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Quand l’incertitude dope les calculs

Issus des rêves des écrivains de science-fiction, les ordinateurs quantiques sont capables de calculs jamais imaginés jusqu’à présent. Ils deviennent peu à peu réalité…

Saviez-vous que les règles de la physique changent à mesure que les tailles rapetissent ? Ainsi, lors d’un match de ping-pong, la balle ne se trouve que d’un côté du filet à un moment donné. Si vous rapetissiez la table à l’échelle d’un atome, la balle devenue électron pourrait se trouver soit du côté de l’envoyeur, soit de celui de son adversaire, ou bien des deux côtés à la fois. C’est ce passage de la physique de tous les jours à la physique quantique régnant au c?”ur des atomes qui promet de révolutionner l’informatique.

Il n’y a pas que des 0 et des 1

Les ordinateurs classiques basent leurs calculs sur le bit. Celui-ci ne peut avoir que deux valeurs : 0 ou 1. Un ordinateur quantique s’appuie sur le bit quantique, ou qubit, qui peut avoir des états intermédiaires entre 0 et 1.En termes de calcul, cela signifie que, là ou un ordinateur classique traite bit à bit une information à la fois, un ordinateur quantique peut utiliser un qubit pour en traiter plusieurs en même temps. Cela permettrait d’effectuer des calculs beaucoup plus rapidement. Par exemple, pour trouver un mot de passe, il faut à aujourd’hui tester une à une toutes les combinaisons. Avec un ordinateur quantique, plusieurs possibilités peuvent être vérifiées en même temps.Pour Simon Singh, auteur de l’ouvrage L’Histoire des codes secrets (paru au livre de poche), ‘ si les scientifiques pouvaient construire un tel instrument, celui-ci effectuerait les calculs à une telle vitesse qu’il ravalerait les super-ordinateurs modernes au rang de bouliers ‘.Mais il est extrêmement difficile de construire des processeurs assez petits pour opérer à une échelle quantique. Jusqu’au début de l’année, ce type d’ordinateurs n’existait que dans des laboratoires de recherche. Le 13 février dernier, D-Wave Technologie a présenté Orion, le premier ordinateur quantique à vocation commerciale. Ce prototype se compose d’une paire de métaux superconducteurs ?” aluminium et nobium ?” portés à une température proche du zéro absolu, soit -273,15?’ Celsius ! Il a fallu descendre à ce froid pour obtenir une réaction quantique observable dans les électrons. Un problème qui a d’ailleurs forcé la société à faire une démonstration à distance d’Orion. A cause de son système de refroidissement, l’ordinateur est resté dans les locaux de D-Wave à Vancouver tandis que son concepteur, Geordie Rose, le manipulait à distance devant les journalistes au musée de l’Histoire informatique à San Francisco.

Une technologie spatiale

Lors de la démonstration, Orion avait effectué trois opérations : résoudre une grille de sudoku, réaliser un plan de table de mariage en tenant compte des contraintes protocolaires mais aussi des affinités en matière de conversation de chaque invité et, dans un autre registre, effectuer une comparaison moléculaire pour retrouver la nature d’une substance en quelques minutes.Certains observateurs peu impressionnés ont parlé de supercherie. Jusqu’à ce que, un mois plus tard, la Nasa confie avoir construit le processeur d’Orion pour le compte de D-Wave. En effet, la fabrication des processeurs nécessite le même type d’appareils travaillant à de très basses températures que pour les capteurs qui affronteront le vide spatial.Pour l’instant, Orion ne peut manier que 16 qubits à la fois et donc n’effectuer que 64 000 opérations en simultané. Mais la société promet une version à 32 qubits pour la fin de cette année, et à 512 qubits et 1 024 qubits pour 2008. Soit, au final, la capacité d’effectuer 10 000 milliards d’opérations en simultané. Et puisqu’il est difficile d’installer Orion chez soi, D-Wave Technologie propose aux entreprises de louer du temps de calcul sur Internet et de soumettre leurs problèmes à l’ordinateur quantique.Le prochain ordinateur quantique pourrait bien venir du Japon. Les chercheurs de Nec viennent en effet de trouver un moyen d’éliminer les interférences entre les qubits et de les coupler pour, à terme, obtenir des versions quantiques de processeurs multic?”urs. Premiers résultats attendus en 2017

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Stéphanie Chaptal