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Un Prism à la française dans les sous-sols de la DGSE

Etalé sur trois niveaux, un datacenter secret situé boulevard Mortier récolterait les métadonnées de la totalité des communications en France : e-mails, téléphones, Web, SMS, etc. Le tout de manière clandestine.

Alors que les gouvernements européens se montrent outrés face aux révélations sur le système américain de cybersurveillance Prism, le journal Le Monde  a révélé, dans son édition du 5 juillet, l’existence en France d’un programme d’espionnage similaire piloté par les services secrets de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Avec néanmoins deux différences de taille. D’une part, la collecte des données est nettement moins importante, car seules les données de connexion des communications sont interceptées et stockées (date, émetteur, destinataire, etc.), alors que la NSA américaine enregistre également les contenus des communications.

D’autre part, l’utilisation de cette infrastructure se fait dans la clandestinité, à la lisière du droit et sans véritable structure de contrôle. « Aux Etats-Unis, Prism a été validé par des commissions de renseignement au sein du parlement américain, alors qu’en France l’utilisation des moyens de la DGSE n’est absolument pas encadrée par la loi française », explique Jacques Follorou, journaliste au Monde, dans une vidéo.

Stations d’écoute et satellites-espions

Techniquement, comment fonctionne ce « Prism à la française » ? Selon le quotidien, l’infrastructure de la DGSE espionne la totalité des communications en France : e-mails, SMS, téléphones, accès Facebook, Twitter, etc. Seules les métadonnées sont enregistrées, puis stockées pendant des années. Les communications entre les Français et l’étranger sont également espionnées. L’interception se fait, selon Le Monde, grâce à une petite vingtaine de stations d’écoute réparties sur le territoire, grâce aux satellites-espions et par l’accès aux câbles optiques sous-marins. Au total, plusieurs milliards de milliards de données seraient ainsi récupérées.

Pour leur stockage, la DGSE s’appuie sur un datacenter situé boulevard Mortier, dans les sous-sols du siège de la DGSE. Les serveurs s’étaleraient sur trois niveaux. L’infrastructure informatique s’appuierait, en particulier, sur un supercalculateur à base de circuits logiques programmables (FPGA), « capable de gérer des dizaines de pétaoctets de données », selon Le Monde. Il s’agirait du « plus gros centre informatique d’Europe après les Anglais », d’après les propos de Bernard Barbier, directeur technique de la DGSE, en 2010.  

La vie des gens passée au peigne fin

En ne collectant « que » les métadonnées, le système de la DGSE reste néanmoins d’une efficacité diabolique. Il permet de récupérer une tonne d’informations sur la vie des gens, par l’analyse de leurs graphes d’amis et de connaissances : qui communique avec qui, à quel moment, depuis quel endroit, à quelle fréquence, par quel canal, etc. Ce qui est extrêmement précieux quand on veut espionner un gang mafieux, un réseau terroriste ou… les relations d’affaires d’un grand patron. Six autres services de renseignement français puiseraient quotidiennement dans cette énorme base de données : DCRI (renseignement intérieur), DNRED (douanes), DPSD (sécurité défense), DRM (renseignement militaire), Tracfin (fraude et blanchiment d’argent), service de renseignement de la préfecture de Police.

Côté gouvernement, l’existence de cette infrastructure a été niée en bloc. « Les services du Premier ministre, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) ou la délégation parlementaire au renseignement contestent tous les conclusions de l’enquête », a précisé Le Monde.

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Gilbert Kallenborn