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Informer et consulter le comité d’entreprise

L’employeur doit respecter le droit du travail et la loi Informatique et Libertés. Des accords collectifs ou des chartes sur l’usage d’internet tentent de répondre aux préoccupations des acteurs de l’entreprise.

Transformé en ” contremaître électronique “, tout ordinateur de bureau surveille les salariés. Mieux, son disque dur a une mémoire d’éléphant et ” le droit à l’oubli ” de certaines informations personnelles ou ponctuelles s’estompe face aux besoins de sécurité des entreprises. Le principe du ” tout conserver ” informatique ne risque-t-il pas de devenir le véritable livret social virtuel ou la boîte noire de chaque membre de l’entreprise ?La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’en alarme depuis des années. Elle souligne ainsi dans une récente étude que l’équilibre entre le contrôle légitime de l’employeur et le respect des droits et libertés des salariés est toujours délicat à trouver.

Informer et consulter le comité d’entreprise

Le droit n’est pas absent du processus d’introduction des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’entreprise. La déclaration des fichiers nominatifs à la Cnil, selon la loi du 6 janvier 1978 Informatique et Libertés, et la concertation avec le personnel, selon l’article L432-2 du Code du travail, sont obligatoires.Ce dernier stipule que l’employeur doit informer et consulter le comité d’entreprise, “préalablement à tout projet important d’introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d’avoir des conséquences sur (…) les conditions de travail. . .” Dans les entreprises où les effectifs sont plus réduits, c’est le délégué du personnel qui joue le rôle du comité d’entreprise. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) doit également être consulté sur le travail sur écran de visualisation.Si l’ouverture à tous de l’internet justifie cette consultation, celle-ci est d’autant plus nécessaire quand un système de surveillance des salariés est mis en place en même temps. Il faut rappeler que, si l’employeur a droit de contrôler et surveiller l’activité du personnel pendant le temps de travail, cela ne doit jamais se faire à son insu (L 121-7 et 8 du Code du travail).La vérification des temps de connexion à internet, les opérations de traçage sur le réseau, la lecture du courrier électronique doivent prendre en compte le respect des droits et des libertés des salariés. Tout en répondant au souci légitime de l’employeur de veiller à ce que des informations confidentielles ne soient pas divulguées et à ce que les salariés ne se consacrent pas à des activités extraprofessionnelles.L’internet est bien plus tentateur que le téléphone ou le minitel. Pire, il permet de télécharger un volume important de données à caractère privé, provoquant des surcharges sur le réseau, voire l’introduction de virus. Le mail est, en principe, couvert par le secret de la correspondance, dont la violation est sanctionnée par la loi pénale. Ce qui complique la tâche de l’employeur qui a besoin de consulter le courrier électronique d’un cadre commercial en congé.L’absence d’information et de consultation préalable du comité d’entreprise expose l’employeur à des sanctions pénales. Le délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise (L 483-1) pourrait le mener devant le tribunal correctionnel. Des sanctions civiles le guettent aussi, comme l’impossibilité de faire la preuve de la faute du salarié licencié dans la mesure où les juges n’acceptent pas la production de moyens de contrôle mis en place à l’insudu personnel.En effet, les risques techniques de manipulations des moyens de contrôle sont trop importants. Ainsi, un employeur n’a pas été admis par le conseil de prud’hommes de Nanterre à apporter la preuve qu’un salarié consultait régulièrement des sites pornographiques pendant ses heures de travail. Motif : le disque dur aurait pu être manipulé sans difficulté, compte tenu de ses conditions de conservation.

Du pain sur la planche pour les juges

Ainsi l’employeur qui souhaite exercer sa surveillance ne peut donc le faire que dans le respect des libertés individuelles et collectives des salariés. Selon l’article L 120-2 du Code du travail, il faut que le dispositif de contrôle soit justifié par la “nature de la tâche à accomplir” et qu’il soit “proportionné au but recherché “. Les juges ont du pain sur la planche pour vérifier le bien-fondé des licenciements dans les entreprises qui ont multiplié les prohibitions de toutes sortes.Le Code du travail permet aussi au personnel de demander au délégué de constater une atteinte non justifiée aux droits des personnes ou aux libertés individuelles. Celui-ci peut alors demander à l’employeur de procéder à une enquête et de remédier à la situation. En cas d’échec, il peut saisir le conseil de prud’hommes en référé.Si l’employeur souhaite créer des règles générales et permanentes de l’utilisation des technologies internet assorties de sanctions disciplinaires, il doit lier le support de ces règles – que ce soit une charte ou un code de conduite – au règlement intérieur. Auquel cas, non seulement le comité d’entreprise est obligatoirement consulté pour avis, mais l’inspecteur du travail en contrôle aussi le contenu.Par exemple, Renault est en train de mettre en place sa “Charte de bon usage des ressources informatiques, électroniques et numériques “, liée au règlement intérieur. Elle s’appliquera dans toutes les entreprises du ” groupe monde ” et les salariés devront la respecter sous peine de sanctions disciplinaires.

Favoriser une bonne concertation sociale

Le conseil de prud’hommes de Paris a jugé le 1er février 2000 que “l’infraction au règlement intérieur et aux règles propres à l’utilisation des micro-ordinateurs” justifiait le licenciement d’un employé qui, par erreur, avait envoyé à tout le personnel un message très privé, destiné à un proche extérieur de l’entreprise, dévoilant son homosexualité.Les entreprises commencent à mettre en ?”uvre des stratégies de concertation pour prévenir toute communication dommageable vers l’extérieur. Pour créer des règles d’utilisation des nouvelles technologies par les représentants du personnel, sans être accusé de discrimination syndicale, un climat de confiance réciproque et de loyauté reste une valeur sûre.Par exemple, Renault, France Télécom, Generali France, Technip ont déjà signé des accords collectifs afin d’adapter le droit syndical aux nouveaux moyens d’information et de communication. Et comme la mise en ?”uvre n’est pas simple, des documents de natures diverses en explicitent parfois les modalités d’utilisation. Ces initiatives visent à prévenir les contestations ultérieures mais aussi à mieux encadrer le droit syndical.

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Geneviève Gartner