ma facture de gazoil en analysant ma consommation ‘ , estime-t-il.

Sécurité renforcée

La pêche reste un métier dangereux, mais les familles des 11 membres de l’équipage peuvent se rassurer. Outre les quatre caméras de surveillance, les messages de positionnement envoyés automatiquement toutes les deux heures par satellite et les systèmes d’alerte en cas d’ennui, la technologie permet d’éviter les accidents. Ainsi, un radar de route couplé à un compas satellitaire permet de calculer le cap très précisément. Sur un autre écran, s’affiche une carte géo-référencée qui montre, entre autres, les roches immergées. ‘ Quand les gars sont de quart, je leur trace une route et on se met en pilote automatique. Une alerte sonne si on dévie de cette route ou si un autre bateau se présente ‘ , explique Nicolas.La communication avec la terre s’est également améliorée, bien au-delà de la simple VHF. Dans un coin de la passerelle, un ordinateur dédié sert à récupérer la météo et à envoyer des courriels. Pour la météo, le PC équipé d’un système GPS se connecte à une base de données sur laquelle le capitaine récupère les informations qui l’intéressent : vent, pression atmosphérique ou température de l’eau à la surface, toutes données indiquant les zones propices. La connexion est aussi utilisée pour le suivi mécanique du bateau ou pour connaître les cours sur les différentes criées de la côte. Nicolas peut ainsi décider d’aller vendre sa pêche au plus offrant. En rentrant au port, le capitaine récupère sur une clé USB toutes les données sur la sortie, histoire de les étudier à la maison et de mieux préparer la prochaine pêche. Sûr que ses aïeux n’en croiraient pas leurs yeux. Une mine d’informations incroyable stockée sur un gadget de la taille… dun briquet !

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Isabelle Boucq