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Daniel Cohn-Bendit : ‘ Breveter les inventions dans les logiciels, c’est comme breveter des notes de Carmen ‘

Daniel Cohn-Bendit, membre du groupe des Verts et co-président du groupe de Verts au Parlement européen, revient sur les grands enjeux économiques portés par le projet de directive européenne sur la brevetabilité des logiciels.

01net. Les brevets logiciels constituent-ils un danger pour l’industrie informatique européenne ou un atout majeur de son développement économique ?Daniel Cohn-Bendit : Les logiciels n’ont pas besoin de brevet. Breveter les inventions dans le domaine des logiciels, c’est comme breveter des notes dans un opéra comme Carmen. Cela n’a pas de sens. En Europe,
personne n’en veut et ni les inventeurs ni les consommateurs n’ont demandé quoi que ce soit. Une telle réforme risque de tuer les entreprises, de tuer l’énergie des PME et l’innovation tout court. Mais, j’observe que c’est une initiative qui, en
revanche, trouve grâce aux yeux des américains. Pour preuve certaines ambassades américaines font du lobbying en faveur du projet de directive de la Commission en envoyant des notes aux eurodéputés.Le projet de directive proposé par la Commission de Bruxelles, a fait l’objet d’un rapport favorable de la part de Mme Arlene Mc Carthy, député travailliste et membre du Groupe du PSE (Parti Socialiste Européen). Que pensez-vous de ce
rapport ?
Le rapport d’Arlene Mc Carthy n’est que le prolongement de l’inutilité de la directive rédigée par la Commission puisque, comme vous le savez, le droit d’auteur offre déjà des garanties suffisantes tout en préservant la liberté
d’entreprise et ce qu’elle comporte de puissance innovatrice et créatrice. Pour se dédouaner, on dit qu’il existe déjà des milliers de brevets enregistrés auprès de l’OEB (Office européen des brevets), mais c’est un argument fallacieux, car ces
brevets ne reposent aujourd’hui sur aucun statut juridique. Ils sont dans la nature et ne sont donc pas opposables. Ce qui ne serait évidemment plus le cas à partir du moment où l’on sort une loi.Si la directive sur la brevetabilité des logiciels était approuvée en l’état par le Parlement européen, quel en serait l’impact sur les PME, ainsi que sur des entreprises de plus grandes tailles ?La brevetabilité des logiciels obligera en fait les petites entreprises à se vendre aux gros acteurs. En réalité, les brevets logiciels : c’est ce que veut Microsoft. Par exemple, Microsoft cherche à conclure des
‘ licences cross border ‘ [où deux sociétés partagent les fruits d’une invention, ndlr]. La brevetabilité des logiciels répond donc à une logique monopolistique. Fait d’ailleurs tout à fait intéressant quand on sait que les
américains font du libre marché leur fer de lance.Aux Etats-Unis, Microsoft a récemment été condamné à verser 521 millions de dollars, pour exploitation illégale de brevet pour son navigateur Internet Explorer. Que vous inspire cet exemple ?C’est l’exception qui confirme la règle. Microsoft a des bataillons d’avocats. Et quand par malheur, une PME attaque l’une de ces grosses entreprises en justice, il faut qu’elle ait les reins solides, car au final c’est la moitié de
son énergie et de sa capacité innovante qui risque de partir en fumée.Selon vous quelle sera l’issue du vote qui doit avoir lieu la semaine prochaine au Parlement européen ?Il est très difficile de faire un pronostic. Rien n’est décidé pour le moment. Le problème c’est qu’il y a peu de possibilité de compromis. Les socialistes, par exemple cherchent un compromis depuis des mois. Comme les Verts, toute
une partie du groupe PSE (Parti socialiste européen) est opposée à cette réforme. Nous avons été rejoints par les communistes, les libéraux et même certains élus chrétiens-démocrates. Le problème c’est que l’on ne peut pas faire de brevets à moitié.
Soit il y a des brevets, soit il n’y en a pas. Au moment du vote sur le rapport de Madame Mc Carthy, une alliance contradictoire est toujours possible. Si le Parlement dit “non”: on arrête tout et ce sera alors à la Commission de présenter un
nouveau projet de directive.

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Propos recueillis par Philippe Crouzillacq