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Décalé : pourquoi Super Mario Bros est un film incompris

A l’occasion des 25 ans de la plus célèbre des aventures du plombier, de nombreuses rétrospectives s’essuient les pieds sur son adaptation au cinéma en 1993. Il est temps de la défendre.

Le film fait d’énormes entorses à l’univers de Mario, selon un cliché bien tenace. Et pour être honnête, oui, il le fait. A l’image des champignons ennemis, les Goombas, qui ressemblent à des molosses surmontés d’une mini-tête de dinosaure. A l’image de Luigi, l’éternel frère timide de Mario, qui se mue en valeureux séducteur et conquiert le cœur de… la première fiancée historique de Mario, Daisy.

A l’image enfin des frères plombiers qui sautent au moyen de chaussures à propulsion, astuce technique un peu décevante pour deux héros que l’embonpoint n’a jamais freiné dans l’effort. Alors, oui, le film Super Mario Bros (SMB) se permet de nombreuses entorses à l’univers du jeu original. Mais à bien y regarder, même les plus grosses prises de liberté renvoient, directement ou indirectement, à une partie très précise de l’histoire de Mario.

Super Koopa Cousins

Un Koopa facétieux
Un Koopa facétieux – Un Koopa facétieux

Les invraisemblances apparentes viennent en fait d’un souci dans la base même du projet : le film de 1993 n’est pas l’adaptation du jeu Super Mario Bros, qui a fêté ses 25 ans hier, mais d’une décennie entière de jeux Mario, celle qui court de 1981 à 1991, et couvre de Donkey Kong à Super Mario World en passant par Mario Bros, Super Mario Bros et Super Mario Land, soit environ cinq pitchs différents, de Brooklyn à New York jusqu’à Dinosaur Land en passant par le royaume Champignon.

Même le casting tente de réunir dans une même aventure des personnages très hétéroclites, issus de jeux parfois très différents, comme Daisy (venue de Super Mario Land), Toad (principalement évoqué dans Super Mario Bros 2) et Yoshi (invention de Super Mario World). En fait, les clins d’œil sont beaucoup plus nombreux que ce à quoi l’on peut s’attendre, et pour tout dire, il est évident qu’un scénariste qui ne connaissait pas bien la saga de Mario n’aurait jamais pu écrire un synopsis aussi riche en discrètes références.

Daisy et Yoshi
Daisy et Yoshi – Daisy et Yoshi

Et le scénario en joue. Il prend même des initiatives très bien vues, inédites dans les jeux vidéo, comme la concurrence de nouveaux venus, les Scapetti Construction, des charpentiers italiens rivaux des deux héros plombiers. Ou bien la scène cachée où deux des personnages secondaires du film, deux sbires de Koopa (Bowser) – pures créations – proposent à des représentants de Nintendo une aventure en jeu vidéo à leur effigie, les « Super Koopa Cousins ».

Le choix de faire de Super Mario Bros une préquelle générale à l’univers de SMB vient au final de cet espèce de gloubi-boulga de références, que le film parvient à digérer tant bien que mal. Et en soi, le résultat final est bizarre, très bizarre, mais très loin d’être honteux compte tenu du cahier des charges.

Un film à part entière, oui madame

Mario, Daisy et Luigi
Mario, Daisy et Luigi – Mario, Daisy et Luigi

Le plus dur, au final, consiste à voir Super Mario Bros : Le Film en faisant abstraction de la licence. Comme objet « filmique », pris indépendamment, il s’inscrit dans des héritages très inattendus – ça sent le Cronenberg, ça sent le Total Recall, un peu Mad Max, Alien et Gremlins, voire La Guerre des étoiles – et même si le ton général se veut grand public, de nombreuses scènes s’avèrent juste méchamment bizarres, comme le roi transformé en champignon visqueux, Daisy qui naît d’un œuf de dinosaure tout gluant ou les transformations en dinos zarbis.

En fait, le film fait « années 1980 », il est crade, gluant, organique et foutraque, là où Super Mario Bros mettait en scène un univers merveilleux, imprévisible mais propret. La vraie vedette du film, ce n’est pas les frangins, qu’on voit finalement très peu, mais cet univers un peu punk, sale et dégoulinant, celui auquel correspondrait, selon le scénariste de Blade Runner, le monde de Bowser s’il existait. Voilà pourquoi il faudrait sauver le film Super Mario Bros de sa réputation honteuse.

Il n’est certainement pas parfait ni d’une fidélité achevée. Mais sous ses allures loufoques et démodées, il vaut beaucoup plus qu’il n’en a l’air et donne valeureusement le change à un jeu qui était peut-être, simplement, impossible à adapter.

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William Audureau