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UMTS, dégroupage, BLR : le gouvernement sous pression

Attribution des licences de mobiles UMTS, dégroupage et choix des lauréats pour la boucle locale radio… les dossiers s’accumulent. Et, le gouvernement semble avoir du mal à se positionner.

Le gouvernement ne devrait pas tarder à siffler la fin de la récréation dans le domaine des télécommunications. Après des mois d’atermoiements et à la veille de l’accession de la France à la présidence de l’Union européenne, la situation passablement confuse de ces dernières semaines méritait d’être clarifiée. Deux dossiers, le dégroupage et le mode d’attribution des licences UMTS (Universal mobile telecommunications system), résument bien la ‘ valse-hésitation ‘ des mois passés. Un contexte d’autant plus délicat que les pouvoirs publics doivent prochainement attribuer deux licences nationales de boucle locale radio, pour lesquelles postulent… huit candidats. Bien que longtemps hostile au dégroupage, le gouvernement – qui avait fini par lever son veto en septembre 1999 – semblait pourtant s’être fait une raison.

Le dégroupage sera incontournable

L’affaire paraissait d’ailleurs entendue depuis qu’un amendement en ce sens avait été déposé devant le Parlement, à la fin du mois d’avril. Mais, ce texte a finalement été retiré au dernier moment, face à la pression des parlementaires communistes. Cette volte-face pourrait avoir l’air anodine si elle ne traduisait pas d’ultimes tergiversations sur l’art et la manière d’organiser la concurrence dans la boucle locale, notamment dans la perspective de l’accès à Internet. Certes, le dégroupage s’imposera d’une façon ou d’une autre, vraisemblablement par voie réglementaire, même si les plus optimistes n’excluent pas que la question reviendra rapidement devant le Parlement. Tout cela fait cependant un peu désordre, à l’heure où justement la commission de Bruxelles vient d’adopter une recommandation invitant les Etats membres à l’instaurer d’ici à la fin de l’année.
Mais le gros morceau à digérer pour le gouvernement est bien l’UMTS ou, plus précisément, le mode d’attribution des licences aux opérateurs. Initialement hostile à une éventuelle mise aux enchères des fréquences, le gouvernement français, fort des enseignements de l’expérience britannique, semble maintenant opérer un virage à 180 degrés.

Le Trésor se prend tout à coup à rêver de l’UMTS

Drôle de revirement d’ailleurs, puisque après avoir lui-même lancé le débat en octobre dernier, le secrétariat d’Etat à l’Industrie, en totale harmonie avec l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), renonçait finalement aux enchères, au bénéfice d’une procédure dite de soumission comparative, autrement appelée ‘ concours de beauté ‘.
Six mois plus tard, et à la suite de l’expérience britannique où les enchères ont atteint des niveaux records, la perplexité du gouvernement est à son comble. Pour Laurent Fabius, nouveau ministre de l’Economie et des Finances, la cause est entendue : pas question de se priver d’une cagnotte potentielle de… 100, 150, voire 200 milliards de francs, pour quatre licences ! Empêtrés dans leur logique de non-recours aux enchères, les pouvoirs publics ne savent plus trop comment s’en sortir. Quant aux opérateurs, leur seule certitude est que même s’ils échappent à des enchères formelles, il faudra bien, d’une manière ou d’une autre, passer à la caisse. Et, l’addition, que l’on parle d’enchères, de redevance ou de droit d’entrée, promet d’être ‘ salée ‘. Témoin Florence Parly, secrétaire d’Etat au Budget, pour qui le gouvernement va effectivement ‘ faire en sorte que ce système rapporte le plus d’argent possible au Budget ‘. On ne saurait être plus clair.

L’ART, pour une solution raisonnable

Inversement, l’ART continue de militer pour un système de soumission comparative comportant un ‘ ticket d’entrée ‘ couplé à un mécanisme de redevance. Son objectif implicite est d’éviter qu’une mise aux enchères n’écarte les opérateurs aux moyens financièrement limités, à commencer par Bouygues Telecom (ce qui, soit en dit en passant, ne manquera pas de poser la question du contrôle de Martin Bouygues sur son groupe) et, dans une moindre mesure, SFR. ‘ La principale caractéristique d’un système d’enchères est qu’il n’est pas contrôlable ‘, avertit Jean-Michel Hubert, président de l’ART, qui plaide pour une solution ‘ raisonnable ‘. Dans une hypothèse médiane, cela situerait le coût d’une licence UMTS (droit d’entrée et redevance) aux alentours d’une trentaine de milliards de francs, à amortir sur quinze ans.

Tele2, la bête noire de Cegetel

Outre l’UMTS, l’ART se retrouve également en première ligne sur le dossier de la boucle locale radio (BLR), dont les lauréats devraient être connus à la fin de l’été. Encore un sujet délicat où le régulateur risque de ne pas se faire que des amis… En attestent les licences nationales, où huit candidats s’affrontent (9 Telecom, Cegetel, FirstMark, Fortel, Siris, Skyline, Tele2 et Winstar) pour seulement deux places.
Au-delà des critères formels d’attribution (développement du marché, montant des investissements et contribution à l’aménagement du territoire), l’Autorité sera implicitement conduite à prendre en compte des éléments comme le profil des opérateurs (généraliste ou spécialiste de la boucle locale radio) ou la faculté de les ‘ repêcher ‘ par le biais des licences régionales. Bien que l’ART estime qu’elle n’a pas à en tenir compte, ce dernier point se révèle décisif pour ceux – 9 Telecom, Cegetel et Tele2 – qui ne sont candidats qu’à des licences nationales. L’un de ces trois opérateurs est nécessairement déjà certain d’être bredouille. Cette situation inquiète tout particulièrement Cegetel et Tele2, qui s’efforçaient ces dernières semaines de se neutraliser mutuellement, conscients qu’ils pourraient se retrouver en concurrence pour la première licence, tandis que la seconde reviendrait plutôt à un spécialiste de la boucle locale radio, FirstMark ou Winstar. Un canevas qui laisse néanmoins la porte ouverte à d’autres combinaisons…

Le CSA va à son tour entrer dans la danse

La seule certitude aujourd’hui est que l’attribution des licences BLR se fera exclusivement sur dossier. Pas question ici de recourir aux enchères, même si l’on peut évaluer à quelque 2,5 milliards de francs la somme qu’il aurait fallu mettre sur la table pour décrocher une licence nationale. Ce dernier cas de figure aurait également eu pour avantage de mettre l’ART à l’abri des critiques, si un lauréat s’avisait, quelques mois plus tard, de se faire racheter, en encaissant au passage une forte plus-value. L’Autorité a, en effet, déjà été confrontée à une telle situation lorsque GTS avait jeté son dévolu sur Omnicom. Cela ne semble guère avoir servi de leçon aux pouvoirs publics.
Faire payer les fréquences, comme pour l’UMTS, ou procéder à une simple soumission comparative, comme pour la boucle locale radio, il sera intéressant de voir comment le gouvernement réussira à ‘ se dépatouiller ‘ l’an prochain du dossier du numérique terrestre hertzien. En 2001, en effet, ce n’est pas moins de six multiplex comportant chacun entre quatre et six canaux que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devrait attribuer. Sachant qu’au-delà des programmes télévisés, le numérique terrestre offrira également des services similaires à l’UMTS, notamment en matière d’accès à Internet, le spectre des enchères risque d’occuper encore longtemps les esprits…

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Henri Bessières