Passer au contenu

Consortia: la nouvelle auberge espagnole

Dans la littérature du xixe, l’auberge espagnole avait une caractéristique simple : le voyageur n’y trouvait à manger que ce qu’il y apportait et l’aubergiste ne…

Dans la littérature du xixe, l’auberge espagnole avait une caractéristique simple : le voyageur n’y trouvait à manger que ce qu’il y apportait et l’aubergiste ne lui proposait que la table et les couverts. Aurait-on pu prévoir que cette auberge allait trouver un écho puissant dans les places de marchés verticales à multiples partenaires, les fameux “consortia” ?Pour les six industries les plus avancées ?” l’alimentaire, l’aérospatiale, l’énergie, la chimie, les métaux, l’électronique ?” il existe aux États-Unis de quatre à huit grandes places de marchés verticales (Covisint, My Aircraft, etc.), qui ont un niveau d’affiliation élevé : jusqu’à 75 % des entreprises du Fortune 500. Mais leur niveau d’utilisation reste encore très faible. Il faut dire que certains consortiums ont été léonins dans la définition des conditions de participation. En demandant un fee élevé aux fournisseurs, tout en leur expliquant qu’ils allaient en réduire considérablement le nombre, ils ont provoqué une résistance certaine à la liquidité.De plus, ces groupements étaient en compétition directe avec des places de marchés horizontales par sous-domaines (MRO, IT Suppliers, etc.), plus efficaces. Ils n’ont donc pas pu s’imposer comme ” solution incontournable “. À y regarder de plus près, un consortium n’est pas une centrale d’achat, mais une nouvelle entreprise indépendante à vocation propre, simple groupement d’intérêt économique entre ses actionnaires, à qui elle doit prouver son intérêt et offrir un retour sur investissement. Elle est placée dans un univers concurrentiel spécifique et doit gagner sa vie de manière autonome.Pour y parvenir, les consortiums doivent amener une réelle contribution opérationnelle sur trois dimensions. D’abord, la standardisation complète des interactions. Et ce, pour des gains importants dans la chaîne de valeur d’ensemble, bien au-delà de la simple supply chain.Si les effets sur la transparence des prix par agrégation des besoins et la conduite de Bourses d’achats ne sont pas une caractéristique différenciatrice des consortiums, les actions à moyen terme permettant de repenser les standards et de faire décroître les coûts totaux de développement, de production et d’exploitation chez les différents acteurs et les stocks intermédiaires, elles, sont à la portée seule d’un consortiums. Par exemple, une telle place dans le domaine aéronautique a estimé entre 20 et 40 % le gain en nombre de pièces que chaque compagnie aérienne devrait avoir en stock.La seconde dimension est l’offre de nouveaux services. Les consortiums disposent d’un poste d’observation privilégié sur chacun des maillons opérationnels de leur secteur. Ils doivent proposer à leurs mandants les produits et services professionnels, y compris l’outsourcing, pour atteindre les nouveaux gisements repérés. Ceci devrait être une part significative de leurs propres revenus et de leur rentabilité. La dernière dimension : le partage des risques. Comme dans tout GIE, il permet à chaque actionnaire de participer à un investissement qu’il n’aurait pas pu entreprendre seul. En revanche, le partage des bénéfices sera complexe : le modèle de gouvernance d’entreprise de certains consortia devra être revu afin de loptimiser ! Ils pourraient rester une auberge espagnole encore quelque temps : si leurs actionnaires veulent en tirer des bénéfices, ils devront y investir encore un peu !

*directeur associé de McKinsey &Company

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Christophe Bédier*