Passer au contenu

Zones d’ombre sur France Telecom

Alors que le titre FT est revenu à son prix de 1997, lors de son introduction, l’opérateur français est contraint à une opération vérité sur ses comptes. L’affaire Mobil Com n’explique pas tout.

Plus personne n’en doute : ce sont de fortes pertes que l’opérateur tricolore devra annoncer le 21 mars. France Telecom est contraint de réaliser d’importantes provisions comptables liées à la dépréciation de la valeur des acquisitions réalisées ces dernières années.Le bras de fer avec l’opérateur de mobiles allemand Mobil Com, qui exige que son partenaire français finance son programme de développement dans l’UMTS, vient sanctionner la gestion de Michel Bon au pire moment. L’opérateur historique doit supporter un endettement de 64,9 milliards d’euros pour une capitalisation boursière désormais inférieure à 35 milliards. Et, aujourd’hui, la Bourse exige des réponses à ses interrogations.“Depuis plus de deux ans, Michel Bon prétend avoir raison contre les marchés. Hier, il énervait les professionnels, mais aujourd’hui il les inquiète”, constate Gérard Augustin Normand, président de la société de gestion Richelieu Finance. Selon Mathieu Xerri, analyste chez Fortis France, “le rachat forcé de Mobil Com pourrait se traduire par une véritable boucherie en faisant chuter son cours de 30 à 10 euros. Dans ce cas, France Telecom pourrait carrément devenir un “Junk Bond” [une obligation de pacotille, ndlr]. Le risque est de voir le rating attribué par les agences de notations des grands émetteurs passer de BBB + à CCC – “.

Engagements inconnus

Tout refinancement de la dette deviendrait alors prohibitif, voire impossible. “On n’en est pas encore là, temporise Mathieu Xerri, car il est difficile de trancher tant que l’on ne connaît pas les termes de l’accord entre France Telecom et Mobil Com “. Reste que Michel Bon est aujourd’hui fortement critiqué, principalement par l’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam). En premier lieu, le doute subsiste sur la totalité des “engagements hors bilan”
(*) réciproques passés entre l’opérateur allemand et le Français. Sauf coup de force de l’Allemand, l’accord ne devrait pas être rendu public avant la présentation des résultats le 21 mars.Pourquoi ? “Pour ne pas alimenter la spéculation. Une trop forte volatilité du titre pourrait pénaliser les petits actionnaires au profit des professionnels”, répond-on chez France Telecom. Mais n’est-ce pas, précisément, l’absence de clarté qui risque de nuire au marché et donc aux investisseurs individuels ?Deuxième inconnue : les engagements vis-à-vis de Mobil Com sont-ils imputables à la mère ou à l’enfant ? En théorie à France Telecom. Mais Orange, sa filiale de téléphonie mobile, aurait également contracté des obligations (lire encadré ci-dessous). On comprend ainsi l’inquiétude de nombreux actionnaires d’Orange, car la filiale serait incapable d’assurer sa part du rachat de Mobil Com et de ses dettes. Pour l’opérateur allemand qui doit dévoiler ses résultats le 21 mars, le même jour que son actionnaire français, les experts s’attendent à quelque 500 millions d’euros de perte et à 8 milliards de dettes environ. Pour mesurer le risque pour les actionnaires d’Orange, Colette Neuville, présidente de l’Adam, demandait à la mi-février des éclaircissements à Michel Bon. Pour le moment, c’est le silence radio du côté de l’opérateur.Troisième problème, France Telecom aurait trop tardé à passer des provisions pour dépréciation d’actifs. Résultat : les fonds propres seraient artificiellement gonflés par des participations surévaluées, et acquises au prix fort.Ainsi, pour beaucoup d’analystes financiers, Orange apparaît surévalué par rapport à son prix d’acquisition de quelque 40 milliards alors que ses fonds propres s’élèvent à 33 milliards d’euros ! Pour les actionnaires, cela signifie que la valeur de chaque action détenue pourrait être singulièrement revue à la baisse.En février dernier, France Telecom a d’ailleurs admis qu’il pourrait envisager une provision pour dépréciation, mais sans en indiquer le montant. Enfin, l’opérateur compterait également servir son prochain dividende sous forme d’actions. Cela lui permettrait d’économiser entre 640 et 800 millions d’euros de cash. L’opération serait effectuée grâce à une augmentation de capital.Reste à savoir si, compte tenu de l’évolution du cours et de cette transparence toute relative, les actionnaires ne préféreraient pas des espèces sonnantes et trébuchantes.(*) Engagement, sous la forme d’une lettre de garantie à des tiers, sur la valeur de certains actifs ou engagement d’apporter des garanties au titre de l’exploitation d’une société acquise.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Jean Pierre Savalle