Passer au contenu

e-commerce : l’âge de raison

Il est loin le temps de l’amateurisme. Les professionnels de la vente ont investi le web. La période d’adaptation passée, ils ne comptent pas laisser ce nouveau canal de distribution aux jeunes pousses.

Le verre d’eau est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Question de point de vue bien entendu, et les acteurs de l’e-commerce en France sont loin d’avoir tous le même. Ainsi, les uns parleront de “la grande désillusion”, alors que d’autres évoqueront “une croissance réelle”. De même que les avis sont divergents, le panorama de l’e-commerce est tout aussi contrasté. Entre Noël 2000 et 2001, le nombre d’internautes a quasiment doublé pour passer de 8 millions à 15,2 millions, soit 32 % de la population française. Ce doublement de la population internaute se calque sur celui des acheteurs en ligne : 5,1 millions en 2001 contre 2,7 millions en 2000.Donc tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes… mais la réalité est plus contrastée et les chiffres d’affaires ne suivent pas cette croissance. Ainsi selon Ipsos-Médiangles, auteur d’une vaste étude sur les cyberacheteurs, le chiffre d’affaires global de l’e-commerce réalisé en 2001 pour le second semestre, s’élève à 1,46 milliard d’euros contre 0,96 milliard à la même période l’année précédente. “On constate effectivement une baisse du panier moyen de l’internaute, affirme, presque étonné, Jean-Emmanuel David d’Ipsos, mais en deux ans, la proportion de ceux qui achètent est tout de même passée de 10 à 32 %”.Un optimisme partagé par les membres de l’Acsel, (Association française pour le commerce électronique), qui regroupe les onze premiers sites marchands. Entre autres motifs de satisfaction, les transactions effectuées depuis leurs sites ont augmenté de 109 % en 2001 (soit 7,16 millions d’euros). L’association prévoit d’ailleurs une croissance de 61 % du chiffre d’affaires de ses membres pour 2002. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les onze membres de l’Acsel représentent à eux seuls plus de la moitié du chiffre d’affaires généré par l’e-commerce.

Il y a moins de sites marchands

Autour de ces onze piliers (eBay, Fnac.com, La Redoute, Telemarket…), se débat une population hétérogène de commerçants pour qui la réalité est plus dure. De même que le panier moyen baisse, le nombre de boutiques en ligne décroît sensiblement pour la première fois, passant de 2 868 en décembre 2001 à 2 752 aujourd’hui selon le baromètre WebMarchand-LeGuide.com. “C’est un signe révélateur, estime Christophe Vaigneau, PDG de LeGuide.com. Il n’y a plus d’évolution dans les sites marchands, plutôt une stagnation, voire même un début de régression. Tous ces mouvements confirment l’avènement d’une période de consolidation et d’un retour au réel.”Pour le PDG du portail LeGuide.com, on entre dans une ère nouvelle “postdésillusion”. Des propos confirmés par Alfred Véricel, PDG du site Bestofmicro, qui recense 240 distributeurs : “La vague de concentration a eu pour effet d’assainir le marché. Les sites marchands qui cassaient les prix et fonctionnaient à perte ont disparu. Les acteurs reviennent à des stratégies plus saines.”Pour résumer, l’e-commerce est aujourd’hui entre les mains de commerçants dont la très grande majorité a appris son métier dans le monde matériel : vente par correspondance, grande distribution… Il faut y ajouter quelques pure players visant un marché de niche (fleurs, vins, billetteries). “Les sites installés tiennent le marché, il reste peu, sinon pas de place pour de nouveaux entrants”, constate Christian Vaigneau. Pire, la consolidation n’est pas finie.

Le haut débit favorise l’achat

Cependant, les pure players commencent à être battus en brèche par les multispécialistes qui lorgnent de leur côté. “La situation se dégrade. Les grands distributeurs essaient de nous phagocyter. Pour y arriver, ils rognent sur leurs marges”, explique Laurent Maria Deschanel, responsable marketing de Digital Shopping, site spécialiste des appareils photo numériques.Et dans ce domaine le pire reste à venir, selon Christian Vaigneau : “Pour l’heure les hypers se cantonnent à l’alimentaire et cherchent leur modèle. Mais il serait surprenant qu’à terme, ils ne proposent pas, comme dans leurs magasins, d’autres produits. Et dans ce domaine, aucun pure player ne peut avoir la force de frappe des grands réseaux auprès des centrales d’achats.”En attendant, pour les commerçants ayant pignon sur le Net, l’heure est à l’industrialisation et au profit du retour d’expérience. Les internautes ont évolué, les sites aussi. Maître mot : efficacité. Suivant le syndrome dit “Google”, les sites visent désormais la sobriété : inutile de surcharger une page, peu importe le nombre de clics… Les connexions à haut débit se sont répandues (près de 700 000 internautes connectés à l’ADSL), le client achète de chez lui et commence à avoir confiance. Les achats en ligne pour un montant de plus de 1 500 euros ne relèvent plus de l’anecdote. Panorama contrasté donc, points de vue divergents, les acteurs de l’e-commerce ont au moins tous compris une chose : dans e-commerce, il y a avant tout le mot commerce.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Chrystèle Besson, Fabrice Frossard et Francisco Villacampa