A ciel ouvert

Elle s’appelle 51 Pegasi b. D’une masse équivalente à 700 fois celle de la Terre, cette planète, gazeuse, est la première jamais répertoriée en dehors de notre système solaire. Annoncée le 6 octobre 1995, sa découverte ?”
suivie de nombreuses autres depuis ?” a été faite grâce à l’analyse des données fournies par le spectromètre Elodie couplé au télescope de 193 cm de l’Observatoire de Haute-Provence (OHP).Naturellement centré sur l’astrophysique, le site compte une dizaine de coupoles abritant des télescopes de toutes tailles. Certains, comme le Rotat de 60 cm ou le Best de 20 cm, sont entièrement automatisés : ils sont
pilotés via Internet depuis l’Allemagne. Les télescopes de grande taille, de 80 à 193 cm, sont dirigés sur place. Conçus entre la fin du XIX^e et le milieu du XX^e siècle, ces appareils n’en demeurent pas
moins extrêmement performants. Même si, bien entendu, les caméras haute définition et les spectromètres ont remplacé les traditionnelles observations à l’oculaire. Les analyses des données et le traitement des images numériques sont effectués sur PC
à l’aide de programmes spécifiques, tel le logiciel open source Midas, développé par l’Observatoire européen austral (ESO) et utilisé par les astronomes amateurs chevronnés. L’OHP accueille également une station de géophysique. Il est l’un des
maillons du réseau mondial de surveillance de la couche d’ozone. A l’aide de ballons-sondes et de faisceaux laser, les scientifiques mesurent les variations dans l’épaisseur et la répartition de la couche d’ozone. Ils étudient également les aérosols
présents dans les différentes couches de l’atmosphère.Outre la prise de mesure, l’OHP dispose aussi d’un service de recherche et développement : c’est lui qui a conçu le spectromètre Elodie et son successeur, Sophie. A présent, ses ingénieurs travaillent au développement d’une
étoile artificielle polychromatique. Ce procédé est destiné à analyser et corriger les vibrations apparentes des objets stellaires, causées par l’atmosphère.Enfin, l’OHP consacre une part de son activité à l’enseignement. Chaque année, il accueille 400 étudiants et autant de professeurs en sciences qui effectuent des stages. Les enseignants sont invités à intégrer l’astronomie dans leurs
cours de physique, de chimie et de mathématiques. Rien de tel pour susciter de nouvelles vocations parmi les élèves.

Situé à 650 mètres d’altitude, à 7 km de Forcalquier et à 4 km d’Apt, l’Observatoire de Haute-Provence profite de la douceur du climat de la région. En effet, 75 % des nuits sont propices aux observations du ciel.
Et la pollution lumineuse générée par les villes alentour (Manosque, Forcalquier et même Aix-en-Provence, située à 75 km) n’est gênante que pour les astronomes amateurs.

L’OHP dispose de deux systèmes Lidar (Light Detection and Ranging), dont l’un sert à mesurer l’épaisseur et la répartition de la couche d’ozone. Ces instruments fonctionnent selon le même principe que les
radars, à la différence qu’ils analysent les particules dans le domaine du visible et dans l’ultraviolet. Un laser émet un faisceau lumineux en direction du ciel. L’onde, diffusée par les particules rencontrées depuis le sol jusqu’à une hauteur de
90 km est récupérée par les télescopes (les tubes verts sur l’image ci-contre) et analysée.

Le télescope Newton de 120 cm est le plus ancien du site. Fabriqué en 1875 pour l’Observatoire de Paris, il a rejoint l’OHP en 1941 après que sa mécanique ait été restaurée. Les observations s’effectuent via une caméra,
conçue à l’OHP, couplée à un capteur CCD de 1 024 x 1 024 pixels. Pour éviter l’apparition de bruit thermique, qui se manifeste par des pixels de couleur rouge ou bleu, son capteur est isolé dans le cryostat (le cylindre doré) et
sa température est refroidie à -50?’ par de l’azote liquide.

Le spectromètre Elodie, remplacé l’an passé par Sophie, est à l’origine de la découverte, en 1995, de la première planète extrasolaire par les astronomes suisses Michel Mayor et Didier Queloz. Le télescope de 193 cm
(ci-dessus) collecte la lumière et la transmet au spectromètre via une fibre optique. En condition d’utilisation, le spectromètre est isolé dans un caisson étanche où la pression et la température sont maintenues à un niveau constant.

Le télescope de 80 cm (foyers Newton et Cassegrain), conçu en 1930 et installé à l’OHP en 1946, peut être employé pour l’observation directe, par le biais d’oculaires installés sur un renvoi coudé. Néanmoins, la plupart des
explorations s’effectuent en imagerie numérique, via une caméra numérique à capteur CCD Andor de 2 048 x 2 048 pixels, adaptée au télescope. Cet instrument est notamment utilisé par les étudiants et les enseignants en
stage.

La console du télescope de 193 cm commande l’ouverture et le déplacement de la coupole ainsi que l’instrument lui-même. Cette manipulation est gérée par ordinateur, un modèle HP 7970 E datant de 1980 ! L’OHP rechigne à
se séparer du vénérable ancêtre à bandes (on aperçoit son terminal sur l’image ci-contre), non pour des raisons budgétaires (même si cet argument n’est pas négligeable) mais parce que cela contraindrait les techniciens à réécrire le programme de
pilotage du télescope.

Un astronome en mission à l’OHP analyse les données transmises par le spectromètre Sophie, dans le cadre de la recherche de planètes extrasolaires. Une fois les informations collectées, il indique de nouvelles coordonnées à
l’assistant. Ce dernier se charge de pointer le télescope de 193 cm sur l’étoile à observer. Les PC utilisés, ici comme sur l’ensemble du site, sont des modèles Dell.

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Philippe Fontaine