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Qui sont les massacreurs de TMT ?

Vivendi Universal, France Telecom et Alcatel poursuivent leur descente aux enfers. Quatre familles économiques sont à l’origine du massacre à l’?”uvre dans les technologies, médias et télécoms.

1- Les “hedge funds”

Un effet de levier qui accroît la volatilité

Depuis leur création, il y a 10 ans, on estime que les hedge funds ?” littéralement, fonds de couverture ?” affichent une performance moyenne de 15 % l’an. Il n’est donc pas étonnant qu’ils soient régulièrement montrés du doigt par les pdg de France Telecom, Vivendi Universal ou encore Alcatel. En fait, ces fonds d’investissement reposent sur un principe fort simple, et très ancien, qui est celui de la vente à découvert. Les gérants de ces fonds spéculatifs empruntent à une institution financière, moyennant rémunération, des actions d’une société cotée en Bourse pour les vendre immédiatement sur le marché dans l’espoir de les racheter, à terme, à un moindre prix et de les restituer au prêteur initial. La force des hedge funds, c’est qu’ils ne sont soumis à aucune réglementation. Ils peuvent emprunter massivement du cash pour acheter des actions. On estime que ces fonds spéculatifs ont été multipliés par deux en deux ans pour atteindre actuellement le nombre de 6 000, avec à leur disposition quelque 600 milliards de dollars (610,6 milliards d’euros). Et, grâce au recours à l’emprunt, leur force de frappe peut être multipliée par cinq ! “Si l’on ajoute à cela qu’il n’est pas rare que des gérants de “hedge funds” se mettent d’accord entre eux, on comprend pourquoi beaucoup de “traders” classiques, qui achètent et vendent cash, tiennent comptent de l’avis des gérants de “hedge funds” avant de prendre une décision”, explique un analyste spécialisé dans les valeurs télécoms.

2- Les fonds indiciels

Un mécanisme amplificateur de baisse

Née dans les années 1970, la gestion indicielle repose sur le constat statistique qu’à long terme, il est très difficile pour un gestionnaire de portefeuille de réaliser une performance supérieure à celle de son indice de référence. Ainsi, sur une période de 15 ans, il est prouvé que le gérant d’un portefeuille de gestion français n’a qu’une chance sur quinze de réaliser une performance supérieure à celle du CAC 40. D’où l’idée de constituer des fonds d’investissement qui répliquent tout simplement un indice de référence. Par exemple, le Dow Jones aux États-Unis ou, en France, le CAC 40. C’est l’ordinateur qui ajuste mécaniquement la structure du portefeuille à celle de l’indice. Mais, si un indice est un panier d’actions, toutes les actions n’ont pas le même poids dans l’indice. Chacune est pondérée par la capitalisation boursière (nombre de titres multiplié par le cours). Ainsi, récemment, Total Fina Elf représentait 14,76 % de la capitalisation boursière globale du CAC 40 contre 2,8 % pour Vivendi, et 0,45 % pour Orange. Plus le cours d’une action progresse, et plus son poids dans d’indice augmente. Inversement, plus son cours chute et plus son poids relatif baisse. Ainsi, les valeurs TMT ne pèsent aujourd’hui que 13 % du CAC 40 contre 39,7 % en mars 2000. Comme toute baisse (ou hausse) d’une valeur oblige le gestionnaire à vendre (ou à acheter) son titre pour coller à la structure de l’indice, les fonds indiciels ont un effet multiplicateur, à la hausse comme à la baisse.

3- Les agences de notation

Les nouveaux gourous du marché

Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch sont les nouvelles bêtes noires des entreprises cotées.“Hier, on redoutait le verdict de Morgan Stanley ou de Merrill Lynch sur les perspectives de croissance ; aujourd’hui ce sont les agences de notation qui font la loi”, constate un directeur financier soucieux de ne pas affronter ouvertement ces nouveaux totems. Hier, les analystes financiers faisaient la loi en annonçant des objectifs de cours et de bénéfice par action. Aujourd’hui, l’obsession des marchés financiers est le ratio d’endettement. C’est précisément le métier des agences de notation qui, jusqu’ici, ont bâti leur fonds de commerce sur l’évaluation de la dette des pays du tiers-monde. Tout avertissement d’une des trois agences de notation peut avoir des effets désastreux sur un cours en Bourse. Ainsi, le 24 juin, l’agence Moody’s a dégradé la note de France Telecom pour son endettement à court et moyen terme. Mécaniquement, le cours a chuté de 16 % en une séance. Dans le sillage de Moody’s, Standard & Poor’s a dégradé brutalement la note de l’opérateur tricolore ?” dont l’État est pourtant actionnaire à 51 % ?” en arguant que sa dette pourrait atteindre 75 milliards d’euros fin 2002. Un pouvoir peut-être exorbitant. D’abord, les agences de notation ne sont soumises à aucune autorité de tutelle. Flairant la critique, Moody’s a annoncé “le renforcement de son équipe d’analystes financiers afin de mieux appréhender les perspectives des sociétés”. Puis, ces agences notent des clients. “Cela n’entraîne pas de conflit d’intérêt, assure Bernard De Lattre, président de l’agence Fitch, car notre seul actif, c’est notre crédibilité.” Une qualité sans doute ébranlée par l’affaire Enron.

4- Les analystes financiers

Retour sanglant à la réalité

Outre-Atlantique, c’est le concept de “muraille de Chine” qui a déclenché la vague de critique sur les analystes financiers. Il leur est reproché d’être à la fois juge et partie. Ils recommanderaient des actions à l’achat en suivant les ordres de leur direction, qui par ailleurs sont partie prenante de la stratégie desdites entreprises. En France, la division du travail semble plus stricte. Mais force est de constater que les analystes financiers qui suivent le secteur des valeurs TMT ont raté le coche de la fin du siècle. Certes, l’analyse financière n’est pas, et ne sera jamais, une science exacte. Mais, de là à valoriser des entreprises de la nouvelle économie d’après les critères d’évaluation appliqués à une entreprise comme Lafarge ou Air liquide, il y a de la marge ! Issus des écoles de commerce de la génération 1980, les analystes financiers se sont fait vendre naïvement des perspectives de bénéfices aussi alléchantes qu’improbables. Aujourd’hui, c’est le retour de balancier. “Ils deviennent de plus en plus exigeants, et nous bombardent de questions auxquelles on ne peut pas répondre dans les 48 heures”, regrette Antoine Medawar, président et fondateur d’Optims, entreprise cotée au Nouveau Marché et spécialisée dans les logiciels d’aide à la décision dans le secteur de l’hôtellerie. Sur la feuille de route d’un analyste financier, figurent désormais les conseils suivants : méfiez-vous des immobilisations incorporelles trop élevées ! Méfiez-vous des objectifs de rentabilité trop élevés, surtout à la suite d’une acquisition ! Méfiez-vous du montant de l’Ebitda (excédent brut d’exploitation), car il faut le comparer au montant des frais financiers ! Méfiez-vous… des TMT ?

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Jean-Pierre Savalle