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La Cnil dit non à la délation en entreprise

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’oppose à la mise en place de dispositifs ‘ d’alerte éthique ‘ au sein des entreprises.

Les salariés de Mc Donald’s France et de la Compagnie européenne d’accumulateurs (CEAC) ne pourront pas dénoncer à leur employeur le comportement délétère de leurs collègues de bureau. Ainsi en a décidé la Cnil (Commission
nationale de l’informatique et des libertés) dans deux délibérations datées du 26 mai 2005.Les deux projets présentés en l’espèce à la Cnil reposaient sur la mise en place d’un dispositif ‘ d’alerte éthique ‘ ou de ‘ ligne éthique ‘. Celui-ci devait permettre aux salariés
d’informer (anonymement ou non) leur hiérarchie de tout comportement jugé non conforme à la législation française ou contraire au ‘ code éthique ‘ de l’entreprise.Pour Mc Donald’s France, la mesure concernait l’ensemble des collaborateurs du siège et les cadres des cent soixante-quinze restaurants du groupe, soit environ un millier de personnes. Il était prévu que les informations,
collectées par courrier postal ou télécopie, soient transmises à la maison mère aux Etats-Unis (Mc Donald’s Corporation) puis enregistrées dans un fichier central placé sous la responsabilité du ‘ directeur éthique ‘
de la société. Charge à lui de ventiler les différentes irrégularités constatées (présomption de harcèlement, discrimination, espionnage, corruption, divulgation d’informations confidentielles…) auprès des services concernés.Le cas échéant, Mc Donald’s France prévoyait que les informations recueillies puissent déboucher sur une enquête interne. Dans tous les cas de figure, il était prévu que les collaborateurs présumés fautifs soient informés dans un
délai de deux jours ouvrables par la direction des ressources humaines de leurs droits d’accès, de rectification ou d’opposition sur les informations collectées.

Des systèmes organisés de délation professionnelle

Dans le cas de la Compagnie européenne d’accumulateurs, ce dispositif de ‘ ligne éthique ‘ (transmission d’informations par téléphone ou courrier électronique) trouve son origine dans la politique de la société
mère américaine Exide Technologies. Il s’agissait là de se mettre en conformité avec la loi américaine Sarbanes-Oxley qui permet à l’ensemble des salariés du groupe ‘ de communiquer avec le comité de
surveillance comptable du conseil d’administration d’Exide sur des sujets tels que les inexactitudes ou les irrégularités comptables qui pourraient être commises ‘
. Si le système peut paraître rigide et propre à une délation
gratuite et inconsidérée, il faut se souvenir que les Etats-Unis ont été récemment secoués par de vastes scandales financiers (Worldcom, Enron…), qui ont été le plus souvent rendus publics par des whistleblowers (sorte de
‘ Gorge profonde ‘) qui n’étaient autres que de simples salariés des entreprises.Quoi qu’il en soit, dans les deux dossiers qui lui ont été soumis, la Cnil a estimé que de tels dispositifs organisant le recueil de ce type d’informations (données personnelles) appelaient de sa part une
‘ réserve de principe ‘ au regard de la loi Informatique et libertés, en ce qu’ils pouvaient conduire à des systèmes organisés de délation professionnelle. Par ailleurs, la Cnil juge que les dispositifs
qui lui ont été présentés étaient ‘ disproportionnés ‘. Elle note, en outre, que la possibilité de réaliser une ‘ alerte éthique ‘ de façon anonyme ne pouvait que renforcer le
risque de dénonciation calomnieuse.Enfin, la Cnil précise que d’autres moyens prévus par la loi existent d’ores et déjà afin de garantir le respect des dispositions légales et des règles fixées par l’entreprise (actions de sensibilisation par l’information et la
formation des personnels, rôle d’audit et d’alerte des commissaires aux comptes en matière financière et comptable, saisine de l’inspection du travail ou des juridictions compétentes).

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Philippe Crouzillacq