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Fouiller les tiroirs ou étaler le savoir

Pour la gestion des connaissances, le groupe pharmaceutique Aventis mise sur la prospection quand Air Liquide, le spécialiste des gaz industriels, s’en tient à la diffusion des données.

Yaurait-il autant de manières de partager les connaissances que de stratégies d’entreprises, voire de style de management ? À comparer l’approche dite “dynamique” d’Aventis au modèle qualifié de “structuré” d’Air Liquide, le oui s’impose.Ainsi le groupe pharmaceutique, qui revendique un mode de management plutôt anglo-saxon, basé sur l’autonomie et la responsabilisation de chaque collaborateur, a opté pour l’outil Knowledge Mail, conçu par la société Tacit Knowledge Systems. L’utilisation de ce système de recherche d’information parmi les courriers électroniques permettrait de générer un gain de temps substantiel pour l’ensemble des collaborateurs dans le monde.

Dynamiser la recherche

Jean-Marc Girodeau(*), responsable Gestion des connaissances d’Aventis Pharma R & D France, cite en exemple “Mathias, chercheur basé à Francfort, qui a pu obtenir en vingt-quatre heures des informations au sujet du macrophage auprès de deux experts américains”. Sans l’outil, Mathias a estimé qu’il lui aurait fallu quatre semaines pour récupérer ces mêmes données.Au cours de la phase pilote ?” qui a été menée pendant trois mois auprès de 450 utilisateurs ?”, ce type d’échange salutaire s’est produit vingt-deux fois. Selon Jean-Marc Girodeau, ces “success stories” révèlent le potentiel de l’outil comme accélérateur de l’innovation, et justifient son déploiement, dès cet automne, auprès des 5 000 collaborateurs. “L’essentiel des sciences émergentes se trouve dans les mails”, martèle le responsable Gestion des connaissances.La volonté d’Aventis de capter ce savoir, dit tacite, suppose une certaine transparence des échanges. Ce qui soulève l’épineux problème de l’interférence vie privée-vie professionnelle. Ainsi, dans un même mail, l’expéditeur peut évoquer les dernières trouvailles de sa recherche et inviter le destinataire à dîner. Pour respecter la sphère intime de ses collaborateurs, le groupe pharmaceutique a établi deux types de profils : l’un public, l’autre privé. Quand les résultats d’une recherche menée à partir de l’outil contiennent des données d’ordre personnel, les adresses des auteurs restent anonymes. Sauf si ces derniers ont manifesté leur volonté de dévoiler leurs coordonnées ?” à tous ou à un interlocuteur donné sur une question précise.Jean-Marc Girodeau reconnaît qu’au premier abord le système peut sembler indiscret aux yeux des collaborateurs. Aussi a-t-il mis en place une campagne de communication en interne, pour expliquer le fonctionnement du système et toutes les précautions relevant du respect de la vie privée. Résultat : tous les utilisateurs auraient finalement adopté les deux profils.

Clarifier les informations

Du côté d’Air Liquide, c’est la volonté de “booster” l’activité de soudage, en faible croissance ?” 20 % du CA ?”, qui a donné naissance au projet Knowledge managment.“Amorcé en 1999, le projet de gestion des connaissances dépend de trois directions : Recherche & développement, E-business et Marketing”, précise Philippe Rouault, chef de projet E-business project group R & D Division. Son principal objectif : fournir des informations claires et précises sur les produits aux clients, au travers d’une base de connaissances. Dorénavant accessible aux commerciaux et aux clients, elle a été élaborée après un long travail de simplification du savoir par les experts.Bonne surprise : le chef de projet e-business affirme n’avoir rencontré aucune résistance de la part de ces spécialistes, car “lorsque l’on demande à un expert de vulgariser son savoir, on ne le dépossède pas de ses connaissances”, estime-t-il.En somme, Air Liquide apporte la preuve que la mise en place d’un projet KM n’induit pas systématiquement une révolution des comportements. Philippe Rouault ajoute simplement que “ces efforts de vulgarisation ont alourdi le coût initial du projet” ( non communiqué). Le temps passé à cette activité par les experts a, en effet, été pris en compte. Pour quel retour sur investissement ? Quelle que soit la méthode de partage des connaissances, l’évaluation de ce dernier reste, encore, bien approximative.(*) Les propos de Jean-Marc Girodeau, responsable Gestion des connaissances d’Aventis Pharma R & D France, et ceux de Philippe Rouault, responsable E-business project group R & D Division d’Air Liquide, ont été tenus lors d’un débat, le 1er octobre dernier, dans le cadre du KM Forum, à Paris.

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Valérie Quélier