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Flextronics a du mal à digérer sa boulimie d’acquisitions

Le sous-traitant est rattrapé par la crise des télécoms. Ses remèdes : fermetures de sites, délocalisations en Chine.

”  Dans notre secteur, il est toujours relativement plus facile d’augmenter son chiffre d’affaires que ses bénéfices… “ Cette remarque faite en début d’année par Michael Marks, président de Flextronics, numéro 1 mondial de la sous-traitance électronique, était prémonitoire.Le groupe vient de doucher la communauté financière en publiant un avertissement sur ses résultats au premier trimestre (clos au 30 juin 2002). Le chiffre d’affaires ne dépassera pas 3,2 milliards d’euros et le résultat net oscillera entre 5 et 8 cents par action.Les estimations initiales mentionnaient un chiffre d’affaires entre 3,2 et 3,52 milliards d’euros pour un bénéfice net par action compris dans une fourchette de 11 à 14 cents. Quant aux pronostics du prochain trimestre, ils ne valent guère mieux.Explication : les commandes sont en chute libre, notamment celles des équipementiers télécoms. Flextronics, cette star du marché de l’EMS (Electronic Manufacturing Services), ce champion de la maîtrise des coûts, cet aficionado de la croissance externe est rattrapé par la crise. Une crise qui, pourtant, avait jusque-là servi ses intérêts au-delà de toute espérance.

Fabricant tout terrain

À l’origine petites mains des industriels de l’informatique et de l’électronique, Flextronics, mais aussi Solectron, Celestica ou SCI-Sanmina ont appris depuis deux ans à se rendre indispensables à leurs clients.Hantés par des coûts fixes encombrants, ces derniers n’hésitent plus à leur céder leur outil de production. Depuis le début de l’an dernier, plus d’une quarantaine de sites de fabrication ou bureaux d’études ont rejoint le giron de Flextronics. Du coup, les 70 000 salariés de ce groupe américano-singapourien produisent des téléphones cellulaires pour Alcatel, Ericsson, Motorola ou Siemens, des imprimantes pour Hewlett-Packard, des assistants personnels pour Palm, des Xbox pour Microsoft, des copieurs pour Xerox, des cartes et composants pour Nokia, Philips, Dell ou Cisco…La recette est simple : produire là où les coûts sont les plus bas. Les résultats parlent d’eux-mêmes. L’an passé, le chiffre d’affaires a atteint 12,8 milliards d’euros contre 677 millions d’euros en 1997, soit une progression de 1800 % en quatre ans ! Or, le marché mondial de l’EMS pèse aujourd’hui plus de 95 milliards d’euros. Pour Ellen Chae, analyste chez Prudential Securities, il devrait croître de 20 % par an d’ici à 2007.Mais cette croissance vertigineuse a un prix. ” Flextronics, comme les autres, a fondé sa croissance sur le constat, naïf, que le marché des télécommunications ne serait jamais confronté à la récession. Résultat : ils possèdent aujourd’hui des capacités de production surdimensionnées. Et n’ont d’autre choix que de restructurer ou de fermer les sites dont les coûts sont trop élevés “, explique Randall Sherman, analyste du cabinet américain New Venture Research.Au printemps 2001, l’entreprise décide de licencier 7 000 employés, essentiellement aux États-Unis. En octobre dernier, une nouvelle charrette de 10 000 licenciements est annoncée. Entre autres fermetures de sites industriels, l’usine de Moncel-lès-Lunéville (Meurthe-et-Moselle), qui fabriquait à 90 % pour Alcatel.La production est aujourd’hui assurée par les “Flextros” de Laval. Mais pour combien de temps ? “Nous espérons continuer dans le GSM jusqu’à la fin 2002. C’est pour après que nous sommes inquiets. La direction veut se diversifier dans d’autres activités : électronique grand public, embarquée, médicale. Mais la concurrence complique la situation. Y aura-t-il de gros marchés à la clé ?”, se demande André Pavageau, délégué CFDT de l’usine Flextronics de Laval.Pendant ce temps-là, dans les hautes sphères de la multinationale, les dirigeants poursuivent leur chasse au gaspi en délocalisant toujours plus. En Europe de l’Est mais surtout en Chine où le groupe réalise déjà 20 % de sa production mondiale.Symptomatique : Flextronics constitue le deuxième plus gros acheteur d’entreprises chinoises du secteur après Solectron… Un appétit gargantuesque qui lui permet de proposer une palette de services toujours plus étendue en jouant sur l’intégration verticale et horizontale. Car Flextronics souhaite déjà laisser à d’autres le soin de fabriquer…

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Gilles Musi