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Un tube digestif nommé Cisco

L’entreprise a absorbé pas moins de 58 sociétés en sept ans. Cette boulimie n’empêche pas le constructeur d’afficher une santé de fer. Par Jean-Pierre Soulès

Cisco est devenu, fin mars, la première capitalisation boursière mondiale (environ 550 milliards de dollars). En outre, sa fringale se creuse avec le temps: en 1994, il a englouti trois sociétés, en 1999, il en a avalé dix-huit, et déjà neuf depuis le début de l’année.Généralement, c’est vrai, ce sont de petites entreprises. Plus faciles à digérer. Car ce régime ne vise pas à lui faire prendre du poids, en termes de chiffre d’affaires, mais à le gorger de vitamines. Par vitamines, entendez: technologies.En effet, Cisco veut devenir le Microsoft des réseaux et des télécoms. Pour prétendre à ce titre et s’asseoir à la table des Lucent, Nortel ou Alcatel, qui offrent une panoplie complète de produits et de solutions, quelques vitamines ne sont pas de trop lorsque, au départ, on n’est que fabricant de routeurs.En somme, il s’agit de passer de l’état de petit restaurant avec menu unique à celui de grande table à la carte bien garnie. Faute de temps, le constructeur ne peut se mitonner de nouveaux plats sur ses propres fourneaux. Alors, il achète les recettes technologiques là où elles se trouvent: dans des start-up essentiellement. Ce qui n’empêche pas l’ogre de s’offrir quand même quelques gros morceaux, comme Stratacom, en 1996, et toute une division de Pirelli, fin 1999. Lorsque l’on sait combien ces absorptions sont aléatoires ?”souvenons-nous du désastre Wellfleet-Synoptics et du gâchis Compaq-Digital?”, on reste confondu. Car, chez Cisco, apparemment, tout se passe bien.

Cisco détient aujourd’hui 80% des routeurs de la Toile

Le plus étonnant est que la voracité de l’entreprise n’inquiète pas outre mesure la Bourse, pourtant souvent fort frileuse. Il y a un an, à la même époque, Cisco (12 milliards de dollars de chiffre d’affaires) franchissait la barre des 200 milliards de dollars en capitalisation boursière, et passait devant IBM, le numéro un mondial de l’informatique. Aujourd’hui, il a plus que doublé sa valeur et pèse davantage que Microsoft.De quelle potion magique Cisco dispose-t-il pour se goinfrer à ce point sans connaître le plus petit embarras gastrique? Cisco est porté par Internet, c’est certain: il en est l’un des pionniers et détient aujourd’hui 80% des routeurs de la Toile.Mais le principal atout du constructeur réside moins dans la qualité de ses ingénieurs que dans celle de son management. Et, énorme cerise sur le gâteau, à la différence des autres vedettes du cyberespace, comme Amazon, qui noffrent pour le moment à leurs actionnaires que des promesses, Cisco, rapporte aux siens de copieux dividendes chaque trimestre.Prochaine chronique vendredi 28 avril 2000

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Jean-Pierre Soulès, grand reporter