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Ether de glycol: IBM au coeur de la polémique

L’éther de glycol, produit longtemps utilisé dans la fabrication des semi-conducteurs, est suspecté d’être à l’origine de graves troubles de la santé. Actuellement, un cabinet spécialisé recherche les témoignages de personnes ayant travaillé sur le site IBM de Corbeil-Essonnes entre 1970 et 1994.

L’industrie du semi-conducteur est-elle à la veille d’un scandale similaire à celui de l’amiante ? L’éther de glycol, un solvant reconnu pour sa capacité à mélanger entre elles des substances non miscibles, a en effet été couramment utilisé dans plusieurs secteurs industriels, dont celui de la fabrication des composants électroniques de 1970 jusqu’au milieu des années quatre-vint-dix. A l’époque, la dangerosité du produit était peu connue, voire sous-estimée. Aujourd’hui, plusieurs éléments laissent néanmoins penser que l’éther de glycol pourrait être cancérigène et provoquer des malformations chez les enfants de femmes ayant manipulé ce produit avant leur grossesse.L’affaire démarre en 1996 aux Etats-Unis où128 employés des sites IBM de Fishkill (NY) et de San Jose (Californie) intentent un procès contre le géant de l’informatique, mettant en cause l’exposition prolongée à l’éther de glycol. Et les arguments avancés par l’un des cabinets d’avocats californiens (Alexander, Hawes & Audet) en charge de l’affaire font froid dans le dos. Parmi leurs clients, certains seraient atteints de cancers des testicules, de la peau ou des os . D’autres sont déjà décédés de tumeurs au cerveau ou de leucémies, et ce sont leurs enfants qui demandent aujourd’hui justice. Le procès doit s’ouvrir le 10 janvier 2001.C’est dans le cadre de ce procès contre IBM que les avocats des plaignants américains ont demandé au cabinet français Trace, spécialisé dans la santé du travail, d’enquêter sur le site de production IBM de Corbeil-Essonnes. Sa mission : déceler d’éventuels problèmes de santé similaires à ceux des anciens salariés américains d’IBM. Dans ce but, des permanences se tiendront chaque vendredi des mois d’août et de septembre à Corbeil-Essonnes pour recueillir les témoignages de personnes ayant travaillé sur ce site. Selon Edouard Rodriguez, délégué syndical CGT, “entre 1970 et 1994, près de 2 000 personnes travaillaient autour des lignes de production, mais beaucoup d’entre elles étaient de passage pour des CDD allant de neuf à dix-huit mois.” Ce qui risque de rendre l’identification de ce personnel particulièrement ardue.A la direction d’IBM France, la sérenité reste pour l’instant de mise. On assure avoir “cessé d’utiliser l’éther de glycol dès 1994”. Selon Big Blue, la “sécurité et la santé des collaborateurs est une préoccupation essentielle et permanente”, et “une équipe d’experts a pour mission de s’assurer que les collaborateurs travaillent dans un environnement sain et sûr”.

Les véritables dangers de l’ether de Glycol ?

L’objectif des cabinets d’avocats est donc de prouver une relation directe entre les maladies de leurs clients et ce produit. Une causalité difficile à établir et qui doit s’appuyer sur des études incontestables, même si certains d’indices sont inquiétants.Outre-atlantique, la Semiconductor Industry Association (SIA) a commandité en 1999 une étude sur les ” dangers potentiels ” que représenterait pour l’homme l’utilisation de l’éther de glycol. Mais dès 1992, une étude de l’université de Davis, en Californie, préconisait le retrait pur et simple de certains éthers de glycol des chaînes de production de semi-conducteurs.Du côté de l’Hexagone, d’après une expertise collective conduite en 1999, à la demande du gouvernement, par l’ Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), certains “éthers de glycol sont d’une toxicité avérée chez l’animal”. Avant d’ajouter que “ces substances peuvent pénétrer chez l’homme par voie pulmonaire”, ou par la peau elle-même. L’évaporation du produit pourrait également constituer à lui seul un facteur de contamination.Toujours en France, un arrêté en date du 7 août 1997 interdit l’importation et la mise sur le marché de quatre types d’éthers réputés parmi les plus toxiques. Un second texte, du 22 janvier 1998, élargit l’interdiction de la substance aux cosmétiques et à tous les produits de consommation. Malgré cela, l’éther de glycol reste aujourd’hui couramment employé dans l’industrie.Pour sa défense, IBM met en avant le fait qu’il a spontanément cessé l’utilisation de l’éther de glycol, une preuve du sérieux et du niveau de sécurtié qui entoure ses processus de fabrication. Mais au-delà d’IBM, d’autres fabricants de semi-conducteurs vont peut-être devoir revisiter leur passé. Dans un univers bien différent de l’imagerie aseptisée et rassurante véhiculée par certains spots télévisésAujourdhui, nombre de constructeurs comme National Semiconductor Corp. (qui a pourtant employé le solvant pendant plus de vingt ans sur son site de Greenock en Ecosse) se targuent (un peu tard, peut-être ?) de produire sans éther de glycol.

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Philippe Crouzillacq