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Plus tendus, les rapports entre entreprises et SSII gagnent en efficacité

Les rapports entre sociétés de services et entreprises deviennent plus difficiles. Mais, devant l’exigence accrue des utilisateurs, les prestations s’améliorent.

Notre objectif est de réduire notre panel de prestataires. D’une centaine il y a un an, ils ne sont plus qu’une dizaine aujourd’hui. Cela me permet d’être en contact avec des interlocuteurs identifiés, avec lesquels j’ai un engagement de qualité.”Jean-Pierre Corniou, directeur informatique de Renault et président du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises), n’est pas le seul à initier ce type de démarche. L’Unedic, ou encore EDF, adoptent la même attitude. Tous ont pour but de nouer, avec les sociétés de services, de nouvelles relations, plus fiables et qui s’inscrivent dans la durée.Sans être foncièrement neuve, cette préoccupation devient d’autant plus forte que l’environnement dans lequel s’inscrivent les rapports entre directions informatiques et SSII est en mutation. Certains facteurs, plutôt récents, contribuent en effet à dégrader ces liens. Mais d’autres seraient susceptibles de les améliorer. Tour d’horizon de cette nouvelle conjoncture.

Trois ans sous influence de la Bourse

La première des sources de conflit réside dans l’influence grandissante de la Bourse sur la politique des SSII. Depuis trois ans, nombre de petites sociétés de services sont entrées sur le marché public. Elles suivent le chemin tracé dans les années 1990 par les plus grosses structures, qui, de leur côté, ont entamé une course à la “taille critique”. Ainsi, la recherche du profit n’a jamais été aussi poussée. Pour augmenter ventes et bénéfices, le cap est mis sur la rentabilité à court terme et sur la croissance externe. “Certaines SSII sont moins guidées par les besoins de leurs clients que par les exigences, sans cesse à la hausse, des actionnaires, explique Brigitte Declerk, associée chez KPMG Consulting. Une fois cotées en Bourse, ces sociétés sont tenues de communiquer leurs résultats financiers tous les trimestres. Cette logique à court terme engendre une pression sur les délais des commerciaux et des équipes techniques.”Les répercussions se font sentir sur les utilisateurs. “Chez Cap Gemini, par exemple, il est désormais difficile d’avoir un interlocuteur fidèle. Les commerciaux changent tout le temps de périmètre du fait de la croissance de la société”, dit François Devé, directeur informatique du Groupe CRI – caisse de retraite – et président de l’Association nationale des directeurs des systèmes d’information. La même remarque vaut pour Unilog, à propos duquel il observe : “Il n’y a plus de commercial qui suit notre évolution. C’est désormais à nous de prendre l’initiative, alors qu’auparavant un responsable de compte supervisait nos besoins”. Mais, pour les SSII, ces reproches ne sont pas fondés. “La Bourse n’a absolument pas changé nos pratiques. Les plans de stock options sont là pour motiver les salariés afin qu’ils travaillent mieux encore”, rétorque Jean-Louis Boivin, directeur général de la région Grand-Ouest chez Unilog.

Une évolution qui n’est pas sans risques pour la DI

Seconde source de dégradation des relations entre clients et prestataires : les SSII associent, de plus en plus souvent, dans leur démarche les directions générales ou les services opérationnels des utilisateurs. C’est une tendance logique à en juger par la place stratégique que l’informatique a prise au sein des entreprises. Gestion de la relation client, gestion électronique des achats, intranets… ces chantiers s’inscrivent, en effet, dans les axes de développement des sociétés.Seulement voilà: l’évolution n’est pas sans risques pour la direction informatique. “Ce contexte peut amener les SSII à la contourner, notamment pour des projets de mise en place de progiciels de gestion intégrés. Le phénomène s’est d’ailleurs accéléré après le passage à l’an 2000”, affirme François Devé. Les SSII adoptent ainsi la logique initiée par les grands cabinets de conseil, auxquels les grandes entreprises reprochent de“prendre le pouvoir en attaquant la direction générale et de faire valoir leur point de vue en court-circuitant les directions informatiques”, indique Patrick Dailhé, directeur informatique de l’Unedic et vice-président du Cigref. Dans les SSII, c’est à demi-mot que l’on reconna”t l’existence d’une telle dérive. Mais on se défend de l’avoir pratiquée. “L’année dernière, nous avons effectivement constaté que certaines directions générales cherchaient à travailler en toute autonomie. Mais nous revenons maintenant à une situation plus conforme, où la direction informatique est nécessairement associée au projet”, indique Jacques Tordjman, président de GFI. Même son de cloche chez Unilog, qui assure ne jamais contourner l’informatique. Et ce “même si les projets stratégiques nécessitent de rencontrer d’autres interlocuteurs que les informaticiens”.

Les chantiers de titan de l’an 2000 et de l’euro

Mais la tournure des relations entre les directions informatiques et les SSII n’est pas uniquement marquée par les conflits. D’autres phénomènes tendent, au contraire, à assainir ces rapports de sous-traitance. Au premier rang de ceux-ci, on trouve l’exigence accrue des utilisateurs dans la conception et la conduite de projet. Il en résulte qu’ils contrôlent mieux leurs prestataires et accusent un nombre moins grand d’échecs ou de retards. Certes, la chose n’est pas nouvelle. Mais elle s’est accélérée après les travaux titanesques engendrés par les passages à l’an 2000 et à l’euro. “Nous avons franchi un palier dans les impératifs liés aux dates, aux organisations des équipes et à la qualité”, souligne Michel Baudoin, président de l’Association pour le développement de l’informatique dans la région Centre. “Les entreprises du tertiaire ont désormais rattrapé le retard qui les séparait du secteur industriel.”Cette prise de conscience liée à l’industrialisation de l’informatique, la société Générale des Eaux l’a également vécue : “Les maîtrises d’?”uvre, réticentes à procéder à certains tests, sont maintenant convaincues de l’utilité de ces derniers”, souligne, par exemple, son directeur des systèmes d’information, Guy Lapassat. Les entreprises du tertiaire cherchent désormais à passer d’une informatique artisanale à des processus plus industrialisés, tels ceux mis en ?”uvre lors de ces gros chantiers. C’est en raison de ces nouvelles exigences que les grandes sociétés veulent réduire le nombre de prestataires et s’assurer, en retour, un niveau de qualité dans les prestations.Si les relations entre les fournisseurs et les utilisateurs connaissent une profonde évolution, la nature des services rendus tend, elle aussi, à se transformer. A l’instar de Guy Lapassat, certains directeurs informatiques cherchent désormais à mettre, en interne, l’accent sur le pilotage de besoins et l’intégration. Chefs de projet, intégrateurs et architectes sont autant de postes sur lesquels la Générale des Eaux compte miser “pour garder la mémoire de l’entreprise dans ses murs”. L’externalisation, quant à elle, portera sur les développements – surtout si ces derniers reposent sur de nouvelles technologies. “Il y a une multitude de couches techniques à gérer. Elles s’ajoutent plus qu’elles ne se suppriment. Et seuls les spécialistes sont à même de les concevoir”, analyse le DSI de la Générale des Eaux. C’est un point de vue que partage Groupama. “Nous souhaitons garder un volant de prestataires pour qu’ils puissent intervenir comme experts”, confirme Fabrice Fioux, directeur adjoint du GIE de la compagnie d’assurances.Au final, le nouvel environnement des entreprises et des sous-traitants rend leurs relations plus tendues. Même si les prestations semblent gagner en qualité.

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Vincent Berdot et Olivier Discazeaux