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HP-Compaq : un mariage de raison aux bénéfices lointains

Plus motivée par la nécessité que par le désir, l’union de Hewlett-Pachard et de Compaq devrait donner lieu à d’importantes coupes claires dans des activités redondantes. Quelque 10 000 suppressions d’emplois sont annoncées.

Une baisse du chiffre d’affaires de 5 % au cours des prochaines années : tel sera, selon les dirigeants de Hewlett-Packard et de Compaq, la première conséquence visible de la fusion entre les deux géants de l’informatique. Une déclaration qui donne immédiatement le ton d’un mariage surprenant tant les activités des deux promis semblent similaires. Autrement dit, avant de mettre en place des synergies, le ” nouvel HP ” devra élaguer dans un portefeuille d’activités où les doublons sont nombreux.Sur le papier, les chiffres sont encourageants. La fusion avec Compaq propulse le nouvel HP en tête de l’industrie des serveurs, des imprimantes et des PC (y compris les PDA). Cette domination retrouvée devrait donc permettre au géant de faire des économies sur le marché du PC et de se renforcer sur des secteurs à plus forte valeur ajoutée.En rachetant Compaq, HP prend une place de choix sur le marché des serveurs, avec 37 % de parts de marché. Cette forte présence constitue un point d’entrée idéal pour redévelopper l’activité Intégration de services.Mais la partie est loin d’être jouée. Une fusion de cette taille prend beaucoup de temps, coûte beaucoup d’argent et ne donne pas toujours les résultats escomptés. Les analystes estiment qu’il faudra deux ans pour que le nouvel ensemble soit opérationnel. D’ici là, HP devra retrouver la rentabilité dans l’activité PC et montrer qu’il peut construire un pôle services susceptible de concurrencer celui d’IBM.

Sauvegarder son rang sur le marché informatique

En juillet dernier, alors que Dell fanfaronne en tête d’un marché du PC déprimé, HP aligne alerte aux profits sur alerte, faisant état de 327 millions de dollars de pertes pour le segment des PC sur les neuf derniers mois. Pour sa part, Compaq est passé dans le rouge en 2001, enregistrant 237 millions de dollars de pertes sur les six premiers mois de l’année.Depuis l’été 2000, le marché informatique se contracte. Les constructeurs sont entrés dans une guerre des prix digne du dumping des années 70. Pour conserver leurs parts de marché, ils doivent compresser au maximum les marges. Commentaire de Michael Dell en début d’année : ” Je pense qu’il y aura certainement une consolidation du marché “. En clair, pour le patron de Dell, il y a ceux qui pourront suivre sa politique de prix en baissant leurs coûts, et les autres…

Déjà 10 000 suppressions d’emplois prévues

Economiser ! C’est le premier objectif de la fusion de HP et de Compaq. La barre est placée très haut : 2 milliards de dollars d’économie en 2003, et 2,5 milliards pour l’exercice 2004. A eux deux, 13 000 suppressions d’emplois ont déjà été annoncées depuis le début de l’année au rythme des profit warning. D’autres devraient suivre, notamment dans le secteur des services informatiques, où le nouvel ensemble emploie à ce jour 65 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 15 milliards de dollars (voir tableau). A la conférence de presse annoncant la fusion, les dirigeants du nouvel HP ont déja annoncé une première vague de 10 000 suppressions d’emplois.Deuxième objectif : en fusionnant, les numéro 2 et 3 du marché des PC détiennent 19 % de parts de marché, n’ayant plus que Dell comme concurrent sérieux, à 13,4 % de parts de marché. Mais, Dell gagne des parts de marché chaque jour. Selon IDC, le numéro un de la vente directe de PC aurait déjà atteint les 15 % de parts sur le mois de juillet, au détriment de HP et de Compaq. Cependant, avec un acteur de moins sur le marché du PC, les prix devraient se stabiliser progressivement.Il n’est guère probable que la fusion des deux constructeurs leur permettra d’économiser de l’argent sur la fabrication. L’essentiel des économies espérées dans le secteur des PC est à chercher du côté des structures de distribution et de vente. Les deux groupes devront mutualiser leur réseau et, sans doute, licencier en conséquence.Un point noir demeure : HP a longtemps négligé le modèle de la vente directe qui a fait le succès de Dell, tandis que Compaq n’en est qu’à mi-chemin, réalisant 43 % de ses ventes par ce biais en avril 2001 contre 20 % l’an passé.

La chimère des services ?

Les principaux bénéfices de la fusion seraient donc du côté de l’activité services. Les entités services de HP et de Compaq totalisent 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur les douze derniers mois, soit une part de marché d’environ 2,1 %.Or, l’éclatement du marché des services (le leader, IBM, ne pèse que 5 % d’un marché mondial de 665 milliards de dollars en 2000) pose de sérieux problèmes de visibilité. Pour consolider sa position dans le secteur, le nouvel HP devra résouder dans un premier temps tous les problèmes d’intégration que pose sa gamme, désormais pléthorique, de serveurs.Dans un second temps, HP devra faire la preuve qu’il est capable de se développer dans le domaine du consulting et de la prestation de services à forte valeur ajoutée. Le rachat avorté de PricewaterhouseCoopers, il y a un an, traduit bien la volonté de HP de se rapprocher du coeur d’activité d’IBM Global Services, qui est indépendant du type de machines vendues.Si HP avait avancé d’un pas dans le sens d’une plus grande autonomie de l’activité services avec le rachat de Comdisco en juillet dernier, le rachat de Compaq se traduira par un pas en arrière. De l’aveu même de Ann Livermore, qui dirigera la nouvelle entité services : ” Malgré l’acquisition de Digital, les services proposés par Compaq sont encore très liés à la vente de leur matériel. Une situation qui n’est désormais plus celle de HP où, à l’instar d’IBM, nous sommes prêts à installer et à gérer le matériel de nos concurrents “, avait-elle déclaré lors du rachat de Comdisco.Voilà une illustration des nombreuses contradictions qu’il faudra relever pour que la fusion de HP avec Compaq apparaisse comme la plus grande fusion de l’histoire de l’informatique, et non comme la plus désastreuse des fusions.

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Frantz Grenier et David Prud'homme