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Etats-Unis : les nouveaux opérateurs décimés

Les start-up télécoms américaines tendent, en vain, la main devant Wall Street. Et leurs fournisseurs, les principaux équipementiers, ne savent plus à qui présenter la note.

Le secteur des télécoms est fatal aux jeunes pousses américaines. Winstar, la toute dernière victime, s’est réfugiée le 18 avril sous le chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Spécialiste de l’accès à Internet par la boucle locale radio, la société a accumulé près de 5 milliards de dollars (5,6 milliards d’euros) de dettes.Tous les segments des télécoms sont touchés : de l’accès au net haut débit par l’ADSL, avec les faillites de North Point Communications et de Zyan Communications, aux multicompétents (accès, hébergements) comme E-spire, en passant par les fournisseurs d’infrastructures comme ICG Communications qui livrait ses services à plus de 22 fournisseurs d’accès Internet (FAI) américains et représentait 10 % du marché de l’accès commuté.D’autres pourraient suivre. Les professionnels s’attendent notamment à la chute de Teligent, qui a mis au point un téléphone se servant d’antennes relais sur les toits des immeubles. Le FAI Psinet, installé dans 900 villes du monde, paraît aussi en difficulté : il a demandé aux banques Goldman Sachs et Dresdner Kleinwort Wasserstein de l’aider à ” restructurer ses dettes “.

Taux de survie estimé à 1 %

” La majorité des sociétés de télécoms créées durant les quatre dernières années vont disparaître “, prédit Dany Briere, le PDG de Telechoice, un consultant du secteur. Tout aussi sanglante, Susan Kala, sa cons?”ur de Bluestone Capital, voit arriver ” une restructuration écrasante “. Selon elle, sur les 1 300 start-up venues ces dernières années concurrencer les géants du téléphone local, seules 14 survivront.Parmi les prochaines victimes, on pourrait compter Interspeed (ADSL), dont le titre a été banni du Nasdaq, XO Communications (fibre optique, hébergement et haut débit) ou encore ARTT (Advanced Radio Telecommunications Wireless, de la boucle locale) et Savvis (réseau ATM).Les raisons de ce jeu de massacre ? ” Trop de sociétés ont chassé trop peu de clients “, explique Daniel Renouard, l’expert télécoms de la banque Robert Baird. Et tous ces spécialistes de pointer du doigt vers la Bourse de New-York, où tout a commencé. “” Wall Street a jeté tellement d’argent que les entrepreneurs sont devenus irréalistes et bien trop ambitieux “, juge Erwin Westfall, analyste chez Current Analysis.Lorsque l’on regarde l’étude des ” obligations pourries ” (junk bonds) réalisée par Moody’s Investors, l’agence de notation du crédit, on voit une forte présence des télécoms dans les émissions d’obligations spéculatives des années 1997, 1998, 1999. En tout, 93 milliards de dollars de ” junk bonds ” sur ces trois années.Mais quand, au début de l’année 2000, les start-up sont revenues vers Wall Street pour emprunter à nouveau et pour pouvoir payer les premières annuités arrivées à échéance, les banquiers ont fermé leurs portes. La place financière recommence alors à regarder de près les prévisions de bénéfices. Les jeunes pousses qui n’ont même pas encore complété leur réseau se retrouvent à sec. Privées d’argent frais, ces entreprises, qui furent émergentes, n’arrivent plus à assumer leurs obligations vis-à-vis de leurs fournisseurs.

Lourdes ardoises

Cisco, Lucent, Nortel ou encore Alcatel se retrouvent dans l’embarras. Winstar laisse ainsi chez Lucent une ardoise de 700 millions de dollars. De son côté, ICG Communications doit 32 millions de dollars à Cisco. Et Savvis n’a pas payé la facture de 235 millions de dollars de Nortel.” La compétition était si intense entre les vendeurs d’équipements, explique David Takata, l’analyste de la société de Bourse Gerard Klauer Mattison, qu’ils devaient aider au financement des start-up pour conclure leurs affaires. Et comme Wall Street poussait à des croissances de chiffre d’affaires toujours plus fortes, les équipementiers ont pris de plus en plus de risques pour remplir leurs objectifs. ” L’aide aux start-up était devenue ” une tactique de marketing “, estime Michael Davies, de la banque Ladenburg Thalmann. Lucent, le plus exposé parmi les équipementiers, aurait ainsi avancé 1,8 milliard de dollars.

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Caroline Talbot à New-York