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Le lent décollage du marché des services de stockage

Les premiers opérateurs de services de stockage sont arrivés en France il y a presque un an. Ils commercialisent aujourd’hui le modèle SSP, qui peut aller jusqu’à l’hébergement et l’administration complète des données.

Face à un réel besoin exprimé par les entreprises qui souhaitent s’affranchir des contraintes techniques liées au stockage, le marché des SSP tarde quelque peu à décoller “, avoue Daniel Cotsier, p.-d.g. de Managed Storage Europe. Ce SSP a été créé en mars 2000 comme une entité issue de StorageTek. Sa vision du futur reste pourtant résolument optimiste : “La question n’est pas de savoir si le marché SSP va décoller, mais plutôt quand et à quelle vitesse !”Sur le terrain, la réalité n’est pas encore aussi souriante. Managed Storage, comme d’autres SSP, s’appuie sur les infrastructures d’un gros opérateur Internet, en l’occurrence Level 3. Or, l’éclatement de la bulle Internet a remis en question son business plan, écrit en période de pleine euphorie. “Mais, nous sommes toujours convaincus de l’intérêt de nos solutions et du bien-fondé du modèle économique. Nous avons revu nos prévisions à la fin 2000. Depuis, nous sommes en phase avec notre budget”, rassure Daniel Cotsier.Pour sa part, Patrick Bayle, cofondateur de Storage Telecom, un SSP d’origine 100 % française lancé à la fin 2000, est serein : “Nous avons dix clients, dont huit présents dans des centres de calcul Internet. Nous gérons de l’espace disque et de la sauvegarde. Pour cela, nous sommes installés dans les locaux de iX Europe, Cable & Wireless et LDCOM.” Ce SSP fournit du stockage mutualisé sur une infrastructure de type SAN pour un prix de 15 à 70 ? par gigaoctet et par mois. Ses deux clients distants louent de l’espace de stockage sur des serveurs NAS installés chez Storage Telecom et accessibles via le réseau Ethernet métropolitain de France Télécom. Une offre de type SAN distant existe également. ” Mais aucune entreprise n’a choisi ce service. Il nécessite une bande passante importante qui est coûteuse en l’absence de réelle concurrence télécoms en France “, détaille Patrick Bayle.

Une croissance soutenue

Si l’on porte son regard vers le pionnier des SSP, l’horizon semble encore incertain. StorageNetworks a été fondé aux États-Unis en 1998. Ce poids lourd du secteur s’est associé à Colt Telecommunications, et fait état d’une croissance soutenue avec près d’une cinquantaine de nouveaux comptes pour le dernier trimestre 2000, portant son portefeuille à plus de 225 clients dans le monde. Sur l’exercice 2000, StorageNetworks a réalisé un chiffre d’affaires de 48 millions de dollars contre 6 millions l’année précédente. Cependant, les pertes nettes se sont aussi creusées, passant de 24 millions à 125 millions de dollars, et la firme a licencié. Toutefois, elle a signé avec des clients prestigieux, comme Ford, Microsoft, Sun, ou encore, Adidas. “Afin d’apporter un haut niveau de sécurité, explique Mark Kincaid, directeur technique, nous nous appuyons sur un second niveau de prestataires à la façon des sociétés d’assurances qui se réassurent auprès de sociétés spécialisées pour limiter les risques. Dans le pire des cas, les données de nos clients sont ainsi garanties.”

Le cryptage des données, préconisé

Se différencier par le service est l’objectif de l’offre Vytalvault, la solution de Guardian IT. Cette firme, jusqu’alors spécialiste du plan de reprise après sinistre, étoffe sa gamme de prestations sous l’influence de la vague SSP. Elle s’engage habituellement à mettre à disposition un environnement informatique sous quatre heures. Mais la restauration des données, réalisée par le client, peut prendre de vingt-quatre à quarante-huit heures. “D’où l’idée de sauvegarder les données chez nous et de les rendre accessibles en ligne, via Internet ou un autre réseau, si nécessaire”, explique Emmanuelle Servaye, responsable marketing chez Guardian IT. Vytalvault sauvegarde les données d’une entreprise multisite à partir d’une console centrale et d’agents installés sur les serveurs. Les sauvegardes s’effectuent uniquement sur les données modifiées. ” Une base de 100 Go implique en moyenne le transfert de 1 Go par jour, précise Emmanuelle Servaye. Ce ratio de 1 % provient du taux de modification des données, qui est de 2 à 3 % par jour environ, et du taux de compression d’un facteur 2. Par ailleurs, nous préconisons de crypter les données.”La tarification du service est fonction du volume stocké et dégressive à partir de 75 E par gigaoctet sauvegardé. L’usage d’Internet est conseillé jusqu’à une centaine de gigaoctets, mais dépend aussi du type de donnée.Au final, quel avenir pour les SSP ? Le cabinet IDC table sur une croissance de 134 % par an jusqu’en 2005, où le marché devrait peser 11 milliards de dollars. Il est vrai qu’un argument de choc pousse à prédire un succès : ce n’est pas le stockage qui revient cher, mais l’administration des données.Il y a dix ans, le prix du mégaoctet sur disque coûtait 10 ?, il n’est plus que de 30 cts, soit une diminution de 40 % par an. En revanche, le coût d’administration des données est de quatre à dix fois celui des équipements, matériels et logiciels.

30 % plus coûteux qu’une infrastructure de stockage SAN ou NAS

Ce coût est encore alourdi par la mise en place d’architectures de type NAS et SAN, plus performantes, mais qui, en raison de leur complexité, nécessitent des équipes très qualifiées. Or, les entreprises éprouvent de fortes difficultés à trouver des compétences et à les former pour suivre l’évolution des technologies. Le modèle SSP promet de les faire bénéficier des technologies les plus avancées, d’une évolution facilitée des capacités et des architectures selon le niveau d’activité, d’une meilleure prévision des coûts et de la garantie d’une qualité de service à travers des contrats SLA.Mais, tout cela a un prix : Nick Allen, du GartnerGroup, prévient : “Les services des SSP devraient rester encore environ 30 % plus coûteux qu’une infrastructure de stockage SAN ou NAS parfaitement gérée par l’entreprise elle-même.” Quant à Colin Rankine, consultant du GigaGroup, il attire l’attention sur la forte compétence en administration du stockage des SSP, mais, leur possible manque d’expertise en matière de récupération de données dans des environnements applicatifs complexes. “Comment les SSP délimiteront-ils les responsabilités dans ce cas ?”, interroge Colin Rankine, qui conclut, toutefois, en insistant sur la nécessité de bonus financiers qui incitent les SSP à adopter de nouvelles technologies qui améliorent la qualité de service et les économies réalisées.

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Pierre Slickerman