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Alain Juillet (chargé de l’intelligence économique auprès du Premier ministre)

‘ L’ère de la sécurité économique active est là. ‘

01 DSI : Y a-t-il encore des leçons à tirer de l’affaire Gemplus ?


Alain Juillet : Il s’agit d’un exemple ou d’un contre-exemple d’intelligence économique (IE). Une fois encore, les choses se révèlent plus complexes que ce que l’on veut bien laisser percevoir et les points sont tous
différents selon les acteurs. Cessons d’être manichéens et de nous faire manipuler par des opérations de désinformation. Soyons pragmatiques : si un actionnaire étranger a pris la majorité, qui l’a laissé entrer dans le capital ? Dans le
cadre de quel accord ? Négocié avec qui ? Quelles lois ou règlements l’empêchaient d’acquérir ce leader mondial dans sa catégorie ? Il est toujours plus facile de prendre pour cible l’agresseur, surtout s’il commet des erreurs et des
opérations discutables, mais il faut aussi savoir balayer devant sa porte.


Face à ceux qui réclament à corps et à cri des armes identiques à celles utilisées par nos adversaires dans le cadre de cette affaire, il faut répondre que la vraie réponse est à trouver en nous-mêmes. La France, comme chaque pays de la
Communauté européenne, se définit en fonction de son héritage et de sa culture. Nous sommes un pays libéral amoureux de la liberté. A ce titre, les lois mises en ?”uvre dans le cadre du Homeland Security Act, aux Etats-Unis,
ne sont pas transposables en Europe. Un fonds d’investissement tel qu’In Qtel (entretenu par la CIA) ne peut pas exister dans un contexte français. Cela ne nous empêche pas de créer nos propres solutions, qui s’inscrivent dans le cadre de nos
législations et de notre culture.En matière d’intelligence économique, doit-on attendre plus des initiatives privées ou de la puissance publique ?


Mon action s’inscrit dans la continuité. En intelligence économique, au-delà du battage médiatique, les fondamentaux existent avec le rapport Martre de 1994, les travaux de Bernard Esambert et du préfet Pautrat, puis le rapport Carayon.


Beaucoup d’acteurs s’expriment désormais sur l’IE. A commencer, et je m’en réjouis, par le Medef ou le Cigref, qui se rangent en ordre de bataille. Les ministères les plus importants ont créé des postes de délégués à l’intelligence
économique, les colloques et conférences sur ce thème se succèdent. Tout cela va dans le bon sens, mais nécessite d’être coordonné. C’est le rôle de l’Etat de mettre en musique, à un rythme soutenu, cette approche qui s’inscrit dans le cadre de la
sécurité économique.Comment s’en sort la France en matière d’intelligence économique ?


Pour réussir, il faut forger, puis utiliser nos propres armes, s’appuyer sur des technologies européennes. Depuis mars 2004, un travail de fond a été accompli, qu’il s’agisse du maillage des régions, avec le concept d’intelligence
territoriale, de l’appui aux entreprises ; avec la création de fonds d’investissement, et la modification de la loi sur le contrôle des investissements étrangers, la création d’un référentiel de formation.


Sans triomphalisme, il faut reconnaître que, mis à part les Anglais et les Scandinaves, la France occupe en Europe un rang plus qu’honorable en matière d’intelligence économique. Et nous mettons les bouchées doubles pour revenir dans le
peloton de tête.Vous avez fait le pari de faire adhérer les PME à l’IE ?


Après le ‘ toilettage ‘ réglementaire et la création d’un référentiel IE à la ‘ française ‘, c’est effectivement un des objectifs majeurs de la politique publique voulue par le Premier
ministre et relayée par les ministères concernés, à commencer par celui de l’Intérieur. Il passe par la mise en place régionale de l’intelligence territoriale, à laquelle sont associés les administrations, les organisations consulaires, et les élus.
C’est à partir de ce socle que nous pourrons développer la maîtrise des technologies associées a l’IE et encourager nos experts à exploiter leurs capacités créatrices chez nous. Les 2 300 000 TPE, PME et PMI performantes découvrent,
souvent trop tard, qu’elles sont dotées de compétences et de patrimoines stratégiques qui intéressent leurs concurrents internationaux. Les services de l’Etat doivent les aider à se protéger et à se développer dans le respect des règles françaises
et européennes de la concurrence.


Dans ce cadre, l’orientation croissante de la DST vers la sensibilisation et le renseignement économique, où l’implication des chambres de commerce dans la création de portails et la fourniture d’informations ciblées sont exemplaires.
Cette action s’inscrit dans le plan plus vaste du développement nécessaire de l’innovation fixé par le président de la République. président de la République.

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Jean-Philippe Bichard