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L’industrie de la musique ne veut plus jouer la partition d’Apple

Au MidemNet à Cannes, les 21 et 22 janvier, la quête d’un modèle économique était à l’honneur. Et la volonté d’en finir avec la tarification unique façon iTunes Music Store.

L’an dernier, fin janvier, au MidemNet à Cannes,
l’industrie de la musique avait deux problèmes, la piraterie en peer to peer et iTunes Music Store, d’Apple, qui était en train de bouleverser la
distribution légale en ligne. Cette année, même époque, même endroit, l’industrie du disque a curieusement moins parlé de piraterie mais a toujours un problème avec Apple. Comment, en effet, bâtir un modèle économique viable quand le
constructeur a imposé dans les faits et dans les esprits, le tarif unique du morceau de musique à 99 cents (ou 99 centimes d’euro) ?C’est la question qui a traversé les deux jours de conférence, les 21 et 22 janvier, à l’auditorium Debussy du Palais des festivals. D’autant que la donne se complique : ‘ On pensait
que la filière musicale permettait simplement aux sociétés de l’informatique de s’enrichir. Maintenant, on trouve vraiment beaucoup d’acteurs ‘,
résume Emmanuel Legrand, directeur de la revue
Billboard au Royaume-Uni. Aux constructeurs de matériels et de logiciels et aux opérateurs de téléphonie, il faut ajouter les portails Internet (Yahoo!, Google, AOL), les plates-formes de téléchargement, les chaînes de
télévision (MTV Networks), les radios numériques, voire la restauration, avec Starbucks Entertainment.

Multiplier les modèles économiques

‘ Dans le monde traditionnel, il y avait une chaîne de valeur assez simple : les maisons de disques, les éditeurs de musique et puis la rue, les magasins. Là, on a une multiplication des modèles
économiques ‘,
ajoute Alison Wenham, présidente de l’organisme britannique Association of Independent Music (AIM). Et des intentions pas toujours destinées à mettre en valeur la musique.‘ Wal-Mart [qui a ouvert un site de téléchargement, NDLR] n’en a rien à faire de la musique, affirme Nicholas Firth, président de
BMG Publishing, maison d’édition. Ce qu’ils veulent, c’est attirer les gens dans leurs magasins. C’est ce qu’on voit aussi avec Apple. ‘ Le constructeur, rappelons-le, ayant lancé
iTunes Music Store surtout pour vendre des iPod. Le même genre de commentaires a fusé à propos des opérateurs mobiles (qui veulent surtout vendre des forfaits) ou des portails Internet (qui veulent surtout vendre des abonnements à leurs
services).Dans ce contexte, une première piste, déjà évoquée l’an dernier, a vite émergé : en finir avec la tarification unique à la mode iTunes. ‘ Même l’iPod est vendu à des prix différents,
note Eric Nicoli, président d’EMI Group. La seule justification du prix unique, c’est sa simplicité. ‘ Les arguments pour arriver à une politique tarifaire plus souple ne manquent pas. Par exemple, la
structure des coûts. Dans l’univers traditionnel du CD, les coûts physiques représentent un coût fixe de 95 %, rappelle encore Eric Nicoli, ce qui n’est pas le cas dans le numérique.Ensuite, pour beaucoup, il serait temps d’indexer ces prix sur le contenu proposé. D’abord parce qu’avec la généralisation de la distribution au titre, le consommateur se retrouve à payer au même prix un morceau de
dix minutes et un morceau d’une minute trente. Ou des titres déjà parus au même prix que des exclusivités.

‘ La valeur de l’artiste, c’est quelque chose de variable. ‘

Ce que fait, une fois encore, Apple, pour les chansons et maintenant pour la vente de vidéos musicales. Mais il est un autre argument plus délicat. ‘ Il faut essayer de reconnaître que le prix peut être dépendant
de l’artiste, du genre, de la période de vente,
estime Jean-François Cecillion, président d’EMI Europe. La valeur de l’artiste, c’est quelque chose de variable. ‘En revanche, une seule voix s’est élevée pour défendre un autre modèle, bien connu en France maintenant, depuis l’ouverture du débat parlementaire sur le projet de loi Droit d’auteur fin 2005, celui d’une
licence globale où les gens paieraient un droit d’accès aux réseaux peer to peer pour y télécharger tout ce qu’ils veulent. C’est Peter Jenner, président de l’International Music Managers Forum, manager
actuel de Billy Bragg et premier manager de Pink Floyd (en 1966-1968), qui a soulevé la question.
‘ Il faut faire une distinction entre le modèle de l’accès et celui de la propriété. La radio, c’est celui de
l’accès. Il faudrait voir dans quelle mesure les nouvelles technologies ne se rapprochent pas plus de la radio que du disque. ‘
La suggestion de Peter Jenner a cependant eu fort peu de succès. Il faut dire qu’en préambule de la journée du samedi 21 janvier, Eric Nicoli lançait un appel, un peu exagéré étant donné que le débat parlementaire est loin
d’être clos, aux pouvoirs publics français : ‘ Si la France persiste dans cette voie [celle de la licence globale, NDLR], cela risque de miner la croissance que l’on constate
actuellement sur ce marché. ‘
Comme quoi, il n’y a pas qu’iTunes qui inquiète le secteur.

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Arnaud Devillard, à Cannes