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Hadopi, efficace ou négligente ?

Au moment même où une étude qu’elle a commandée semble conforter son efficacité, l’Hadopi est à nouveau remise en question.

Les internautes adeptes de piratage ont compris le message. C’est en tout cas ce que la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) affirme, preuve à l’appui : profitant du passage du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, le 10 mai dans ses locaux, l’Hadopi avait publié les résultats partiels d’une étude sur l’évolution des “ pratiques et perceptions des internautes français ”. On y découvrait que la moitié des internautes ayant reçu un message d’avertissement, courrier ou mail, avait décidé d’arrêter totalement de pirater des biens culturels (films, séries, musique…). Considérant ainsi que son action est déjà couronnée de succès.Une semaine après, la parution de l’étude complète permet une lecture bien moins fanfaronne : la base d’internautes avertis interrogée est, selon les termes mêmes de l’étude, trop faible pour indiquer autre chose qu’une tendance. On était clairement dans l’effet d’annonce…

Couac d’un prestataire

La réalité technique est plus cocasse : Trident Media Guard, le prestataire qui joue pour les ayants droit et l’Hadopi le rôle d’espion des réseaux pair-à-pair (P2P), s’est rendu coupable de… négligence dans la sécurisation de ses serveurs ! Il a laissé l’un de ses serveurs en accès libre, sans protection : il suffisait de se connecter sur l’une des adresses IP détenues par la société pour découvrir, sans avoir à entrer le moindre mot de passe, des listes d’adresses IP, des noms d’œuvres, des mots de passe ainsi que des programmes probablement utilisés pour la traque des pirates… TMG a immédiatement nié tout problème, annonçant qu’il ne s’agissait que d’un serveur de test de son service de recherche et développement, sans aucun lien avec la procédure de l’Hadopi. Et a déposé une plainte pour intrusion ? sur un serveur public sans protection ? avant de la retirer aussitôt. L’Hadopi a quand même jugé l’affaire assez troublante pour décider de couper sa connexion avec TMG, tandis que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a diligenté une enquête qui devrait aboutir début juin.

Sévères critiques

La Cnil, d’ailleurs, avait dû communiquer quelques jours avant au site PC INpact son avis consultatif préalable à l’installation de l’Hadopi. Un avis dans lequel elle indiquait ses réticences, compte tenu de l’inexistence des moyens de sécurisation labellisés par l’Hadopi. Tout n’est donc pas rose au pays de la Haute Autorité…On a pu s’en rendre compte aussi lors de l’eG8, une réunion à Paris des “ grands de l’Internet ”, placée sous la bannière de “ l’Internet civilisé ” par Nicolas Sarkozy. Là, les critiques envers l’Hadopi se sont malgré tout fait entendre. Lawrence Lessig, juriste américain professeur à Harvard, y a expliqué que l’Hadopi, “ bénéfique à ceux qui sont en place, mais (qui) ignore l’innovation ” était “ mort-née ”. Xavier Niel, le patron de Free, en a profité pour rappeler tout le bien qu’il en pense : une “ mauvaise loi ”, une “ loi folle ”. Pendant ce temps, nous autres internautes, on attend juste que TMG se voit couper l’accès pour “ négligence caractérisée ”.

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Stéphane Viossat