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Internet, le plat de résistance de Buffalo Grill

Pris dans la tourmente, Buffalo goûte à la communication et développe un site pour l’occasion. Un exercice auquel d’autres entreprises s’étaient essayées auparavant avec plus ou moins de succès.

La communication de crise, c’est de la communication corporate. Une entreprise se doit d’être transparente, en toute occasion. Et Internet a pleinement un rôle à jouer dans ce
processus
‘, affirme Lionel Berthomier, directeur des stratégies éditoriales de l’agence de publicité Image Force. L’homme sait de quoi il parle, puisqu’il gère le site de crise de
Buffalo Grill.Accusé d’avoir servi dans sa chaîne de restaurants de la viande britannique, et ce malgré l’embargo, Buffalo Grill a entamé une campagne sans précédent. Le président du directoire, François Picart, ne s’était jamais donné la peine
de communiquer : à quoi bon, puisque tout semblait réussir à l’entreprise ?Fin décembre, donc, le groupe a chargé
Image Force de mettre sur pied une campagne, estimée à plus de un million d’euros : communiqués, panneaux 4X3 et, bien sûr, site Internet.Le site de crise de Buffalo Grill se superpose, sous forme de pop-up, au site corporate. Au menu : communiqués de presse, dossier sur la vache folle, histoire du groupe…
Il s’agissait pour nous de
construire un espace de communication globale à destination des employés, des investisseurs, des consommateurs, mais en priorité des médias ‘?
énumère Lionel Berthomier.

Décharger la pression médiatique

Ainsi donc ‘ Internet est l’un des premiers outils qui doit être utilisé en cas de crise. Il a l’avantage de décharger la pression émotionnelle, et surtout médiatique. Les journalistes sont en quête des
informations que réclame le public ‘,
explique Thierry Libaert, responsable de la communication en entreprise au Celsa (Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication) et directeur du
séminaire
‘ Communication de crise ‘ à Sciences-Po (11 et 12 mars prochains).Air-France l’avait bien compris. A l’occasion du crash du Concorde, la compagnie aérienne avait mis en place un plan de communication très efficace, aux dires des spécialistes. En toute transparence, la compagnie mettait en ligne
communiqués et articles de presse. Le site avait ainsi permis un ‘ bon balayage ‘ des acteurs concernés : familles des victimes, journalistes, investisseurs… et pas seulement pendant la
crise.Un an plus tard, à l’automne 2001, la compagnie aérienne a publié le certificat d’aptitude de vol du Concorde. Elle a aussi largement communiqué sur les
modifications techniques qui ont été apportées depuis le crash. ‘ Internet est plus efficace à froid qu’à chaud ! Le média permet de maintenir le
dossier dans le long terme. Il va de l’intérêt de l’entreprise de garder en mémoire la crise. D’expliquer au public qu’elle a pris en compte l’événement et que l’on a su capitaliser dessus
‘, commente
Christophe Roux-Dufort, professeur à l’Ecole de management de Lyon et auteur de Gérer et décider en situation de crise.

Lieu d’expression ou défouloir

Avec sa mémoire, Internet possède un autre atout de taille : l’interactivité. Ainsi indique-t-on chez Buffalo Grill avoir reçu de nombreux messages de soutien ?” en restant cependant beaucoup plus discret sur le contenu
des autres messages ?” auxquels l’équipe affirme répondre. Internet reste le seul média à permettre une telle interactivité avec les acteurs de la crise, interactivité dont Shell a su pleinement profiter.En 1995, Shell décidait de couler le Brent Sparr, une plate-forme de stockage de pétrole. En apprenant la nouvelle, Greenpeace appelait au boycott du groupe pétrolier. Les médias ont alors largement repris l’affaire.’ On reprochait à Shell d’avoir décidé de la conduite à tenir sans consultation externe. Le groupe pétrolier a donc fait appel à des experts mondiaux, chargés de proposer des solutions alternatives. Il a
parallèlement ouvert un site, où tout un chacun pouvait faire des suggestions. Le site répondait exactement à ce qui leur était reproché : la consultation ‘,
analyse Christophe Roux-Dufort.

Une goutte d’eau dans un océan d’informations

Internet serait-il l’outil de communication miracle ? Loin s’en faut. Si un fournisseur d’accès à Internet ou une entreprise cotée (qui dispose au moins d’un espace investisseurs en ligne) ont intérêt à communiquer de cette façon,
un groupe grand public ne touchera qu’une petite partie de sa cible. Dès lors, le site de crise n’apparaît plus que comme une ‘ simple rustine ‘. Il ne peut ni toucher le plus grand nombre ni contrer les informations et
rumeurs qui circulent sur Internet.‘ L’entreprise est un ensemble structuré, cloisonné, qui ne peut contrer la logique de diffusion en réseau d’Internet, sur lequel l’information circule très vite. Elle ne réagit jamais assez vite. Tout se passe
comme si Internet rendait inopérant la communication d’entreprise
‘, souligne Christophe Roux Dufort.
Danone (lors du mouvement je boycotte Danone) et
Total Fina en ont fait la cruelle expérience.Ainsi Didier Heiderich, fondateur du site
Communication-crise.com, et PDG de la société de conseil Ksiopa, a relevé plus de 8 000 pages web sur l’affaire Buffalo. Alors même que Bufallo ne déchaîne pas les passions, comme
a pu le faire en son temps le naufrage de l’Erika.’ Est-ce que la page développée par Image Force peut peser sur le débat ? On n’en sait rien. En tout cas, c’est beaucoup moins efficace qu’un 20 heures. Et puis un site corporate n’apparaît pas toujours
comme crédible pour les consommateurs. Mieux vaut utiliser la pollinisation
. ‘ Par ce terme aux accents printaniers, Didier Heiderich désigne le fait de faire appel à d’autres vecteurs d’opinion pour relayer
l’information. En clair, il est plus efficace que ce soit d’autres sites qui relaient la communication de crise. Un article dans l’édition en ligne de
Libération vaut mieux qu’un communiqué de presse.Enfin, Internet peut être pris à son propre jeu. L’entreprise doit se méfier de la facilité avec laquelle elle diffuse l’information, sous peine de cafouillages. Avant de mener une communication de crise cohérente, Buffalo a ainsi
affirmé en ligne n’avoir jamais vendu de la viande britannique avant de se rétracter. ‘ Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de distorsion entre ce que communiquent les médias et les différents sites d’une
entreprise
. ‘Avec ses avantages et ses inconvénients, Internet est devenu un média a part entière dans la communication de crise. Même si on ne peut juger de ses réelles retombées, il fait partie de la panoplie d’outils que les entreprises peuvent
activer rapidement. Quitte à faire comme ce constructeur automobile, qui a fait construire un site prêt à lemploi. Au cas où…

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Hélène Puel