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Papy-boom : peu de DSI anticipent les départs à la retraite

Même si l’informatique n’est encore que partiellement concernée par l’accroissement des départs à la retraite, le transfert des compétences critiques s’annonce crucial. De rares entreprises s’en
préoccupent déjà.

Sujet tabou ? Évoquer les impacts du papy-boom sur la population informatique suscite des réactions contrastées. Une activité récente, qui brille par son jeunisme, ne peut avoir une pyramide des âges vieillissante. De fait, l’accroissement des départs à la retraite, attendu à partir de 2006, affectera de façon moindre l’informatique. Pour autant, le mouvement est déjà initié. L’Association pour l’emploi des cadres (Apec) a enregistré huit cent dix départs à la retraite chez les constructeurs et SSII en 2002, contre trois cent quatre-vingt en 2001.

Et du côté des directions informatiques, la situation s’annonce même délicate dans certains secteurs dont la moyenne d’âge est sensiblement plus élevée, comme la banque, l’assurance et la fonction publique. Ainsi, dans l’assurance, près de un informaticien sur deux aura 50 ans et plus en 2010. Ce vieillissement n’ira que croissant, avec un doublement du nombre de départs entre 2006 et 2014, selon l’Observatoire de l’évolution des métiers de l’assurance.

De trois à quatre ans pour assurer la relève des managers

Interrogées sur ce sujet du papy-boom, un grand nombre de direction des systèmes d’information (DSI) ont préféré botter en touche. Le faible vieillissement de leur pyramide des âges les mettrait, selon elles, à couvert ? du moins, à court terme. Politique de l’autruche ?

Au-delà de l’aspect quantitatif du phénomène, se posera, en effet, la question du renouvellement des compétences critiques. Sans surprise, les quinquagénaires occupent principalement des postes directoriaux (DSI, directeurs de service, etc.), managériaux (directeurs de projet?) ou d’expertise. Pour combler leur départ, les entreprises devront donc soit recruter des seniors dans l’urgence, soit prévoir dès à présent la relève par un plan de formation et de transmission des savoirs ad hoc.

La Société Générale a préféré anticiper le mouvement en recrutant 40 % de débutants ou de première expérience en 2001 et 60 % en 2002. Dans les cinq ans à venir, la banque sera malgré tout confrontée au départ de cinq à six postes à responsabilités, tels que celui de directeur de département. ” La gestion de leur remplacement se fera au cas par cas “, assure Maurice Kouby, directeur adjoint à la DSI banque de détail.

Chez Air France, les départs attendus ne porteront que sur 3 à 4 % de l’effectif actuel. Prévoyante, Françoise Mataillet, DRH de la DSI, a déjà identifié les profils rares et les postes clés. ” La relève des experts implique que le remplaçant occupe le poste trois ou quatre ans avant le départ du titulaire. Une mise en situation indispensable. “ Chaque départ fait également l’objet d’une réflexion sur la définition du poste. ” Le remplacement à l’identique n’est pas systématique. Le poste peut évoluer en fonction des évolutions technologiques ou de la situation du groupe. “

Même raisonnement au sein d’Aviva. ” Nous faisons évoluer nos compétences en même temps que nos systèmes d’information, en adaptant nos ressources et nos moyens aux nouvelles technologies. Il s’agit aussi de tendre vers un management de projet plus orienté ” livrable ” ? étude préalable, expression des besoins, cahier des charges, composants informatiques? “, explique Jean-Marc Voisard, responsable assistance maîtrise d’ouvrage à la DSI. Si, dans les prochaines années, l’assureur ne procédera qu’à des recrutements ponctuels sur des profils précis ? architecte, par exemple ?, il favorisera, en revanche, la mobilité interne.

En période de crise, un recrutement serait mal perçu

Avec un âge moyen de 44,2 ans et un nombre significatif de départs volontaires des 57 ans et plus en 2001 et 2002 (accord d’entreprise), la DSI de l’Unedic ne subira véritablement les effets du papy-boom qu’à un terme assez lointain (2008-2010). Une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est néanmoins mise en place.

” A l’aide d’une cartographie, nous ciblons les emplois futurs, que nous rapprochons des compétences actuelles, signale Patrick Dailhé, DSI. Cette projection nous aidera à déterminer un plan d’action : formation et recrutement sur les métiers émergents, externalisation des activités non appelées à être pérennisées? “ Dans le cadre du transfert de compétences, de nouvelles modalités de travail pourraient être envisagées pour les salariés plus âgés ? le temps partiel, par exemple.

Au Cigref, le groupe de travail ” ressources humaines ” planche sur le papy-boom depuis 2001, et les interrogations de ses membres se font de plus en plus fréquentes. ” Nous tenons un discours qui se veut ni alarmiste ? pas de pénurie à l’horizon ? ni myope ? il ne s’agit pas d’un faux problème “, résume Renaud Phelizon, chargé de mission.

Les DSI s’échangent leurs bonnes pratiques en matière de capitalisation des connaissances, de tutorat ou de motivation des quinquas. ” La conjoncture actuelle n’incite pas les DSI à dévoiler leur plan d’action. Une entreprise peut difficilement geler ses embauches, voire supprimer des postes, tout en communiquant sur la préparation au papy-boom. Ces signaux contraires seraient mal perçus en interne comme en externe. “

Faute de recrutements préventifs, des effets de rattrapage sont à prévoir en sortie de crise. Avec, pour corollaire, un risque de surchauffe sur le marché de l’emploi, à l’image de la période récente (1998-2000). ” Le gel complet des embauches est une erreur stratégique, lance Thibaut Gemignani, directeur général de Cadremploi.fr. C’est se couper des candidats comme le ferait un commerçant de ses clients en baissant six mois son rideau. Mieux vaut maintenir un filet homéopathique que de devoir appliquer un remède de cheval une fois la reprise revenue. “

” Anticiper est un luxe dans le contexte actuel, lui répond Jean-François Drouot L’Hermine, président de Syntec Recrutement. Les entreprises sont conscientes de l’impact fort que représente le papy-boom, sans prendre pour autant toutes les mesures qui s’imposent. “ Directeur associé chez CGE&Y France, François Jarry se veut, lui, plus confiant. ” Des réflexions sont actuellement menées. Le déclic devrait intervenir d’ici à la fin de l’année. “ Pressentant une demande accrue dans les outils d’analyse et de pilotage des ressources humaines de ty- pe cartographie, CGE&Y vient d’ailleurs de se rapprocher de l’éditeur Trivium.

Autre piste souvent évoquée : le recours croissant à l’externalisation, voire à la délocalisation en alternative au recrutement. Récemment interrogé par 01 Informatique, Jean-François Perret, directeur général de Pierre Audoin Consultants, anticipe l’effet bénéfique du papy-boom? du côté des prestataires. En Europe, ” de 10 à 15 % du personnel informatique des moyennes et grandes entreprises partiront à la retraite dans les cinq ans à venir. Seules un tiers ou un quart de ces personnes seront remplacées. Dans certains pays, cela pourrait générer une croissance de 2 à 3 % des services informatiques. “

En dépit de cette éventuelle poussée de l’externalisation, le papy-boom devrait, selon toute logique, créer un appel d’air bénéfique, dans lequel les jeunes diplômés, actuellement laissés pour compte du marché du travail, pourront s’engouffrer. Mais attendront-ils encore trois ou quatre ans ?

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Xavier Biseul